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Publié le 20 - 05 - 2022

    « Le pouvoir politique doit mieux considérer les syndicats »

    À l’occasion d’une intervention le 19 mai à Sciences Po Paris, François Hommeril, président de la CFE-CGC, a exhorté le nouvel exécutif à mieux respecter et à travailler efficacement avec les organisations syndicales.

    Deux invités de marque étaient conviés jeudi 19 mai à Sciences Po Paris, rue des Saints-Pères, devant une promotion (professionnels RH, salariés en reconversion, militants syndicaux…) de l’executive master dialogue social et stratégie d’entreprise. Président de la CFE-CGC, François Hommeril et Marjorie Alexandre (secrétaire confédérale FO en charge de l’Europe) ont, durant 90 minutes, dressé un état des lieux du dialogue social et de ses perspectives à l’aube d’un nouveau quinquennat. Sous l’intitulé « Quelles sont les attentes syndicales après l’élection présidentielle », François Hommeril a profité de cette tribune pour livrer plusieurs messages forts dont nous reproduisons ci-dessous les principaux extraits.

    PARCOURS PROFESSIONNEL ET MILITANT
    « Ingénieur de formation, j’ai fait de la recherche au CNRS et passé un doctorat. Ma carrière a débuté en 1989 au sein du groupe Pechiney dans le centre de recherche à Gardanne (Bouches-du-Rhône). Ce groupe industriel, qui a enchaîné les restructurations et changé d’actionnaires à de multiples reprises, illustre bien les conséquences de la financiarisation croissante du monde économique. »

    « Au niveau syndical, j’ai adhéré à la CFE-CGC en 1990. J’ai été élu au comité d’entreprise puis au CCE d’Aluminium Pechiney. Ces premiers mandats m’ont fait découvrir toute la dimension sociale de l’entreprise. J’ai ensuite exercé des responsabilités confédérales comme secrétaire national à la formation puis à l’Europe et l’international, avant d’être élu président de la CFE-CGC en 2016, puis réélu en 2019. »

    « LA CFE-CGC, UNE EXCEPTION CULTURELLE FRANÇAISE »
    « La CFE-CGC est un syndicat unique au monde. Il n’existe nulle part ailleurs une organisation qui représente de la sorte les populations de l’encadrement - techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres - tout en agissant au niveau national interprofessionnel. C’est une exception culturelle française et j’en suis fier. D’autant plus que notre organisation est en progression significative depuis dix ans. »

    ENCADREMENT, RESPONSABILITÉS ET REVENDICATIONS
    « Quand on est en responsabilité dans une entreprise, il faut déployer les décisions prises par les directions. Mais on a aussi le droit de revendiquer, d’émettre des jugements. À la CFE-CGC, nous ne sommes pas un auxiliaire du pouvoir, où qu’il soit. Chaque membre de l’encadrement, quelles que soient ses responsabilités, peut poser un jugement et le faire valoir sur le fonctionnement de l’entreprise et sur les orientations stratégiques prises par l’employeur. »

    LA CFE-CGC ET LE NOUVEAU QUINQUENNAT
    « Quelles sont mes attentes après l’élection présidentielle ? Pour être franc, je n’en attends pas grand-chose. On peut toujours avoir des bonnes surprises mais l’expérience, y compris ces cinq dernières années avec des épisodes malheureux comme les Ordonnances Macron ou la scandaleuse et populiste réforme de l’assurance chômage, nous apprend à être très prudent. Mon attente, ce serait que les gouvernants s’intéressent un peu moins aux modèles et un peu plus aux phénomènes. Qu’ils se préoccupent un peu plus des personnes, et moins des statistiques. La gestion exclusive par les coûts et la maximisation des profits conduit à une impasse. En entreprise, il faut mener une révision de la gouvernance et valoriser toutes les parties prenantes, en premier lieu le capital humain. »

    « Toutes tendances politiques confondues depuis 30 ans, le pouvoir politique a progressivement rogné l’espace des organisations syndicales, en s’arrogeant l’entier développement des politiques publiques tout en se gardant bien d’en évaluer les résultats, à l’image récemment du compte personnel de formation (CPF), un dispositif d’une rare inefficacité. C’est grave et contraire à l’esprit de notre démocratie. Conformément à la loi Larcher de 2007 sur le dialogue social, il convient que le pouvoir politique ouvre des espaces et confie des mandats aux partenaires sociaux afin que ceux-ci exercent leurs responsabilités dans leurs champs de compétences, au service de notre modèle social. »

    « Dans les entreprises, dans les branches et au niveau interprofessionnel, l’intelligence sociale de terrain relève des partenaires sociaux. J’espère que le nouveau gouvernement d’Élisabeth Borne, que nous connaissons bien après ses passages dans divers ministères, saura revenir à la raison et avoir l’humilité de travailler correctement avec les organisations syndicales. Nous sommes en effet les porteurs d’une vérité de terrain qui angoisse les responsables politiques. » 

    REDYNAMISER LE SYNDICALISME
    « Parmi les nombreuses propositions formulées par la CFE-CGC (ndlr : voir le document de synthèse Restaurer la confiance présenté le 5 avril dernier), nous proposons de réserver les bénéfices de négociations d’entreprises aux adhérents des syndicats représentatifs. Cela améliorerait la visibilité du travail des syndicats, tout en reconnaissant que ce n’est pas ancré dans la négociation collective en France. Rappelons également que, trop souvent encore, l’acte de se syndiquer reste considéré comme une agression envers l’entreprise. Rien n’a changé, c’est même pire qu’avant ! »

    Mathieu Bahuet