L’Association française des banques (AFB) et les organisations syndicales représentatives du secteur dont le SNB CFE-CGC ont annoncé, le 4 avril, un accord actant une augmentation de 3 % des salaires minima de la branche. En êtes-vous satisfait ?
Cet accord fait suite au précédent accord d’août 2022 qui avait déjà revalorisé les minimas à 5 % au-dessus du Smic avec une clause d'actualisation en cas de revalorisation du salaire minimum, ce que nous avons réalisé en début d’année. Le nouvel accord, entré en vigueur début avril, a augmenté de 3 % les 55 salaires minima de la classification, avec un plancher à 800 euros. La combinaison des deux accords a donc pour effet d’augmenter les minima de la grille de 5,58 % et de les porter à 8,9 % au-dessus du SMIC. Le nouvel accord prévoit par ailleurs une augmentation à 3,3 % (contre 3 % jusqu’ici) du taux de référence pour le calcul de la garantie d’augmentation des salaires individuels sur 5 ans, et fixe le salaire plancher minimal des cadres de plus de 50 ans à 35 500 euros (34 500 euros auparavant).
Comment se sont déroulées les négociations, durant lesquelles vous étiez chef de file du SNB ?
Elles ont été menées en intersyndicale du début à la fin. Cette unité nous a permis d’obtenir ces deux accords successifs signés par toutes les organisations représentatives. Les demandes de l'intersyndicale et du SNB étaient certes supérieures, compte tenu du contexte économique et des résultats des banques commerciales, mais les avancées sont positives. D’autant plus que nous sortions d’une période de 5 ans sans le moindre accord conclu avec la partie patronale. Le dialogue social dans la branche est aujourd’hui revitalisé puisque, outre ces accords salariaux, d’autres négociations sont en cours sur le télétravail, sur la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT), et sur les parcours syndicaux des élus du personnel, un sujet fondamental.
« Le SNB CFE-CGC est un acteur incontournable du secteur bancaire »
Président du Syndicat national des banques (SNB CFE-CGC), leader dans la branche, Frédéric Guyonnet analyse l’accord salarial signé entre partenaires sociaux et décrypte la stratégie de développement syndical dans un secteur en mutation.
Les grands acteurs de la banque sont confrontés à un très fort turnover et à de grosses difficultés de recrutements »
Le secteur bancaire voit ses effectifs diminuer depuis dix ans. La spirale s’enraye-t-elle ?
Pas vraiment car le secteur français, selon la Commission européenne, est encore aujourd’hui trop dense. Les fermetures d’agences et les restructurations se poursuivent (Société Générale, HSBC, LCL…). La branche compte aujourd’hui 197 000 salariés dont 60 % de cadres et 40 % de techniciens. Les grands acteurs sont confrontés à un très fort turnover et à de grosses difficultés de recrutements. Les métiers de la banque ne font pas rêver, notamment les jeunes générations très exigeantes sur le sens au travail. Environ 60 % des nouveaux salariés quittent ainsi le milieu bancaire dans les cinq ans. Les postes sont aussi en cause : pour un commercial, il y a trop de travail administratif, trop de réglementaire, et inversement. Tout ceci constitue un défi pour les employeurs et les organisations syndicales. Il faut redonner du sens à nos métiers et faire œuvre de pédagogie autour de l’utilité des banques et de tous les projets qu’elles permettent de faire vivre au quotidien.
Le secteur a été ébranlé par la récente faillite de la banque américaine Silicon Valley Bank, faisant planer la menace d’une nouvelle crise financière. Les banques françaises sont-elles à l’abri ?
Comme l’a rappelé le gouverneur de la Banque de France, les établissements bancaires européens, en particulier français, sont les plus robustes au monde. Le jour où nos banques tombent, cela voudra dire que l’ensemble du système mondial s’est écroulé. Pour n’en citer que deux, la BNP et Société Générale sont des acteurs puissants et solides sur leurs fonds propres. Au niveau européen, des fonds de stabilité ont par ailleurs été mis en place pour sécuriser l’ensemble.
Nous enregistrons un nombre record d’adhérents »
2023 est marquée par de nombreuses élections professionnelles en entreprise avec le renouvellement des comités sociaux et économiques (CSE). Quelle est la stratégie du SNB ?
Premier syndicat de la banque, de la finance et du crédit depuis 2017, avec notamment une représentativité de 38,27 % dans la branche AFB lors de la dernière mesure d’audience en 2021, le SNB est reconnu comme un acteur incontournable du dialogue social dans toutes les entreprises du secteur dont le nouveau cycle électoral a débuté l’an dernier. Nous proposons à chaque section syndicale deux kits communs de campagne, à adapter aux spécificités et aux problématiques de chaque entreprise. Les résultats sont au rendez-vous : depuis janvier 2022, nous avons remporté 79 des 84 élections qui se sont tenues, avec des scores en progression pour 81 d’entre elles.
Quelle est la dynamique en termes de développement syndical ?
Le nombre d’adhérents, stabilisé en 2019 et en 2020 avant la crise Covid, est reparti à la hausse avec une belle progression l’an dernier. Nous comptons aujourd’hui 26 000 adhérents, un record. Il faut saluer le travail de nos développeurs, détachés spécifiquement pour créer des sections où la CFE-CGC n’était pas présente. Rien que depuis le début de l’année, une dizaine ont vu le jour. Nous proposons par ailleurs des formations sur le développement syndical : stratégie de recrutements, mises en scène, comment approcher les salariés, etc. J’en anime moi-même dans toutes les régions.
Au-delà du développement, le SNB bénéficie d’une forte légitimité. Un exemple symbolique : l’an passé, dans le cadre de notre émission TV interne, nous avons reçu les grands dirigeants des groupes bancaires français (Société Générale, BPCE, Crédit Mutuel-CIC, Crédit Agricole…), venus répondre à nos questions. Un gros coup et une belle marque de reconnaissance. Cela démontre que le SNB est le seul syndicat à pouvoir interpeller les grands patrons pour qu’ils répondent à nos interrogations sur les problématiques vécues par les salariés.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet