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Publié le 02 - 12 - 2025

    « Mobiliser l’épargne salariale vers l’industrie et les emplois »

    Le Collectif Reconstruire et Natixis lancent un fonds d’investissement dédié à l’industrie et à l’emploi en France. Éclairages avec Philippe Petitcolin, secrétaire du Collectif et expert CFE-CGC à la transition économique.

    Quelles sont les missions du Collectif Reconstruire fondé en 2021 et dont vous êtes secrétaire ?

    C’est un Collectif atypique qui associe des militants syndicaux, notamment issus de la CFE-CGC, des salariés d’anciens grands groupes industriels français (Alstom, Alcatel, Technip), des chefs d’entreprise, des chercheurs, des économistes, des fiscalistes, des lanceurs d’alerte. Autant de gens qui n’ont pas forcément l’habitude de travailler ensemble mais qui partagent la volonté farouche de mettre les sujets de réindustrialisation, de souveraineté et de résilience économique au cœur du débat public, auprès des citoyens comme du pouvoir politique.

    La mission du Collectif Reconstruire est de reconnecter les citoyens à l’industrie en faisant de l’épargne un levier de transformation économique, sociale et territoriale. Ces dernières années, la déconstruction méthodique d’entreprises nécessaires au bien commun - particulièrement dans l’industrie - et les crises successives (Covid, guerre en Ukraine) ont mis en lumière ces problématiques.

    Quelles actions menez-vous ?

    Le Collectif agit avec quatre grands axes de travail. Premièrement, mobiliser l’épargne citoyenne en créant des fonds d’épargne salariale et retraite à impact, orientés vers les entreprises industrielles françaises et les filières stratégiques. Deuxièmement : contribuer à la sauvegarde des actifs industriels en alertant sur les menaces. Troisièmement : influencer les pouvoirs publics - notamment avant les grandes échéances électorales - avec des propositions de politique industrielle pour la création de filières stratégiques. Enfin, nous accompagnons les acteurs engagés pour l’industrie et sensibilisons l’opinion publique à l’image de la projection, au printemps 2024 à Belfort, du film Tax Wars sur la lutte contre l’évasion fiscale. Nous travaillons par ailleurs avec d’autres organisations de l’écosystème : Force françaises de l’industrie, Origines France garantie, Retour de l'Industrie en France, etc.

    Contribuer à l’avenir productif du pays, à la création d’emplois et d’usines dans nos territoires, et au renforcement de la souveraineté industrielle »

    Le 6 novembre dernier, Natixis (Groupe BPCE) et le Collectif Reconstruire ont annoncé le lancement du premier fonds d’investissement dédié à l’industrie et à l’emploi en France. Quelle en est la genèse ?

    Tout est parti de la question du financement de la réindustrialisation en faisant le constat que la France est à la fois un des pays avec les plus forts taux d’épargne et un de ceux qui investissent le moins dans l’industrie. D’où notre volonté de se tourner vers l’épargne salariale avec un cahier des charges pour créer un fonds dédié à l’industrie. Nous avons sollicité les plus grands acteurs de fonds d’investissement avec trois critères : que l’argent soit investi dans des entreprises qui créent des emplois industriels en France, qui y paient leurs impôts et dont la plupart des fournisseurs y exercent leur activité.
     
    Après 18 mois de discussions et de compromis, nous sommes tombés d’accord avec Natixis pour créer le fonds commun de placement en entreprise (FCPE) baptisé « Sélection VEGA Industrie France » qui investira à 85 % dans des entreprises françaises en mesurant l’impact sur les emplois avec des indicateurs de suivi. Cette étape décisive concrétise notre volonté d'aider les Français à mobiliser leur épargne au service de la reconstruction industrielle du pays. Ce fonds constitue à la fois un outil financier et un moyen d’engagement collectif. En orientant notre épargne vers l’industrie, nous contribuons à l’avenir productif du pays, à la création d’emplois et d’usines dans nos territoires, et au renforcement de la souveraineté industrielle. Ce projet permet aussi d’attirer l’attention des investisseurs sur l’industrie, trop longtemps délaissée.

    Comment fonctionne ce fonds communs de placement en entreprise ?

    Avec une stratégie de gestion discrétionnaire, le portefeuille du fonds combinera des actions majoritairement françaises et européennes pour capter les évolutions de marché dans l’industrie manufacturière (plus de 7 millions d’emplois) et investir dans des entreprises de production de biens de consommation et d’équipements. Le fonds prend en compte divers critères extra-financiers, notamment l’empreinte emplois en France. « Sélection VEGA Industrie France » intègrera par ailleurs des fonds d’actifs non cotés de type capital investissement, dette privée et infrastructure, portant sur des investissements orientés notamment vers les PME-ETI.

    Désormais, comment sensibiliser les entreprises et leurs salariés à y investir ?

    Le sujet est en effet de la responsabilité des employeurs et des représentants du personnel au sein des entreprises. Il s’agit de faire connaître ce fonds, pionner en la matière. Nous allons communiquer, organiser des visio-conférences pour sensibiliser, faire jouer nos carnets d’adresses. À la CFE-CGC et avec les équipes du secteur transition économique piloté par notre secrétaire national Nicolas Blanc, nous présenterons ce fonds au cercle des épargnants ainsi qu’aux branches professionnelles.

    Montrer l’exemple et être un leader de l’épargne d’entreprise responsable »

    Quelles sont vos ambitions ?

    Il s’agit de montrer l’exemple et d’être un leader de l’épargne d’entreprise responsable. Le fonds a déjà enregistré plusieurs dizaines de millions d’euros depuis son lancement. C’est plutôt bon signe sachant que le milieu de la finance est généralement assez rétif à l’innovation et aux nouvelles habitudes ! Nous espérons que le fonds atteindra plusieurs centaines de millions d’euros. À terme, nous ambitionnons pourquoi pas de travailler avec tous les fonds d’investissement afin de flécher l’épargne salariale et des citoyens vers des entreprises qui créent des emplois en France.

    Sur quels autres projets travaille le Collectif Reconstruire ?

    Nous sommes sollicités, par exemple par des salariés, quant au devenir de petites structures ou de pépites technologiques françaises risquant de basculer sous pavillon étranger. Dans ce cas, nous activons nos réseaux, nous formulons des contre-propositions. Plus largement, nous mettons en lumière toutes les initiatives et les événements en lien avec le made in France.

    Propos recueillis par Mathieu Bahuet