Un piège cousu de fil blanc, ni plus ni moins. Alors que le projet gouvernemental de réforme des retraites continue de mobiliser une majorité de l’opinion et des syndicats (voir la journée intersyndicale du 16 janvier et celle à venir du 24 janvier à l’occasion de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres), l’exécutif a récemment sorti sa botte secrète : le retrait du projet de texte de loi de l’âge pivot à 64 ans.
Un leurre pour la CFE-CGC puisque rien ne change :
- dans l’architecture du projet ;
- dans les paramètres qui causent le déséquilibre à venir ;
- dans la nécessité de conserver une référence à l’âge du taux plein que le gouvernement continue de vouloir collective et injuste ;
- pour les catégories les plus malmenées dans un système unique par points comme les carrières ascendantes et les carrières incomplètes des femmes.
Pour la CFE-CGC, le projet reste donc tel qu’il a toujours été : une réforme inutile et dangereuse, dénuée de la moindre étude d'impact et dont le seul objet à terme est de diminuer globalement le niveau des pensions, d'en faire une annexe du budget de l’État soumise aux impératifs de convergence européenne, et d'ouvrir ainsi la voie à des produits de retraite supplémentaire.
« LA MÉTHODE DE CONCERTATION N’EST RIEN D’AUTRE QU’UN ENFUMAGE PERMANENT »
La supercherie de l’abandon d’un objectif d’équilibre à court terme ne trompe personne, comme l’explique François Hommeril, président confédéral : « La méthode de concertation n’est rien d’autre qu’un enfumage permanent. On arrive à l’évidence d’un projet qui était figé dès le départ, avec des paramètres restés les mêmes du début à la fin. L’entêtement du gouvernement nous encourage à poursuivre la mobilisation intersyndicale. Le Premier ministre mélange deux sujets. L’un, systémique, de moyen et long terme et sur lequel nous avons fait des propositions précises. L’autre, qu’il a inventé, imposant un équilibre financier au système en 2027. C’est hors sujet. Non seulement les partenaires sociaux ont toujours su prendre leurs responsabilités, mais l’État est le seul responsable du déséquilibre supplémentaire pointé par le Conseil d’orientation des retraites (COR), étant donné que, depuis 2018, il n’honore plus son obligation de compenser les exonérations de cotisations. »
UN SCÉNARIO QUI RAPPELLE CELUI DE L’ASSURANCE CHÔMAGE…
Pour François Hommeril, cette question de l’équilibre financier et donc de l’âge pivot s’apparente à une stratégie de dissimulation. « L’âge pivot n’est que le préambule à l’âge d’équilibre qui figure dans la loi selon une formule injuste puisqu’il s’appliquera à tout le monde, sans discernement. Il n’y a ni main tendue ni négociation. Le gouvernement nous interdit de toucher aux cotisations et au niveau des pensions, de sorte que nous revenions à l’âge pivot. Pire, dans le cas contraire, il agira par ordonnance. C’est scandaleux. Nous sommes passés d’un projet de loi soumis au débat parlementaire à un dispositif dans lequel on fait mine de responsabiliser les partenaires sociaux dans un cadre impossible. »
Ce scénario rappelle en effet furieusement la négociation sur l’assurance chômage l’an dernier, pour laquelle le gouvernement avait fixé aux partenaires sociaux des objectifs impossibles à atteindre, avant de reprendre la main suite à l'échec programmé des négociations.
Dans le cadre de la prochaine conférence sur l’équilibre et le financement du futur régime universel, les partenaires sociaux doivent désormais discuter jusqu’à fin avril avec des options très limitées et un âge d’équilibre toujours en suspens. « La CFE-CGC participera à la conférence de financement, mais ne voit pas comment de nouvelles mesures pourraient en sortir, alors que le cadrage de Matignon pour trouver des solutions alternatives de financement est très serré », résume Pierre Roger, secrétaire national CFE-CGC en charge de la protection sociale et chef de file de la concertation.
Mathieu Bahuet