UNE SITUATION QUI SE DÉGRADE EN FRANCE ET DANS LE MONDE
En France, les risques de sècheresse pour l’été 2023 sont particulièrement élevés. Les nappes phréatiques n’ont pas pu se remplir suffisamment après un hiver très sec, et 28 départements présentent un risque de sècheresse estivale depuis la mi-mai. Actuellement, 70 % des nappes phréatiques ont un niveau inférieur à la normale. Un niveau préoccupant, celles-ci étant les réservoirs naturels d’où provient près de 2/3 de l’eau destinée à notre consommation. À l'échelle nationale, plus de 91 % des stations de mesure des rivières rapportent un débit inférieur à leur moyenne des années 1990-2020. Le territoire national fait donc face à une raréfaction de sa ressource en eau.
La ressource hydrique est inégalement répartie en France : certains territoires manquent d’eau par rapport aux besoins de la population, notamment en période de sècheresse. D'après le rapport d'inspection de la sècheresse de 2022, plus d’un millier de communes rurales ont dû prendre des mesures d’exception pour approvisionner leurs habitants.
La France n’est bien sûr pas le seul pays touché par le manque d’eau. En mars dernier, l’UNESCO et ONU Eau ont publié un rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau. Il indique qu’entre 2 et 3 milliards de personnes connaissent des pénuries d’eau et que ces dernières vont continuer à s’aggraver ces prochaines décennies, notamment dans les villes. La population urbaine mondiale confrontée au manque d’eau devrait alors doubler, passant de 930 millions de personnes en 2016 à 2,4 milliards en 2050
Quels enjeux autour de l’eau ?
Risques de sécheresse estivale au plus haut en France, rapport mondial alarmant de l’ONU, multiplication des conflits d’usage… Pour la CFE-CGC, il est impératif de construire une gestion responsable de la ressource hydrique.
DES INCIDENCES MULTIPLES
- Le grand cycle de l’eau perturbé
Le réchauffement climatique a un impact direct sur le grand cycle de l’eau. En effet, la hausse des températures augmente l’évaporation. Il y a alors plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère et par conséquent moins d’eau disponible à l’état liquide. Cela augmente les phénomènes météorologiques extrêmes (pluies violentes, inondations, longues sècheresses…). Au même moment, le débit des rivières diminue et les nappes phréatiques s'appauvrissent. Les tensions vont donc s’intensifier si les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne diminuent pas drastiquement.
- Impacts sur la biodiversité
Disposer d’eau en quantité et en qualité suffisante constitue un enjeu fondamental dans la préservation des écosystèmes. Les sècheresses extrêmes et prolongées ont une incidence croissante sur les écosystèmes, avec des conséquences désastreuses pour les espèces végétales et animales. La baisse des cours d’eau peut entrainer une fragmentation des milieux et ainsi affecter la mobilité du vivant.
- Impacts sur la qualité de l’eau
La qualité de l’eau est aussi un sujet de préoccupation. Le niveau de l’eau dans les rivières et les nappes phréatiques étant plus bas, les polluants y sont plus concentrés. Le problème est accentué par les précipitations extrêmes qui, à cause de l’artificialisation des sols, favorisent le transfert de pollution. En 2019, 43 % des eaux de surface étaient affectées par des pollutions diffuses (due à de multiples rejets de polluants dans le temps et l’espace) et 25 % par des pollutions ponctuelles (dont l’origine peut être localisée géographiquement de façon précise). Pour les eaux souterraines, ces chiffres sont respectivement de 34 % et 3,3 %.
- Des conflits d’usage
L’eau, en tant que ressource naturelle et vitale, a des usages multiples. Elle est indispensable au bon fonctionnement de nombreux secteurs économiques. L’agriculture est la première activité consommatrice avec 57 % du total, devant l’eau potable (26 %), le refroidissement des centrales électriques (12 %) et les usages industriels (5 %).
Parce qu’elle nous est vitale, mais qu’elle est limitée et inégalement répartie sur le territoire, l’eau fait l’objet de conflits d’usages qui s’accentuent avec le réchauffement climatique. L’un des exemples les plus récents est celui des « mégabassines » dans le département des Deux-Sèvres, où se confrontent deux visions de la gestion de l’eau face à l’urgence écologique.
D’autres conflits opposent les consommateurs face au manque d’eau. C’est le cas entre l’élevage et l’agriculture dans certaines régions, où l’élévation des températures se traduit par un abreuvement plus important des animaux, mais aussi par une augmentation de la consommation d’eau des champs. Il existe aussi des conflits d’usage entre entreprises grandes consommatrices d’eau, et la population alentour. Le tourisme d’été sur les littoraux est une autre source de conflit, créant des pics de consommation d’eau dans des petites communes, excédant les ressources locales.
LES POSITIONS DE LA CFE-CGC
Le déficit hydrique en France devient alarmant pour les citoyens et tous les secteurs économiques. Pour la CFE-CGC, il est essentiel d’anticiper sans plus attendre une gestion coordonnée entre les parties prenantes et les territoires. Les conflits d’usages ne cessent de s’accroitre avec la raréfaction des ressources. Il est indispensable de rassembler les acteurs des filières concernées afin de trouver des solutions pour réguler les tensions sur la gestion de l’eau et ses usages.
L’État a un rôle central à jouer, en commençant par faire appliquer la législation existante. Si la France a su faire progresser son cadre législatif de la gestion quantitative de l’eau, il n’est pas toujours respecté.
La CFE-CGC appelle par ailleurs à la mise en œuvre de formations pour mobiliser les citoyens afin de favoriser la récupération de l’eau et d’éviter des gaspillages aujourd’hui trop nombreux. C’est par l’accompagnement des populations et par la montée en compétences des services que la gestion durable de l’eau trouvera sa pleine efficience. Un travail de sensibilisation auprès des entreprises doit également être développé.
Des voies de progrès doivent également être aussi explorées, notamment la lutte contre les pertes dans les réseaux de distribution d’eau potable, et la réutilisation des eaux non conventionnelles.
La CFE-CGC a appuyé les recommandations faites dans le récent rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE), lesquelles visent à limiter les substances polluantes et à encourager le financement de la recherche pour la mise en œuvre d’alternatives durables. Secrétaire nationale CFE-CGC en charge de la transition pour un monde durable, Madeleine Gilbert est d’ailleurs corapporteure du rapport « Urgence climatique et ressources en eau : comment limiter les conflits d’usage ? » du CESER Auvergne-Rhône-Alpes, publié en juin 2022.
Pour la CFE-CGC, il est impératif de construire une gestion responsable de la ressource hydrique, accompagnée d’une véritable gouvernance de l’eau, pivot d’une gestion des conflits d’usages.
Vinciane Vialard