Plan de relance : où est la cohérence politique ?
De bonnes choses mais un ensemble hétéroclite et manquant de cohérence politique.
L’essentiel : 100 milliards d’euros d’investissements
Nommé « France Relance », le plan présenté par le gouvernement, jeudi 3 septembre 2020, contient une enveloppe de 100 milliards d'euros qui seront injectés dans l’économie française. Son objectif stratégique est la création de 160 000 emplois nets en 2021. Il s’agit d’un plan d’investissements répartis en trois grandes catégories : la compétitivité, la transition écologique, la cohésion sociale et territoriale. Chacun de ces pôles représente environ un tiers du budget global, comme le montrent nos graphiques.
Une vision gouvernementale peu claire
Dans un entretien donné au journal Le Monde, le 5 septembre, François Hommeril, le président de la Confédération CFE-CGC, a reconnu que « tout ce qui est favorable aux investissements concrets (…) est positif ». De nombreuses propositions du plan vont dans le bon sens mais le volume hétéroclite des 70 mesures qui le composent rend la vision et le cap que s’est fixé le gouvernement peu clairs. Certaines d’entre elles, comme la baisse des impôts de production sur laquelle la CFE-CGC s’était déjà prononcée favorablement, étaient prévues avant le plan. La CFE-CGC souhaite également que les leçons de la crise actuelle soient tirées. Se fixer comme seul objectif de retrouver le niveau d’activité d’avant crise est insuffisant : des changements structurels de notre économie doivent également être opérés.
L’indispensable conditionnalité des mesures
François Hommeril a souligné la question de la « conditionnalité » en craignant que les entreprises, qui ne seront pas obligées de fournir des contreparties précises aux aides de l’Etat, s’en servent pour faire de « l’optimisation financière » plutôt que pour se développer.Pour Raphaëlle Bertholon, Secrétaire nationale de la CFE-CGC à l’Economie, à l’Industrie, au Numérique et au Logement, cette conditionnalité « est indispensable pour redonner confiance aux français dans l’efficacité des mesures prises. L’investissement et la consommation sont les moteurs essentiels du plan de relance. Si les Français doutent de l’efficacité des mesures pour relancer l’investissement des entreprises et à terme créer des emplois, c’est le moteur de la relance par la consommation qui va rester en panne. Et avec lui la libération vers la consommation des quelque 100 milliards d’euros épargnés pendant le confinement. L’enjeu est donc de taille ! ».
Pour Raphaëlle Bertholon, ce sont des signaux positifs »
Les points positifs du Plan
Le Plan prévoit le financement de l’activité partielle de longue durée (APLD) pour un montant de 7,6 milliards d’euros. Ce dispositif négocié et porté par la Fédération Métallurgie de la CFE-CGC vise à préserver l’emploi et conserver les compétences des salariés des entreprises. L’Etat accompagne financièrement ces mesures avec en contrepartie, l’engagement des entreprises à ne pas licencier.
La rénovation énergétique des logements était une proposition portée par la CFE-CGC, qui salue l’éligibilité des aides à cette rénovation pour tous les citoyens, sans condition de ressource.
Le renforcement des moyens attribués à la recherche pour 3 milliards d’euros est également une bonne nouvelle, ainsi que les projets de relocalisation en lien avec les territoires, même si le sujet reste complexe. Pour Raphaëlle Bertholon, « ce sont des signaux positifs ».
Les 8,2 milliards d’euros alloués aux développements des technologies vertes, dont 2 milliards consacrés au développement de l’Hydrogène vert (pour arriver à 7,2 milliards à l’Horizon 2030) donnent les moyens d’atteindre la Stratégie Nationale Bas Carbonne à l’horizon 2050.
Les points faibles du Plan
La CFE-CGC regrette que les mesures du volet « Compétitivité » ne portent pas davantage sur la compétitivité hors prix (qualité, innovation), favorisant ainsi une montée en gamme de notre production qu’elle appelle de ses vœux, car facteur d’amélioration de notre performance. Elle note l’insuffisance du montant alloué (3 milliards d’euros) au renforcement des fonds propres des TPE/PME et ETI, au regard des besoins estimés à 50 milliards par l’OFCE. Alors que l’enveloppe de 300 milliards d’euros des Prêts Garanties par l’Etat (PGE) destinés à soutenir la trésorerie des entreprises n’est consommée à ce jour qu’à hauteur de 120 milliards, il était pour Raphaëlle Bertholon, « tout à fait envisageablede prélever 50 milliards d’euros pour les dédier au renforcement des fonds propres des entreprises qui vont en avoir besoin très rapidement pour éviter la faillite ». Le Plan de relance préfère laisser la main aux banques qui seront appelées à octroyer des prêts participatifs auprès des TPE/PME/ETI demandeuses.
La CFE-CGC déplore aussi l’absence d’une grande orientation de la commande publique vers des entreprises/fournisseurs créateurs d’emplois en France (excepté l’anticipation de la commande militaire pour 898 millions d’euros, soit moins de 1% du total annuel des commandes publiques), alors qu’il constitue un levier facile à actionner pour créer des emplois.
Absence de cohérence politique
Outre la conditionnalité des mesures qui est indispensable, la clé de réussite du Plan résidera dans sa mise en articulation, pas toujours lisible, entre développement de projets et développement des compétences associées, ce qui mériterait pour Raphaëlle Bertholon la création d’une vraie GPEC Nationale pour réponde aux enjeux fixés.
« L’absence de cohérence politique » est l’autre écueil auquel le plan peut être confronté. Le gouvernement ne peut pas promouvoir la souveraineté numérique, appeler à la cohésion nationale et à jouer collectif, et laisser dans le même temps la Gendarmerie Nationale commander des Seat (au lieu de Renault), et BPI France choisir de stocker les dossiers des PGE que l’Etat lui a confiés, chez Amazon (AWS) plutôt que chez OVH acteur français du Cloud, souligne Raphaëlle Bertholon. Elle espère que le retour du Commissariat au Plan redonnera de la perspective et de la cohérence politique à un Etat qui a abandonné depuis de trop nombreuses années sa fonction « d’Etat Stratège », afin que « l’on puisse sortir des Plans de Com’ pour passer à de véritables Plans de Travail. »
Gilles Lockhart