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Publié le 27 - 03 - 2018

    La gestion des parcours professionnels : un enjeu fondamental

    Suite aux récents accords nationaux interprofessionnels signés par la CFE-CGC sur l’assurance chômage et la formation professionnelle, puis aux annonces gouvernementales, Jean-François Foucard fait le point sur ces deux dossiers majeurs pour les salariés.

    Après plusieurs mois de travaux entre partenaires sociaux, la CFE-CGC a signé, le 6 mars dernier, l’accord national interprofessionnel sur la réforme de l’assurance chômage souhaitée par le gouvernement. Que faut-il en retenir ?

    Cet accord conforte la gestion paritaire de l’assurance chômage et ouvre la possibilité à un salarié de démissionner et de bénéficier d’une indemnisationchômagedont le montant et la durée seront équivalents aux allocations chômage de droit commun. Ce droit nouveau fait le pont avec la formation professionnelle et vise à sécuriser les mobilités professionnelles choisies. Il doit permettre au démissionnaire de se former dans le cadre d’une transition professionnelle. Le dispositif est encadré pour en maitriser le coût car la démission n’est pas un acte anodin, et ne doit pas le devenir.

    Pour les indépendants, un droit plafonné à 800 euros par mois pendant six mois »

    Combien de personnes cela pourrait-il concerner et quelles sont les conditions d’éligibilité ?

    On estime qu’il pourrait y avoir entre 10 000 et 20 000 démissionnaires par an. Il existe déjà quinze cas de démissions considérées comme légitimes, ouvrant droit aux prestations d’assurance chômage, en particulier s’agissant des cas de démission pour suivre son conjoint et pour les victimes de violences ou de harcèlement.

    Dans l’accord, les partenaires sociaux avaient inscrit, comme condition pour bénéficier de l’assurance chômage, d'avoir une durée d'activité ininterrompue de sept ans dans l'entreprise. Après arbitrage gouvernemental, ce droit devrait finalement être mobilisable tous les cinq ans.  

    Qu’en est-il pour les travailleurs indépendants ?

    Dans l’accord du 22 février, les partenaires sociaux ne se sont pas estimés légitimes pour négocier les droits de travailleurs qu’ils ne représentaient pas. A l’arrivée, le gouvernement a annoncé la prochaine mise en place d’un droit plafonné à 800 euros par mois pendant six mois. Ce droit sera financé par la contribution sociale généralisée (CSG) avec des critères très stricts qui concerneront les indépendants qui sont en liquidation judiciaire et dont le bénéfice annuel est de l’ordre de 10 000 euros. Rappelons qu’aujourd’hui, seulement 25 000 des 3 millions d’indépendants sont couverts par une assurance chômage privée.

    Quid des travailleurs indépendants économiquement dépendants ?

    Les partenaires sociaux ne voulaient pas créer de « zone grise » avec un statut spécifique pour ces travailleurs. Nous souhaitions garder la main concernant la protection sociale de ces indépendants en créant un groupe de travail réunissant les organisations syndicales et patronales afin de proposer des évolutions réglementaires.

    Après discussion et probable adoption au Parlement, quand ces nouveaux dispositifs entreront-ils en vigueur ? 

    On peut tabler sur une mise en place entre octobre 2018 et janvier 2019. Plus largement, on s’achemine vers un système avec un socle de base et une complémentaire dans la mesure où, au 1er janvier 2019, 45 % des ressources proviendront directement de l’État.

    Sur les contrats courts, un état des lieux va être réalisé dans chaque branche professionnelle »

    Comment lutter contre la précarité et pour réguler la surutilisation des contrats courts ? Quid d’un système de bonus-malus pour faire payer les entreprises qui abusent de la flexibilité ?

    Un certain nombre d’entreprises usent et abusent des contrats courts - 80 % des CDD font moins d’un mois et 50 % moins d’une semaine - en les faisant payer, parfois de manière très coûteuse, à la collectivité. C’est notamment le cas pour l’hôtellerie-restauration, les établissements de santé et de soins, le BTP et les intermittents du spectacle.

