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Publié le 06 - 10 - 2023

    Onclusive ou l'intelligence artificielle qui cache la forêt…

    Réagissant au plan social prévoyant le licenciement de 217 des 380 salariés français de l’entreprise de veille médiatique, Nicolas Blanc, secrétaire national CFE-CGC à la transition économique, fixe les enjeux en matière d’IA et de dialogue social.

    Le PSE annoncé chez Onclusive est-il le premier d'une longue série dans ce secteur du fait de l'introduction de l'intelligence artificielle (IA) ? Il est à espérer que non tant la façon de faire est la pire qui soit. En effet, les représentants du personnel sont mis devant le fait accompli alors que l’entreprise britannique a eu une stratégie de digitalisation connue depuis 2022 avec l’acquisition de Digimind, l'éditeur français spécialisé dans les plateformes de veille. De plus, on mélange l’IA parmi d’autres processus de digitalisation : difficile donc d’y voir ses impacts en termes de productivité. Et pour finir, on apprend qu’il y a aussi un plan d’externalisation en Inde sur une partie de l’activité. On pourrait ainsi dire que c’est l’IA qui cache la forêt…

    QUELLES ACTIVITÉS VONT ÊTRE LES PLUS IMPACTÉES PAR L'IA ?
    L’arrivée des IA dites génératives, c’est-à-dire capables de produire du contenu à partir d’un important corpus de données, va accentuer la pression sur les emplois des cadres car leurs productions intellectuelles peuvent être de plus en plus automatisées par ce type d’IA. Cependant, comme le montre l’étude de l’OIT d’août 2023, on s’aperçoit que les impacts de l’IA générative sur les tâches effectuées par les cadres restent modérés et que c’est plus la qualité et l’intensité du travail qui vont être modifiées. L’exemple d’Onclusive montre bien qu’elle connaît mal l’emploi de ses salariés…

    QUELS EMPLOIS SERONT LES PLUS MENACÉS ?
    Les emplois intellectuels, qui ont déjà subi un déclassement lié à la mondialisation, sont les plus menacés. On peut penser aux pigistes qui remplacent les journalistes et à qui on demande de produire du contenu à faible valeur ajouté, par exemple dans les journaux gratuits. Idem pour les consultants juniors qui produisent surtout des présentations powerpoint pour des comités de direction. Tous ces emplois, appelés péjorativement « bullshit jobs » mais qui constituent une tendance réelle dans le monde du travail, vont être remplacés par des outils de type ChatGPT si ceux-ci coûtent moins cher dans la chaîne de valeur.

    Dans le cas d’Onclusive, il reste à démontrer que ces outils d’IA sont plus pertinents quant à la production de contenus à forte valeur ajoutée. C’est tout l’argument mis en avant à juste titre par les représentants du personnel, à savoir que la plus-value réside surtout dans l’analyse avec, pour les clients, un fort risque de perte de qualité qui devrait interpeller l’entreprise sur sa stratégie.

    QUE PEUVENT FAIRE LES DÉLÉGUÉS SYNDICAUX ET LES ÉLUS DU PERSONNEL ?
    Avant l’introduction de ces nouvelles technologies, les représentants du personnel ne peuvent malheureusement pas grand-chose si la direction ne joue pas le jeu du dialogue social en matière de digitalisation. Il faut rappeler que dans la cadre des consultations obligatoires annuelles, les orientations stratégiques de l’entreprise doivent être présentées aux représentants du personnel. Les plans de digitalisation peuvent en faire partie. La démarche permet de mesurer les impacts sur les emplois et les besoins en termes de compétences des salariés. C’est ce qu’aurait fait toute entreprise soucieuse d’anticiper les impacts sur les emplois…

    Notons également que le Code du travail, par l’article L-2311-1 sur l’introduction des nouvelles technologies, permet de mener une information-consultation pour discuter ces questions dans l’entreprise. C’est ce qu’aurait aussi dû commencer par faire Onclusive.

    Enfin, s’agissant d’un plan social, le projet doit être étudié par les représentants du personnel. La question du remplacement des salariés par un outil d’IA en termes de productivité et de coût économique doit donc être discutée.

    IA ET DIALOGUE SOCIAL : LA CFE-CGC MOBILISÉE
    La CFE-CGC a travaillé en profondeur ces problématiques relatives aux enjeux du développement de l’IA au travail au travers du projet SecoIADeal (Servir la confiance dans l’IA par le Dialogue), visant à favoriser un dialogue social adapté aux spécificités de l’IA.

    Nos préconisations ont d’ailleurs été intégrées dans la feuille de route proposée par le Conseil national du numérique (CNNum) au gouvernement dans le cadre de sa stratégie nationale pour l'intelligence artificielle.

    Nicolas Blanc, secrétaire national CFE-CGC à la transition économique