Avec 5,44 % de votants en 2021, la troisième édition des élections dans les très petites entreprises (TPE) a enregistré son niveau de participation le plus faible. La 11e réunion nationale des CPRIA a pris le sujet à bras-le-corps pour identifier les causes de cet échec et dégager des pistes d’amélioration.
DES COMMISSIONS PARITAIRES CRÉÉES DEPUIS UNE VINGTAINE D’ANNÉES
Pour mémoire, les Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) ont été instaurées en 2015 dans les TPE qui emploient moins de 11 salariés. Elles visent à représenter les salariés et les employeurs des TPE relevant des branches qui n’ont pas mis en place de commissions conventionnelles équivalentes.
Les Commissions Paritaires Régionales Interprofessionnelles de l’Artisanat (CPRIA) avaient été créées auparavant par les partenaires sociaux, dont la CFE-CGC, dans le cadre de l’accord de 2001 relatif au développement du dialogue social dans l’artisanat. Les professions libérales ont quant à elles signé en 2012 un accord national visant à créer des commissions paritaires régionales spécifiques : les CPR-PL.
Lors d’une table ronde plénière, consacrée aux élections dans les TPE et aux enjeux de représentativité et de présence du syndicalisme dans les CPRIA, CPRI et CPR-PL, les leaders des organisations syndicales de salariés et patronales (U2P) ont débattu.
Après avoir dit que « le cadre de la représentativité nous parle totalement », Jean-Christophe Repon, vice-président de l’U2P en charge du dialogue social, a estimé nécessaire que le gouvernement mette la main à la poche, matérialise la reconnaissance des TPE et trouve des éléments qui prouvent que c’est une élection importante : « c’est à l’État d’être partie prenante en organisant une vraie élection qui soit une réussite ! »
UN HIATUS À COMBLER ENTRE LES TPE ET LE SYNDICALISME
Luc Mathieu, secrétaire national de la CFDT en charge du dialogue social dans les TPE, a résumé la problématique de l’absentéisme par la difficulté de rentrer en contact avec les salariés des TPE : « Les organisations syndicales au sens large leur apparaissent très éloignées de leurs préoccupations quotidiennes ». Il a pointé aussi le manque de fiabilité des listes électorales et les modalités de communication et d’organisation du scrutin.
Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, le sujet est effectivement politique : « C’est celui des 5 millions de salariés des TPE qui sont sortis de tous les radars : ils sont des salariés de seconde zone avec des droits sociaux, des droits en matière d’activités culturelles et sociales, et des droits démocratiques réduits… ». Elle a acté « l’alerte rouge du dernier scrutin ». Elle a convenu qu’il y avait une part de responsabilité des pouvoirs publics, mais elle a ajouté que tout ne dépendait pas d’eux : « Les accords de mise en place des CPRIA datent de 2001, on pourrait les remettre à plat. Leur périmètre est trop éloigné des entreprises, il faudrait a minima descendre au périmètre départemental », entre autres suggestions opérationnelles.
Pour Frédéric Souillot, secrétaire général de Force Ouvrière, « toutes les questions ramènent à l’organisation de ces élections. Eh oui, les listes électorales ne sont pas bonnes. Eh oui, le scrutin de liste aggrave les choses : même si nos sigles sont beaux, en France les salariés préfèrent voter pour des gens. » Et il a rouspété (tout comme Sophie Binet) contre le fait que le ministère de l’Intérieur refuse que les collectivités locales mettent à disposition leurs panneaux électoraux pour les scrutins TPE, ce qui leur confèrerait une visibilité accrue.
Quand François Hommeril, président de la CFE-CGC, est intervenu, le tour d’horizon avait été globalement fait sur les raisons pour lesquelles le taux de participation aux dernières élections TPE a été si faible. Le président de la CFE-CGC a tenu à en ajouter une autre : « Les personnes ne vont pas voter si elles ont l’impression que le fait d’y aller ou pas ne va pas changer leur vie. Cela ouvre la question de l’instance en tant que telle, de ce qu’elle produit en activité de toute nature (conseil juridique, etc.) et de la façon dont les salariés s’y retrouvent. »
FRANÇOIS HOMMERIL CONSTATE UN « RATTACHEMENT DES SALARIÉS À LA PRÉSENCE SYNDICALE »
Il a voulu donner une note d’optimisme en soulignant un regain de la participation électorale aux scrutins dans les entreprises en général : « Depuis le début de l’année, nos collègues salariés reviennent vers l’urne : on a des taux de progression de 10 à 20 %. L’interprétation que j’en donne, c’est qu’on a beaucoup parlé, et de façon positive, des organisations syndicales à travers la lutte contre la réforme des retraites. Elles ont fait preuve de leur maturité et de leur capacité à agir ensemble sur un sujet qui rassemblait la majorité de l’opinion ; et elles ont gagné ensemble la bataille de l’opinion. Tout cela a créé un rattachement de nos collègues salariés à la présence syndicale, à l’action syndicale, qui s’est traduit par un regain de participation. »
Il a suggéré de penser les prochaines élections TPE « sous cet éclairage-là », c’est-à-dire en fournissant à leurs salariés, par des moyens de communication et d’organisation, « les éléments de preuve que notre construction paritaire est utile dans le champ social et notamment auprès des TPE et de leurs salariés. »
POUR UNE MUTUALISATION DES MOYENS DE L’ACTION SYNDICALE
Il a aussi plaidé pour une mutualisation de la charge que peut représenter pour une TPE le détachement d’un représentant du personnel. « On peut comprendre qu’il soit difficile voire impossible à un « petit patron » de détacher des personnes et qu’elles restent à la charge de son entreprise », a reconnu François Hommeril.
« Nous devons converger vers une situation qui permettrait que dans les CPRIA des personnes soient détachées quelques heures par semaine sans être à la charge de l’employeur, parce que la charge aura été collectivisée, comme cela existe dans certaines branches comme la plasturgie, pour des entreprises de tailles plus importantes, où des accords permettent de financer le dialogue social à travers des cotisations obligatoires et donc de mutualiser la charge. »
Gilles Lockhart