Retour aux actualités précédentes
Publié le 24 - 09 - 2021

    Loi santé au travail : des avancées significatives

    Promulguée cet été après un long travail législatif faisant suite à l’accord signé fin 2020 par les partenaires sociaux, la loi pour renforcer la prévention en santé au travail entrera en vigueur le 31 mars 2022. Premiers décryptages.

    Rappel des faits : après une première tentative de concertation entre partenaires sociaux puis une négociation âpre conduite dans des conditions inédites de confinement, la CFE-CGC avait signé l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la santé au travail du 9 décembre 2020. Dans la foulée, la volonté de tous les acteurs de réformer le système de santé au travail a trouvé son point d’orgue dans la loi « pour renforcer la prévention en santé au travail », promulguée au journal officiel le 2 août dernier. Nous revenons ci-dessous sur les principales dispositions du texte qui, pour la plupart, entreront en vigueur au 31 mars 2022.

    ÉVOLUTIONS LIÉES AU DOCUMENT UNIQUE D’ÉVALUATION DES RISQUES PROFESSIONNELS (DUERP)

    Si elle a pu susciter un souhait de déclinaison différenciée selon le point de vue des représentants employeurs et salariés, la nécessité de cette évaluation a fait consensus tant lors de la négociation que du processus législatif. Par cette évaluation, le système de santé au travail doit passer d’une logique de réparation à une logique de prévention. Pour rappel, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) constitue la pierre angulaire de la prévention en entreprise. Il oblige l’employeur à identifier chaque année les risques auxquels sont exposés ses salariés, pour ensuite prévoir des actions de prévention.

    Grâce aux échanges entre parlementaires et partenaires sociaux, la loi n’a opéré que certains ajustements au regard de la spécificité des TPE/PME, instaurant une distinction de mise en œuvre selon la taille des entreprises. Celles de plus de 50 salariés devront désormais, pour chaque action de prévention envisagée, fixer « ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût », identifier « les ressources pouvant être mobilisées », et fixer un calendrier de mise en œuvre des mesures envisagées. Pour les petites entreprises, des actions de prévention doivent être fixées dans le DUERP, sans autres précisions. Dans tous les cas, ces mesures devront être présentées au comité social et économique (CSE).

    Par ailleurs, conformément aux souhaits des partenaires sociaux, la loi a amélioré la traçabilité de l’exposition aux risques. Au-delà de ses vertus préventives, le DUERP peut en effet également faciliter la réparation, lorsque la prévention a échoué. En ce sens, la loi a prévu la conservation des versions successives du DUERP au sein d’une plateforme numérique. Cela doit permettre aux salariés, alors même qu’ils ont quitté leur entreprise, de demander un extrait du DUERP de leur entreprise sur une période donnée, par exemple pour faciliter la demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle.

    DE LA QVT À LA QVCT : UNE ÉVOLUTION NÉCESSAIRE POUR PRENDRE EN COMPTE LES CONDITIONS DE TRAVAIL

    Pour la CFE-CGC, la qualité de vie au travail (QVT) constitue un réel levier de prévention de la santé des salariés, sous réserve qu’on lui attribue la bonne signification. Or bien souvent, les entreprises, lorsqu’elles négocient sur le sujet, parlent de tout sauf de l’élément qui constitue le cœur de la QVT tel que défini par l’ANI de 2013 : l’organisation du travail.

    En ce sens, la loi a repris la proposition de la CFE-CGC qui faisait consensus dans l’ANI de décembre 2020 : le terme « QVT » est maintenant remplacé dans le Code du travail par celui de « QVCT » (qualité de vie et des conditions de travail) pour que les conditions et l’organisation du travail soient enfin au centre des échanges lors de la négociation égalité professionnelle et QVT. Il est par ailleurs prévu que cette négociation puisse « porter sur les conditions du travail », allant dans le sens des revendications de la CFE-CGC.

    MÉDECINE DU TRAVAIL : DE GRANDS CHANTIERS OUVERTS DANS LES SPSTI

    Désormais qualifiés de services de prévention et de santé au travail (SPSTI), les services de médecine du travail vont s’engager dans un vaste chantier de réformes pour lequel les partenaires sociaux joueront un rôle important.

    En réponse à la pénurie de médecins du travail régulièrement décriée par les employeurs, la loi prévoit la possibilité qu’un « médecin praticien correspondant » qui n’aurait pas le statut de médecin du travail puisse prendre en charge une partie du suivi de l’état de santé des salariés. Cela ne concernera que les zones ayant un nombre insuffisant de médecins du travail (ou une disponibilité insuffisante de ces derniers) pour répondre aux besoins.

    En revanche, une autre mesure prévue par la loi pose question : celle de la prise en charge, par les services de santé au travail, de missions de santé publique. Ces derniers devront réaliser des « actions de promotion de la santé sur le lieu de travail dont des campagnes de vaccination et de dépistage, et des actions de sensibilisation aux bénéfices de la pratique sportive ». Pour la CFE-CGC, il y a là un risque réel de voir les actions de prévention de santé au travail diminuer dans les entreprises, à la faveur d’actions très éloignées du milieu de travail.