    La CFE-CGC est favorable à l’instauration d’un bonus-malus contre lequel s’oppose frontalement le patronat, qui ne souhaite pas « faire le tri » entre les bons et les mauvais employeurs. S’il était mis en place, ce dispositif aurait vocation à s’appliquer pour toutes les entreprises de toutes les branches professionnelles. Ce qui a été acté, c’est d’ouvrir, dans chacune des branches, des négociations sur les moyens de lutter contre la permittence. Les partenaires sociaux, dont la CFE-CGC, y contribueront. Charge ensuite au gouvernement d’appliquer ou non le bonus-malus en fonction de son jugement sur la production des branches.

    Quel est le taux de chômage des salariés de l’encadrement (cadres et assimilés) ?

    Le taux est d’environ 4 %. La proportion augmente pour les seniors à partir de 50 ans. Sur le sujet, il s’agit de contribuer à faire changer la perception des entreprises pour lever les a priori existants.

    Conserver un fond de transition professionnelle mutualisé pour les salariés qui souhaitent se réorienter »

    Autre dossier majeur : la formation professionnelle, pour laquelle les partenaires sociaux ont récemment signé un accord national interprofessionnel, paraphé par la CFE-CGC. Que peut-on en retenir ?

    La gestion des parcours professionnels est un enjeu fondamental pour les salariés. Le grand défi, pour notre organisation, a été de conserver un fonds de transition professionnelle mutualisé pour les salariés qui souhaitent se réorienter au cours de leur carrière. C’est chose faite avec le CPF de transition professionnelle (ex-congé individuel de formation).

    Nous sommes également parvenus à financer de manière pérenne les Conseils en évolution professionnelle (CEP) et à renforcer les droits des actifs sur le Compte personnel de formation (CPF). Suite aux arbitrages gouvernementaux, le CPF sera désormais alimenté en euros et non plus en heures. Les salariés cumuleront 500 euros par an (contre 24 heures aujourd’hui), dans une limite de 5 000 euros.

    Quelle en est la traduction concrète pour les salariés ?

    Ils pourront choisir, via une application mobile, la formation de leur choix (hors temps de travail ou sur le temps de travail, en co-construction avec leur employeur) en payant directement l'organisme prestataire via leur CPF. Reste à savoir dans quelle mesure les salariés vont s’approprier le dispositif et les réels bénéfices qu’ils en tireront en termes d’employabilité.

    Quel est le pari fait par le gouvernement et qu’en pense la CFE-CGC ?

    Aujourd’hui, le CPF finance près de 600 000 formations annuelles dont 70 % par Pôle emploi. Le gouvernement table sur le fait que les individus qui se retrouveront au chômage disposeront d’une « cagnotte » pour se former. A la CFE-CGC, nous sommes assez dubitatifs quant à la maîtrise financière du système. Dans le cas où chaque salarié utiliserait ses droits, il y a là un risque manifeste de « faire sauter la banque ».

    Quel est, aujourd’hui, le poids économique de la formation professionnelle ?

    C’est un budget de 32 milliards d’euros par an (entreprises, régions…) dont 8,8 milliards de cotisations correspondant à la contribution obligatoire des entreprises pour la formation des salariés et la formation initiale des alternants.

    L’État reprend la main sur le financement et la gouvernance de la formation professionnelle »

    Quels sont les changements en matière de financement et de gouvernance ?

    Soyons clairs : l’État reprend la main. Les partenaires sociaux vont désormais être cantonnés à une simple mise en œuvre opérationnelle sur la formation professionnelle. Les diverses instances paritaires en charge de la gouvernance vont être remplacées par une agence nationale - France Compétences - pour réguler la qualité des formations et leur coût. Celle-ci sera gérée par l'État, les régions et les partenaires sociaux.

    De leur côté, les OPCA (Organismes paritaires collecteurs agréés) vont être transformés en opérateurs de compétences. Les sommes destinées à la formation seront dorénavant collectées par les Urssaf qui transféreront les fonds à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour le CPF, aux OPCA pour l’alternance, à France Compétences pour le CPF de transition professionnelle, à l’État pour le Plan d’investissement compétences (PIC).

    Comment les partenaires sociaux peuvent-ils désormais peser ?

    Nous devons réfléchir à de nouveaux projets paritaires. Pour sa part, la CFE-CGC souhaite en particulier travailler sur toutes les problématiques liées aux transitions professionnelles. Aujourd’hui, nous manquons d’outils et de financements pour faire face aux transformations qui s’annoncent. 

    Propos recueillis par Mathieu Bahuet