Arrêt d’activités et suppression d’emplois massives chez ExxonMobil en France : Gilles Telal, délégué syndical central CFE-CGC, secrétaire du CSEC et président de la fédération Enermine, explique les combats qu’il va mener.
ExxonMobil France vient d’annoncer des suppressions d’emplois considérables en France. Quelle est la situation ?
Le 11 avril, la direction française d'ExxonMobil a annoncé l'arrêt de nos activités chimiques en Normandie, ce qui va entraîner la suppression de 781 postes au niveau de la plateforme de Gravenchon, sur la commune de Port-Jérôme-sur-Seine en Seine-Maritime. Cette plateforme comprend une raffinerie et une usine de lubrifiants Esso adossées à un complexe pétrochimique ExxonMobil Chemical France. Si l'on considère les emplois indirects et ceux des sous-traitants, on parle d'environ 5 000 emplois impactés directement sur ce bassin économique. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, nous apprenons également le projet de vente de notre raffinerie de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) qui emploie 310 salariés.
Qu’a donné le comité européen d’ExxonMobil qui s’est tenu le mardi 16 avril à Bruxelles ?
Je viens d’y assister en tant qu’un des deux représentants français. Au niveau européen, il s’agissait uniquement d’une information car dans notre accord d’entreprise les décisions de supprimer des postes ne sont considérées comme significatives que lorsque les emplois sont localisés dans plusieurs pays. J’ai pu lire une déclaration de l’intersyndicale évoquant comment la réunion du 11 avril s’était déroulée. Les élus du personnel s’y étaient retrouvés face à une direction venue avec un service de sécurité en séance plénière pour nous annoncer n'avoir pas eu le choix, la décision, dit-elle, étant prise aux États-Unis. Cynisme ultime, pendant que certains de mes collègues craquaient face à ces annonces, les actions boursières d’Esso, elles, s’envolaient...
Quelles sont les prochaines étapes à court terme ?
Nous venons de recevoir 631 pages de documents concernant le PSE : le livre II, le livre IV, en vue du comité social et économique central (CSEC) qui se tiendra la semaine prochaine pour examiner la cession de Fos en premier lieu puis la suppression des activités chimiques. Comble de l’outrecuidance, la direction a programmé des réunions d’information-consultation la semaine prochaine à des jours où de nombreux élus du CSEC ne seront pas disponibles. En accord avec les élus, en tant que secrétaire, j’ai refusé de signer un des ordres du jour. La direction maintient cependant la réunion. Voici le nouveau dialogue social.
Quelle va être la ligne de défense de la CFE-CGC ?
Nous menons des actions communes avec les autres syndicats représentatifs, FO, la CFDT et la CGT. Un rassemblement unitaire des salariés s’est tenu mardi 16 avril à la raffinerie ExxonMobil de Gravenchon (photo ci-dessus). Lundi 15 avril, j’ai rencontré les représentants d’IndustriALL Europe, une fédération de quelque 200 syndicats européens représentant 7 millions de salariés dans les secteurs de la chimie, de la métallurgie, de l’énergie et autres. IndustriALL va nous apporter son soutien.
Nous demandons qu’ExxonMobil réinvestisse sur les installations de Gravenchon et mène à terme les projets annoncés pas plus tard que l’été dernier concernant le développement des lignes de produits polyéthylène et polypropylène qui permettent de recycler du plastique. Et qui sont des activités rentables. Concernant la vente de la raffinerie de Fos, nous demandons des garanties sur le repreneur et un engagement de ne pas détruire les emplois et de maintenir les conditions sociales et salariales actuelles au-delà des délais légaux de 15 mois.
Quel est votre état d’esprit après ce choc annoncé ?
Un sentiment d’indignation et de scandale. Le choix de vendre la raffinerie de Fos et d'arrêter les unités chimiques du site de Notre-Dame-de-Gravenchon à Port-Jérôme ont été faits au détriment d'investissements pour l'adaptation des outils dans le cadre de la transition énergétique. Ils participent à la désindustrialisation de la France. Leur brutalité d’annonce et d’exécution n’est pas admissible.
Dans tous les cas, nous allons nous battre pour minimiser les suppressions de postes et pour obtenir des mesures d'incitation au départ volontaire qui soient à la hauteur de l'ampleur des projets présentés, et d'un niveau financier tel qu'aucun départ contraint ne soit nécessaire.
Propos recueillis par Gilles Lockhart