    Autre grand chantier, celui de la mise en place et du contrôle de l’action des services de santé au travail, objet de plusieurs articles dans la loi. Le principe d’un agrément administratif préalable à l’ouverture d’un service est confirmé. Mais il est désormais assorti d’une procédure de certification de ces SPSTI, portant notamment sur la qualité des services rendus, l’organisation du service et sa gestion financière. Une liste d’offres socles, dont le contenu sera défini par les partenaires sociaux, devra également être obligatoirement délivrée par les services.

    Enfin, de nombreux dysfonctionnements ayant été constatés dans certains services de santé au travail, la loi prévoit le renforcement des sanctions en cas de problématiques.

    AMÉLIORER LA PRÉVENTION DE LA DÉSINSERTION PROFESSIONNELLE DES SALARIÉS

    La loi tend à remédier aux difficultés tenant à la mauvaise voire à l’absence de coordination des acteurs et des informations en santé au travail. SPSTI, médecin traitant, médecin conseil, caisse de sécurité sociale, référent handicap, employeur : les acteurs sont nombreux. Fluidifier les échanges est essentiel pour accompagner efficacement le salarié, en particulier lorsqu’il risque une désinsertion professionnelle.

    La loi met en place des mesures concrètes : le médecin du travail pourra accéder au dossier médical partagé (DMP) d’un salarié, sous réserve du consentement de ce dernier. Il est aussi prévu que certaines informations du dossier médical en santé au travail soient intégrées au DMP dans son volet santé au travail, accessible par le médecin traitant du salarié. Ces assouplissements visent à un meilleur partage d’information et à une prise en charge améliorée de la santé du salarié.

    Par ailleurs, le nouveau texte prévoit la mise en place, désormais obligatoire, de cellules « PDP » (prévention de la désinsertion professionnelle) au sein des SPSTI, ainsi que leurs connexions avec les autres acteurs, notamment les caisses de sécurité sociale et le médecin traitant.

    • La sécurité sociale devra transmettre certains arrêts longue durée aux SPSTI. 
       
    • Pour faire suite au signalement d’un arrêt longue durée, le SPSTI pourra prendre l’initiative d’une « visite de pré-reprise » avec le salarié pour envisager les dispositifs d’accompagnement.
       
    • Dès lors qu’elle prendra en charge un salarié suite à un signalement de la sécurité sociale, la cellule du SPSTI devra en informer ladite caisse.
       
    • Lors d’une téléconsultation entre le médecin du travail et le salarié, il sera possible d’intégrer aux échanges le médecin traitant (ou un autre professionnel de santé au choix du salarié) si le salarié le souhaite et sur proposition du médecin du travail.

    Par ailleurs et comme l’a fait valoir la CFE-CGC, un nouveau dispositif - le « rendez-vous de liaison » - comporte des risques pour le salarié. Ce dispositif permet à l’employeur, durant un arrêt longue durée (le seuil doit être précisé par décret), de prendre l’initiative d’un rendez-vous avec le salarié, associant le service de prévention en santé au travail. Officiellement, cela doit permettre à l’employeur et au SPSTI d’informer le salarié des dispositifs d’accompagnement qui existent. La CFE-CGC a cependant souligné le gros risque d’intimidation à la reprise du travail que cela constitue, ce pourquoi elle s’était opposée à cette mesure. Heureusement, il a été ajouté au texte que le salarié peut refuser un tel rendez-vous. 

    VALORISER LES DISPOSITIFS EXISTANTS DE MAINTIEN EN EMPLOI DES SALARIÉS EN DIFFICULTÉ  
    Deux dispositifs, à la main des caisses de sécurité sociale, méritaient d’être valorisés et davantage mis en œuvre en vue d’un meilleur maintien en emploi des salariés en difficulté. C’est chose faite grâce à cette nouvelle loi. Il est ainsi rappelé, dans le Code du travail, l’existence des dispositifs d’« essai encadré » et de « contrat de rééducation professionnelle ». Le premier prévoit la possibilité pour un salarié, durant 14 jours, de tester sa capacité à reprendre son poste - aménagé ou non - ou un autre poste, à temps plein ou partiel, mais 100 % rémunéré par les indemnités de la sécurité sociale. Le second dispositif s’adresse aux salariés reconnus travailleurs handicapés, ou en voie de reconnaissance. Il permet au salarié inapte ou en risque d’inaptitude de reprendre une activité professionnelle, en permettant notamment l’apprentissage d’un nouveau métier chez l’employeur initial ou dans une nouvelle entreprise. La CFE-CGC souhaite désormais que ces dispositifs soient davantage connus et utilisés.

    MISE EN PLACE D’UNE VISITE DE MI-CARRIÈRE

    À compter de fin mars 2022, une « visite médicale de mi-carrière » devra être organisée par le service de santé au travail auprès de tous les salariés, l’année de leur 45 ans, sauf autre âge déterminé par accord de branche. Objectif : faire un point sur l’état de santé et évaluer les risques de désinsertion professionnelle. Une mesure soutenue par la CFE-CGC et un pas de plus vers la prévention de la désinsertion professionnelle.

    Emérance Haushalter