Déjà échaudés par les impacts de la crise sanitaire, génératrice d’activité partielle de longue durée (APLD) et de difficultés multiples en termes d’organisation du travail depuis la fusion avec FCA (Fiat Chrysler Automobiles), accentuées par les graves problèmes d’approvisionnement en semi-conducteurs touchant la filière automobile, les 4 800 salariés Stellantis (ex-PSA) du site de Vélizy-Villacoublay (Yvelines) appréhendent avec inquiétude le projet de déménagement imposé par la direction. Ce dernier prévoit de rassembler, d’ici 2024, toutes les activités tertiaires des sites de la région parisienne à Poissy, sur un futur campus situé à 35 kilomètres de Vélizy.
Stellantis : à Vélizy, syndicats et salariés se mobilisent
À l’appel de l’intersyndicale dont la CFE-CGC, plus d’un millier de salariés du site francilien de Vélizy ont manifesté le 16 novembre dernier face au projet non concerté de déménagement à Poissy.
« Après avoir été informées par la direction cet été, à la veille des vacances, de ce projet unilatéral, les organisations syndicales ont appris avec consternation, en octobre lors d’une réunion du comité social et économique central (CSEC), que le déménagement allait concerner 2 800 salariés du site de Vélizy dès l’automne 2022, dans moins d’un an, explique Anh-Quan Nguyen, délégué syndical central CFE-CGC de Stellantis et membre du comité européen de groupe. Si la CFE-CGC n’est pas contre la construction de ce futur campus, nous sommes très en colère quant à l’absence totale de concertation et contre ce planning imposé avec beaucoup de précipitation, qui suscite énormément d’inquiétudes légitimes chez les salariés du site dont la moyenne d’âge est de 48 ans. »
Dans ce contexte, l’ensemble des organisations syndicales (OS) ont sollicité l’expertise du cabinet Secafi pour être accompagnées dans l’analyse du projet et sa justification économique, et concernant les mesures d’accompagnement et les garanties en termes d’activité. En parallèle et à l’initiative de la CFE-CGC, première OS sur le site de Vélizy, un sondage terrain réalisé montre que le prochain transfert suscite un grand mécontentement chez 80 % des salariés. Sur l’augmentation des temps de trajets, 75 % des sondés expliquent ainsi prévoir une augmentation forte ou très forte avec près de la moitié annonçant plus d’une heure de transport supplémentaire. Conséquence : 45 % des salariés se disent démotivés, 40 % résignés, 37 % inquiets et 36 % en colère, quand seulement 8 % indiquent être intéressés ou enthousiastes.
Il y a un fond de mécontentement qui prend de l’ampleur, avec un risque de débordement social. »
Ce mécontentement a trouvé un large débouché puisqu’à l’appel de l’intersyndicale, plus d’un millier de salariés du site ont manifesté le mardi 16 novembre à Vélizy, durant la pause déjeuner. « Ce n’était pas une grève mais une manifestation pacifique, souligne Anh-Quan Nguyen. Cette forte mobilisation, qui a permis aux salariés de venir discuter avec les élus syndicaux, témoigne de la vive inquiétude en interne. La DRH de Stellantis France était d’ailleurs présente ce jour-là, ce qui est plutôt rare en pareille circonstance. D’ores et déjà, nous craignons des départs et donc une perte substantielle de compétences pour l’entreprise. »
Au-delà de ce projet de déménagement, la CFE-CGC Stellantis alerte sur un climat social dégradé et un moral en berne chez les salariés : « Il y a un fond de mécontentement qui prend de l’ampleur. Entre les difficultés économiques liées à la crise sanitaire, le management et les orientations stratégiques au niveau du Groupe à l’échelle mondiale, on sent que le débordement social n’est pas loin. Dans ce contexte tendu, la moindre négociation d’accord d’entreprise est compliquée et nous redoutons les prochaines négociations salariales, prévues début 2022. »
Mathieu Bahuet