Une architecture financière en mutation
Les discussions ont d'abord porté sur les sources de financement du système de retraite et de la protection sociale. Premier constat : si la majorité (54 %) repose encore sur les cotisations, ces dernières sont en baisse, alors que la part des impôts, via la CSG (20 % du financement) est en hausse, tout comme la TVA. L'examen des dispositifs de solidarité dans le système de retraite, soit 60 milliards d'euros, a également fait l'objet d'analyses approfondies.
Autre point abordé : les exonérations de cotisations et la question de leur compensation par l'État. Les pertes pour la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse (CNAV) ont été soulignées. Ces derniers sont notamment liés aux exemptions d'assiettes (épargne salariale, titres restaurants, indemnités de rupture) ainsi qu’aux mécanismes de « compensation démographique » (c’est-à-dire, les régimes spéciaux, comme celui des mineurs, qui ne concerne que des retraités ou des veufs) qui ne sont que des postes des dépenses pures.
Dans ce contexte, Christelle Thieffinne, secrétaire nationale CFE-CGC à la protection sociale et cheffe de file de la négociation, a demandé un chiffrage précis du cumul des pertes pour la CNAV des sommes non compensées de ces dernières années. Une demande formulée face à l’absence de prévisions chiffrées sur l’évolution de ces dépenses.
Un sujet d’autant plus épineux qu’un rapport récent de la Cour des Comptes le décrivait comme si complexe qu’il ne pouvait être que laissé tel quel ou entièrement repensé, écartant la possibilité de simples modifications.
Trouver un équilibre entre efforts partagés et incitations
En deuxième partie de séance, plusieurs leviers susceptibles d'améliorer les finances publiques ont été présentés et illustrés par des projections chiffrées. Parmi eux, l’augmentation de la CSG et de la TVA, la hausse du taux de cotisation vieillesse (qu'elle soit salariale ou patronale) et la sous-indexation des pensions de retraite.
« Nous avons soutenu l’importance de définir des mécanismes plus contraignants en direction des entreprises en faveur de l’emploi des seniors, afin d’augmenter les mouvements des cotisations », précise Christelle Thieffinne.
L’ANALYSE DE CHRISTELLE THIEFFINNE, SECRÉTAIRE NATIONALE CFE-CGC À LA PROTECTION SOCIALE ET CHEFFE DE FILE DE LA NÉGOCIATION
« En ouvrant les travaux de la DPP retraite sur le financement de la protection sociale dans son ensemble, la CFE-CGC montre qu'elle n'a pas peur d'affronter la réalité des chiffres et sans tabou. Je considère même que c'est un moyen de détendre les positions patronales dans cette négociation, en évitant que le débat se résume à accabler nos systèmes de retraite au nom de la productivité du travail, mais, au contraire, en ouvrant la voie à un partage plus équitable des efforts à fournir. »
« Les positions de la CFE-CGC sur le financement de protection sociale sont claires : les dispositifs "contributifs" c'est à dire en fonction du niveau de salaire (pension de retraite, indemnités journalières d'arrêt de travail, etc.) doivent être financés par des cotisations sur les salaires. Les dispositifs de solidarités et non contributifs, eux (frais de santé, APL...) peuvent être financés par d'autres sources, comme les impôts ou TVA. »
« Ces arbitrages devront se regarder finement : les dispositifs complémentaires, par exemple, qu’ils soient issus d'accords de branches ou d'entreprises, ont toute légitimité, de par leur nature, à rester sur les salaires »
« Libérer des cotisations sur d'autres financements c'est réaffirmer que les prestations comme les pensions de retraite, les indemnités d'arrêt de travail et, au-delà de la protection sociale, les indemnités chômage doivent être proportionnelles aux salaires. C’est aussi rappeler que les organisations syndicales et patronales ont toute leur place au cœur de la gouvernance de ces systèmes puisque qu’elles en sont les financeurs »
Propos recueillis par François Tassain