À l’occasion du Forum économique de Davos qui se tient cette semaine (du 25 au 29 janvier) et dont le thème porte sur la restauration d’une économie durable, responsable et résiliente, la CFE-CGC demande que les dirigeants présents y décident d’actions concrètes pour rendre le monde et notre économie durables et résilients. Pour les y aider, la CFE-CGC, fidèle à sa tradition d’être force de propositions, suggère une mesure simple et applicable rapidement pour renforcer l’engagement social et environnemental des grandes entreprises.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a fait cette déclaration dans son intervention du 26 janvier lors du « World Economic Forum » : « Le système a très bien produit pour le consommateur et l'actionnaire, mais il a ajusté sur le travailleur et la planète. » Ce constat est bien réel : le monde, l’Europe et la France sont en retard sur leurs objectifs sociaux et sur ceux de la transition écologique indispensable pour préserver un monde vivable aux générations futures. Mais faire un tel constat n’est pas suffisant : les États doivent rapidement décider des actions permettant de corriger le tir.
Le sujet du réchauffement climatique est particulièrement illustratif. L’Europe et la France sont en retard sur leur trajectoire d’émissions de CO2 pour tenir l’objectif de l’accord de Paris de 2015 (COP21). Les politiques publiques sont souvent formulées uniquement en termes d’objectifs à long terme et de mesures qualitatives et sont de surcroît parfois incohérents entre eux (le projet Hercule de démantèlement d’EDF en est un des exemples criants du moment). En France, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la loi énergie-climat de 2019 ont été élaborées sur ce schéma. Le résultat est sans appel : notre pays est en retard sur la trajectoire de la PPE 2019-2023 adoptée en 2016, tant du fait d’un pilotage insuffisant de l’État que de mauvaises pratiques de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
Du côté des entreprises, à commencer par les plus grandes, leur politique RSE matérialise leur contribution au développement durable. Elles sont le plus souvent peu détaillées et sont actuellement évaluées sur la base d’indicateurs trop qualitatifs. L’obligation d’un reporting extra financier a certes constitué une avancée mais il présente des limites dans la mesure où il ne rend compte que du passé, au mieux du présent, mais n’est ni adapté ni suffisant pour s’assurer de la tenue d’objectifs à moyen-long terme. Il est indispensable d’y ajouter une dimension anticipatrice en élaborant des feuilles de route justifiant l’atteinte des objectifs de long terme et intégrant des objectifs de progrès social. Ces « roadmaps » doivent, comme pour la gestion de projets complexes, imposer des passages de jalons intermédiaires pour crédibiliser leur pertinence et permettre de gérer efficacement l’atteinte des objectifs. Seule la quantification des objectifs et des résultats attendus des actions planifiées permet de s’assurer de la transparence et de la sincérité nécessaires pour crédibiliser les démarches RSE des entreprises et éviter le « green bashing ».
INSTITUER LA PUBLICATION D’UNE FEUILLE DE ROUTE ENVIRONNEMENTALE ET SOCIALE QUANTIFIÉE
Une pratique courante des entreprises cotées est de publier régulièrement une « guidance financière » fixant des objectifs de résultats financiers et de rémunération des actionnaires à un horizon de 3-5 ans. Afin de matérialiser leur contribution à l’atteinte d’objectifs globaux, la CFE-CGC propose d’instituer, d’abord pour les grandes entreprises, la publication d’une feuille de route environnementale et sociale quantifiée et jalonnée au moins sur le même horizon temporel. Une telle « roadmap environnementale et sociale » est d’ailleurs étroitement liée à la trajectoire financière à travers les ressources allouées à la mise en œuvre des politiques sociales et aux investissements visant la réduction de l’empreinte environnementale, tant via la conception de nouveaux produits ou services moins générateurs de CO2 que via le verdissement des processus d’entreprise. Une telle démarche matérialiserait enfin une stratégie globale des entreprises incluant de façon crédible la dimension environnementale et sociale introduite par la loi Pacte de 2019. Elle n’est pas un travail supplémentaire car les entreprises établissent déjà des plans prévisionnels à moyen terme.
Les directions d’entreprises pourraient donc d’elles-mêmes, au titre d’une politique RSE volontariste, décider de publier rapidement leur roadmap environnementale et sociale pour exprimer publiquement leur engagement sincère à prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux.
L’État devrait, de son côté, rapidement ériger cette pratique comme un critère d’éligibilité des entreprises à l’obtention du label ISR (Investissement Socialement Responsable) car elle permet d’améliorer la visibilité des épargnants individuels et institutionnels sur l’engagement sociétal de leurs vecteurs de placement. Cela viendrait utilement compléter le panel de critères du label ISR reconnu aujourd’hui comme très insuffisant. Enfin, en cas d’absence d’application de cette mesure sur une base volontaire, l’État devrait l’inclure comme une obligation dans une loi Pacte 2 aux côtés des dispositions indispensables d’amélioration de la gouvernance des entreprises écartées de la loi Pacte, notamment l’augmentation du nombre d’administrateurs salariés.
La promotion et l’adoption d’une telle mesure simple, de mise en œuvre facile et rapide, exprimerait la sincérité de l’engagement sociétal des directions d’entreprises et contribuerait à apaiser le climat social tendu par la crise actuelle.
Gérard Mardiné, secrétaire général de la CFE-CGC
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Publié le 27 - 01 - 2021
Pour une économie durable et responsable, passons aux actes !
Dans une tribune en écho au Forum économique de Davos, Gérard Mardiné, secrétaire général de la CFE-CGC, invite les États à engager des actions concrètes et propose de renforcer l’engagement social et environnemental des grandes entreprises.