Créée par la loi du 5 janvier 1988 puis modifiée par celle du 21 août 2003, la retraite progressive permet, à certaines conditions, de réduire son activité professionnelle en fin de carrière. Les salariés éligibles au dispositif touchent alors un salaire correspondant à leur activité à temps partiel et une partie de leur retraite (de base et complémentaire). Durant cette période, ils continuent de cotiser à la retraite. Lors de la cessation de l’activité professionnelle, la retraite définitive est alors recalculée en tenant compte de la période à temps partiel.
Retraite progressive : un dispositif qui gagne à être déployé
Encore relativement peu utilisée, la retraite progressive dans le privé présente de nombreux avantages pour les entreprises et les salariés seniors qui peuvent, à partir de 60 ans, réduire leur activité sans baisse importante de leurs revenus.
UN DISPOSITIF AVANTAGEUX POUR TOUTES LES PARTIES
Comme l’indique la CFE-CGC dans son document militant de synthèse « Restaurer la confiance », il est dommage que le dispositif de retraite progressive soit encore trop peu utilisé car il présente de substantiels avantages :
- Pour le salarié senior, qui peut dès 60 ans réduire son activité sans baisse importante de ses revenus et sans compromettre sa retraite future. Outre la qualité de vie, un changement progressif du rythme de vie évite des arrêts maladie souvent lourds en fin de carrière.
- Pour l’entreprise, qui peut réduire ses coûts sans pour autant perdre l’appui de ses salariés les plus expérimentés.
- Pour la collectivité, puisque les cotisations continuent d’être versées, en légère diminution certes mais sans comparaison avec des salariés qui se retrouvent brutalement sans emploi.
TROIS CONDITIONS À REMPLIR POUR EN BÉNÉFICIER
Pour bénéficier de la retraite progressive de l'Assurance retraite du régime général de la Sécurité sociale, il faut remplir trois conditions cumulatives :
- Avoir au moins 60 ans.
- Justifier d'une durée d'assurance retraite d'au moins 150 trimestres, tous régimes de retraite obligatoires confondus.
- Exercer une ou plusieurs activité(s) salariée(s) à temps partiel ou à temps réduit. Concrètement, si le salarié est déjà à temps partiel, l’employeur ne peut pas interférer avec sa demande de retraite progressive. Si le salarié n’est pas encore en temps partiel, il doit commencer par le négocier avec son employeur.
Après un long combat, la CFE‑CGC est parvenue à supprimer un quatrième critère et à étendre le bénéfice de la retraite progressive aux salariés en forfait-jours réduit (encadré ci-contre).
UNE DEMANDE À EFFECTUER AUPRÈS DE LA CARSAT
La demande de retraite progressive s’effectue auprès d’une Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) au moyen d’un formulaire (www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R1399) recensant toutes les pièces justificatives nécessaires.
L'attribution d'une retraite progressive par l’Assurance retraite du régime général de la Sécurité sociale entraîne, sans autre démarche, le versement d'une retraite progressive par les régimes suivants si le salarié y a également cotisé :
- Mutualité sociale agricole (MSA).
- Sécurité sociale des indépendants (SSI).
- Régime des professions libérales.
En revanche, concernant les retraites complémentaires (Agirc-Arrco, Ircantec, etc.), le salarié doit déposer une demande spécifique dans ces régimes.
UN MONTANT CALCULÉ SUR LA BASE DES DROITS AU MOMENT DE LA DEMANDE
Pour déterminer le montant de la retraite progressive, une retraite provisoire est calculée sur la base des droits du salarié au moment de la demande. Cette retraite provisoire est calculée selon les mêmes règles qu’une retraite définitive en fonction du nombre de trimestres d'assurance retraite et du salaire moyen au cours des 25 meilleures années de la carrière du salarié.
La fraction de la retraite provisoire qui versée est égale à la différence entre 100 % et la durée de travail à temps partiel ou à temps réduit du salarié. Ainsi, par exemple, un temps partiel ou réduit à 80 % donne droit à 20 % de la retraite provisoire.
S’agissant de la durée de bénéfice du dispositif, la retraite progressive reste ouverte tant que le salarié remplit la condition de durée de travail à temps partiel y ouvrant droit, c’est-à-dire une durée de travail globale comprise entre 40 % et 80 % de la durée de travail à temps complet. À la fin de chaque période d'un an après la date de début de la retraite progressive, le bénéficiaire doit justifier de sa durée de travail à temps partiel ou à temps réduit, sous peine de voir sa pension de retraite progressive suspendue.
DES DISPOSITIONS PRÉVUES EN CAS DE CHANGEMENT DE SITUATION
Si le salarié bénéficiaire d’une retraite progressive modifie sa durée de travail à temps partiel ou à temps réduit dans les limites de 40 % et 80 %, il doit le signaler par courrier à sa Carsat. Le montant de la retraite progressive reste alors inchangé pendant un an à partir de la date de départ en retraite progressive, même en cas de modification de la durée de travail pendant cette période.
La modification du montant débute le premier jour du mois suivant la fin de la période d'un an. Si le salarié modifie sa durée de travail à temps partiel ou à temps réduit après plus d'un an de retraite progressive, la modification du montant de la retraite débute le premier jour du mois suivant la fin de toute autre période d'un an.
Dans le cas d’une cessation d’activité à temps partiel ou à temps réduit, le salarié peut continuer à bénéficier de la retraite progressive s’il reprend une nouvelle activité salariée à temps partiel ou à temps réduit dans les limites de 40 % et 80 %.
Enfin, si un salarié est amené à reprendre à temps plein, il doit en informer sa Carsat. Sa retraite progressive est dès lors supprimée et il ne sera plus possible de demander à en bénéficier à nouveau.
GRÂCE A LA CFE-CGC, UN DISPOSITIF ENFIN OUVERT AUX SALARIÉS EN FORFAIT-JOURS
Jusqu’en 2021, la retraite progressive n’était pas accessible aux salariés au forfait-jours, même si ces derniers passaient au forfait-jours réduit. La CFE-CGC s’est battue pour mettre fin à cette injustice, dénoncée dans une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Elle a obtenu gain de cause par une décision du Conseil constitutionnel le 26 février 2021. Depuis le 1er janvier 2022, les salariés au forfait-jours réduit et les mandataires sociaux assimilés salariés peuvent faire une demande de retraite progressive (voir la fiche pratique).
Malgré cette avancée significative, ce n’est pas encore suffisant pour la CFE-CGC qui rappelle qu’avant d’entamer les démarches pour bénéficier du dispositif, le salarié doit exercer son activité à temps partiel. Or, cela suppose que celui-ci soit autorisé par l’employeur. Par ailleurs, les salariés en forfait-jours peuvent se voir refuser le passage en forfait réduit au motif que leurs salaires ne peuvent pas faire l’objet d’une proratisation des cotisations sociales plafonnées.
La CFE‑CGC milite donc pour l’instauration de dispositions ne permettant pas à l’employeur de s’opposer à un passage à temps partiel (ou temps réduit) dans le cadre d’une demande de retraite progressive tant que l’assuré n’a pas atteint la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
La CFE‑CGC propose également de renforcer l’accès à la retraite progressive en prenant en compte, dans la condition de 15 trimestres validés, 2 années d’études supérieures sanctionnées par un diplôme reconnu par l’État.
Mathieu Bahuet