Quelle est la situation actuelle de la marine marchande dans le contexte de pandémie mondiale ?
Depuis janvier 2020, des centaines de milliers de marins sont pris au piège, coincés dans des bateaux bloqués dans les ports du monde entier à cause de la pandémie. La gestion de crise portait au début sur l’organisation des quarantaines, les dépassements de temps d’embarquement, l’épuisement à bord, la mise en place de plans sanitaires spécifiques et de l’activité partielle. Elle s’est faite avec un bon niveau de dialogue social entre les syndicats, l’administration et les armateurs. Nous avons dû faire le tri entre les problématiques nécessitant des interventions coordonnées des services de l'État et celles qui relevaient du dialogue social dans les entreprises concernées. Le soutien et l’accompagnement aux élus des comités sociaux et économiques (CSE) et aux délégués syndicaux ont été extrêmement denses sur des problématiques de droits sociaux totalement inédites (par exemple la gestion des quarantaines d'initiative employeur).
La crise a ensuite évolué durant l’été 2020 avec l’apparition de clusters importants, probablement en conséquence du déconfinement, et d’une fatigue des personnels contraints aux gestes barrière 24h/24 sans pouvoir rentrer chez eux. La faible reprise des liaisons internationales, comme le déphasage des États subissant tour à tour des pics épidémiques, ont fait perdurer ce déséquilibre vie privée-professionnelle vécu jusqu’à ce jour par les marins.
Un soutien psychologique a-t-il été mis en place ? La médecine du travail est-elle particulièrement vigilante ?
Dès le début du suivi de crise avec l’administration maritime, l’intersyndicale avait demandé la mise en place d’un numéro dédié pour l’assistance psychologique. Cette « bouée de sauvetage », assurée par une psychologue spécialiste du maritime, a été très sollicitée ! Il faut imaginer le traumatisme de certains adhérents CFE-CGC partis de chez eux en novembre 2019, qui pensaient rentrer au plus tard début février pour les vacances d’hiver en famille ou entre amis, et qui ne sont rentrés qu’en juin ou juillet ! Plus généralement, les navigants français ont vu leur temps d’embarquement accru de 50 % sans compter les quarantaines, parfois dans des conditions très éprouvantes, imposées par des États peu soucieux du confort et des libertés individuelles.
Enfin, depuis quelques semaines, la problématique est désormais clairement sanitaire à bord avec une augmentation des clusters de « variants » sur les navires et une aggravation des cas. La question de la dotation en oxygène des navires, comme celle de l’accès aux soins, sont devenues de nouvelles problématiques à gérer, avec un niveau de stress extrême. Le support du centre de télémédecine dédié aux marins français est extrêmement sollicité et les déroutements de navires pour évacuation sanitaire sont de plus en plus courants.
Deux marins d’un thonier sont récemment décédés des suites du Covid. Quels sont les arguments mis en avant par la CFE-CGC pour convaincre le gouvernement de mettre en place en place une vaccination prioritaire pour les marins ?
Notre courrier envoyé début avril à la ministre la Mer, Annick Girardin, a bien été entendu. Nous avons été discrets sur la communication car un feu vert est en ce moment en cours de validation. Nous avons conscience des nombreux secteurs qui demandent cette priorité de vaccination, à commencer par nos collègues de l’aérien pour qui le plan vaccinal est toujours en discussion. La spécificité maritime a été reconnue comme un fait aggravant, principalement par la difficulté d’accès aux soins mais aussi pour le risque plus élevé de clusters, y compris pour des activités proches des ports.