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Publié le 05 - 04 - 2022

    NAO 2022 : les entreprises pharmaceutiques loin du compte

    Malgré une santé financière florissante, le secteur pharmaceutique français ne partage pas ses bénéfices avec les salariés. Témoignage du négociateur de la fédération Chimie CFE-CGC, François Reyrolle.

    Négociations annuelles obligatoires décevantes

    Fin 2021, la négociation des minimas conventionnels au niveau de la branche des entreprises du médicament a débouché sur un accord non signé par la CFE-CGC. « Le patronat proposait 2,2 % d’augmentation pour les bas salaires, rappelle François Reyrolle, représentant de branche CFE-CGC dans l’industrie pharmaceutique. La CFE-CGC considérait qu’elle n’avait pas à accompagner le patronat dans l’appauvrissement des salariés. Vu la prospérité de l’industrie pharmaceutique, les employeurs pourraient au minimum suivre l’inflation annuelle de +2,6 %. »

    Ouverture de nouvelles discussions

    De nouvelles négociations sont en cours pour revoir les minimas conventionnels. Elles ont été demandées par l’une des organisations syndicales signataires de l’accord (les seules qui peuvent activer la clause de revoyure) et le patronat de la branche s’est vu contraint d’accepter. François Reyrolle, qui y participe, se montre d’un « optimisme relatif » quant à leur issue. « Les négociateurs patronaux disent que quand on fixe un minima conventionnel, les entreprises se croient obligées de faire plus et se retrouvent donc placées devant le fait accompli. C’est pourquoi ils freinent des quatre fers », décrypte-t-il.

    Pingrerie des directions d’entreprise

    Entre les +3 % d’augmentation générale accordés par Bayer – record du secteur –  et le très maigre +1 % de Sanofi au niveau individuel – qui a mis les cadres de cette entreprise vent debout –, la plupart des sociétés pharmaceutiques ont eu des oursins dans le porte-monnaie. La tendance globale des NAO 2022 du secteur s’est concentrée entre +2 et +2,5 %. Beaucoup de ces accords NAO n’ont pas été ratifiés par la CFE-CGC, car profondément insuffisants. « On voit d’ailleurs disparaître le principe même des augmentations générales, constate François Reyrolle techniquement. Des entreprises ont accordé de l’intéressement, de l’abondement, mais c’est du one shot et les salariés dans les années futures ne rattraperont pas ce manque de partage de la valeur ».

    Prise en compte biaisée de la participation

    La participation représente un gain pour les salariés, c’est indéniable et c’est un des arguments des employeurs pour limiter les hausses de salaires. Dans une entreprise comme Merck, elle peut atteindre 20 % de la rémunération annuelle. Mais ce n’est pas du salaire et c’est une façon de « prendre les gens en otage », estime le négociateur. « S’ils changent de job, ils ne retrouveront pas cette part variable dans leur nouveau salaire. D’autant que le délai de déclenchement de la participation l’apparente à de l’épargne à moyen terme, qui ne doit pas entrer en ligne de compte dans la NAO. En outre, si la participation est importante, c’est bien que les bénéfices sont conséquents : aujourd’hui il n’y a aucun partage et on le fait clairement comprendre aux salariés. »

    Colère et démotivation des équipes

    « Les filiales des grands groupes s’étonnent que l’engagement des salariés pour l’entreprise baisse année après année… Les managers, les dirigeants devraient se dire qu’il est plus pertinent de manager des collaborateurs qui veulent donner le meilleur d’eux-mêmes plutôt que de les décourager en les privant d’augmentations générales décentes, remarque François Reyrolle. On est entré dans une logique où l’employeur aime frustrer les salariés. Les dirigeants ne le voient pas immédiatement, mais les salariés leur donnent la monnaie de leur pièce : départs impromptus, jeunes diplômés sans esprit-maison, cadres de 40 à 60 ans tétanisés pour diverses raisons… »

    Gilles Lockhart