Les questions relatives à la lutte contre le dérèglement climatiques ont suscité de vives réactions auprès des citoyens. La hausse de la taxe carbone, jugée comme une mesure punitive, notamment par des usagers qui n’ont pas d’alternatives à la voiture individuelle, a été à l’origine, en 2018, du mouvement dit des gilets jaunes. Dans la foulée du grand débat national initié à la suite du mouvement, l’Etat a créé la Convention citoyenne pour le climat (CCC) afin de définir des mesures écologiques et acceptables. La CCC est composée de 150 membres tirés au sort et a pour but de définir des mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effets de serre (GES) d’ici 2030 (par rapport à 1990). L’organisation a été assurée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la troisième chambre de la République.
En juin dernier, la CCC a publié son rapport comprenant 149 mesures déclinées en 5 thématiques : consommer ; produire et travailler ; se déplacer ; se loger ; se nourrir. L’Etat s’est engagé à reprendre 146 mesures. Cependant, il a déjà repoussé deux propositions phares de la CCC : la taxation de l’aérien et le moratoire sur la 5G en raison de la crise actuelle. Un projet de loi venant traduire les propositions de la CCC devrait passer en Conseil des ministres d’ici la fin de l’année.
Pleins feux sur la Convention citoyenne pour le climat
Créée en 2019 et composée de 150 citoyens, la CCC a formulé 149 propositions en faveur du développement durable. Un projet de loi est désormais attendu en fin d’année. Présentation des enjeux.
LA CFE-CGC IMPLIQUÉE DE LONGUE DATE
Première et seule organisation syndicale française à avoir adhéré au Global Compact des Nations Unies en 2018, la CFE-CGC est de longue date impliquée dans les questions de développement durable. Elle soutient et œuvre en faveur des objectifs de développement durable (ODD) pour lesquelles le syndicat de l’encadrement a réitéré son engagement à travers la publication, le 30 mars dernier sur le site de l’ONU, de sa COE (communication sur l’engagement). La CFE-CGC a donc été attentive aux travaux menés par la CCC et a partagé son avis sur les 146 mesures lors d’une multilatérale interministérielle organisée en juillet dernier.
LA GOUVERNANCE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE
La CCC a proposé de revoir la gouvernance des instances compétentes en matière de développement durable, notamment via une plus grande participation des parties prenantes. La CFE-CGC est favorable à une meilleure inclusion des partenaires sociaux dans le processus de délibération des autorités organisatrices. Les organisations syndicales sont en effet légitimes en tant que représentantes des salariés. Elles ont une connaissance approfondie des enjeux auxquels font face les entreprises.
INFORMER ET SENSIBILISER LES CITOYENS
La CFE-CGC prône une meilleure sensibilisation des citoyens sur les enjeux du développement durable. S’agissant de la gestion des déchets, la CFE-CGC milite pour le développement de l’économie circulaire et de l’économie de la fonctionnalité. Il est impératif de modifier le paradigme d’une économie linéaire trop coûteuses écologiquement. En cela, la CFE-CGC propose de mettre en place des politiques de sensibilisation, en particulier à destination des plus jeunes.
Pour l’information des consommateurs en matière de lutte contre le réchauffement climatique, la CFE-CGC avait déjà proposé de mettre en place un indicateur simplifié de CO2 qui indiquerait, tel le système d'étiquetage nutritionnel Nutri-Score, une évaluation des émissions de CO2 induite par la production d’un bien. Ce système permettrait d’éclairer les ménages dans leurs choix de consommation et d’inciter les entreprises à verdir leur système de production.
Au-delà, la CFE-CGC réclame plus de transparence des entreprises sur leur processus de production et sur les impacts environnementaux et sociaux. Il est nécessaire de verdir la finance en complétant les indicateurs financiers par des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) afin de créer une logique de long terme au sein des entreprises. Il est crucial d’orienter l’investissement vers des produits vertueux et garantissant une « finance durable ». La CFE-CGC considère que ces enjeux doivent être pleinement intégrés par les salariés des réseaux bancaires. Elle propose que leurs formations englobent cette nouvelle vision, tant dans sa dimension d’empreinte sociétale que dans la gestion du risque.
SOUTENIR L’INVESTISSEMENT
La CFE-CGC considère que le levier fiscal peut être un outil efficace en matière de développement durable. Elle recommande depuis plusieurs années de mettre en place une taxe carbone aux frontières européennes qui permettrait de rendre compte du coût environnemental assujetti à l’importation. Pour la CFE-CGC, les recettes des taxes vertes devraient être fléchées directement vers des investissements compatibles avec le développement durable. Il est indispensable que ces investissements puissent bénéficier au plus grand nombre. La CFE-CGC recommande aussi d’investir fortement dans des secteurs comme le transport, le bâtiment ou l’industrie. Dans les transports, les investissements doivent permettre de développer des infrastructures favorisant l’intermodalité.
Sur la question des mobilités, la CFE-CGC regrette que le forfait mobilités durables (dispositif qui permet de financer à hauteur de 400 euros par an les mobilités durables telles que le covoiturage ou le vélo) créé en 2019 par la loi d'orientation des mobilités (LOM) ne soit pas rendu obligatoire à toutes les entreprises et administrations afin de développer les mobilités alternatives à la voiture individuelle. Sur l’organisation du travail et la gestion des trajets domicile-travail, la CCC propose d’imposer une journée de télétravail. Pour la CFE-CGC, le sujet doit faire l’objet d’une négociation entre partenaires sociaux et ne peut pas être imposée de manière unilatérale.
Pour atteindre les objectifs fixés sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la CFE-CGC propose d’investir dans le bâtiment, notamment à travers la rénovation thermique des bâtiments publics et privés. Sur ce point, la CFE-CGC salue la mise en place du dispositif MaPrimeRénov' pour soutenir les ménages menant des travaux de rénovation dans leur logement. Cette aide est allouée sans conditions de ressource. Toutefois, la CFE-CGC s’inquiète de la pérennité de ces aides. La rénovation thermique doit s’inscrire dans une stratégie de long terme afin de favoriser l’emploi non délocalisable au sein des territoires.
Pour la CFE-CGC, il est urgent d’investir dans ces énergies d’avenir tout en conservant le nucléaire - source d’énergie peu carbonée et filière industrielle française d’excellence - dans notre mix énergétique. Et tout en poursuivant, simultanément, les investissements dans le recyclage, le traitement et le stockage des déchets nucléaires.
LA QUESTION DE LA LÉGITIMITÉ DE LA CCC
Les propositions de la CCC (enregistrée comme une association) feront l’objet d’un projet de loi devant être présenté en Conseil des ministres fin 2020. L’initiative de la CCC pose des interrogations sur la place des parties prenantes dans le débat législatif. Les organisations syndicales (OS) représentatives sont issues des urnes et possèdent une légitimité et une expertise dans le débat public. Celles-ci ne peuvent être substituées par des associations qui n’ont pas cette légitimité du vote. Il est primordial que le processus législatif intègre les OS, qui sont force de proposition.
Dernièrement, les membres de la CCC s’inquiètent de la réelle application des 146 propositions dans le projet de loi. Les récentes interventions du gouvernement laissent entendre que la crise actuelle ralentira la mise en œuvre de certaines propositions en faveur du climat. Pour la CFE-CGC, la relance de l’économie devra s’accompagner d’une vision de long terme et forcément tendre vers la transition écologique.
Dalia Amara