Suppressions de missions, restructurations, manque de reconnaissance salariale… Président du syndicat CGC Douanes, Stéphane Magréault revient sur la récente grève nationale historique des agents douaniers.
Pouvez-vous nous présenter le syndicat CGC Douanes, partie prenante de la Fédération CFE-CGC des services publics ?
Le syndicat a été créé en 2011 pour proposer une offre syndicale CFE-CGC au niveau de l’administration des douanes, avec la volonté de défendre spécifiquement les agents exerçant des responsabilités d’encadrement. La CGC Douanes est un syndicat catégoriel ouvert aux agents de catégorie A de la direction générale des douanes, c’est-à-dire les agents ayant vocation à être cadres. Parmi eux, on distingue des agents de catégorie A+, qui occupent notamment des emplois d’encadrement supérieur et de direction. Une réflexion est en cours quant à l’opportunité, à terme, de nous ouvrir aux agents de la catégorie B pour élargir notre base à toutes les fonctions d’encadrement.
Quelle est votre représentativité ?
Représentative dans les instances au niveau ministériel et au niveau douanier, la CGC Douanes pèse 40 % chez les cadres supérieurs (catégorie A+ et A++). Notre syndicat est en plein développement ces dernières années et fortement mobilisé pour les élections professionnelles dans la fonction publique qui auront lieu le 8 décembre 2022.
À l’appel des sept organisations syndicales de la profession, une journée nationale de mobilisation s’est tenue le 10 mars dernier. Pour quelles raisons ?
En dépit de renforcements temporaires après les attentats de 2015, puis en 2020 pour contrôler la frontière avec le Royaume-Uni suite au Brexit, les effectifs sont en baisse constante. Entre les restructurations et les suppressions d’emplois et de missions, la coupe est pleine pour nos 17 000 collègues douaniers.
Historiquement, la douane française a toujours assuré trois missions principales : la lutte contre la fraude et les trafics internationaux ; le soutien de l’activité économique et l’aide aux entreprises ; la perception de la fiscalité. Or, la réforme lancée en 2019 par le ministère de l’Action et des Comptes publics prévoit, d’ici 2024, le transfert de cette mission fiscale à la direction générale des finances publiques (DGFIP). L’intersyndicale conteste cette mesure purement politique qui va entraîner une restructuration et le transfert, au minimum, de 700 emplois. Avec toutes les conséquences négatives induites sur les déroulements de carrière, les promotions, les mobilités géographiques, etc.
Enfin, nous sommes très inquiets du transfert de cette mission fiscale essentielle qui, de par la perte d’expertise, va affaiblir la lutte contre la fraude. Avec, à la clé, une perception moins efficace de l’impôt et donc une perte au niveau des finances publiques au préjudice de l’ensemble de nos concitoyens.
Quelle a été l’ampleur de la mobilisation ?
L’appel a été massivement suivi avec environ 35 % de grévistes mobilisés face à ce désastre social. C’est un succès historique pour notre corporation, avec notamment un millier de personnes devant le ministère de l’Économie. Cette journée a été l’occasion de montrer aux dirigeants, aux parlementaires et aux candidats à l’élection présidentielle que nous n’entendons pas brader nos effectifs, nos droits, nos missions, nos brigades et nos bureaux. Et que nous voulons obtenir une juste reconnaissance salariale pour les douaniers.
Quelles sont vos revendications en la matière ?
L’intersyndicale, très unie, en appelle à une réelle revalorisation indemnitaire pérenne avec un abondement de 75 euros nets mensuels pour tous. Sous l’effet d’une transformation majeure des douanes et des préjudices subis par les agents, nous demandons également un accompagnement des personnels. Cela passe en particulier par des plans de formations, des dispositifs de réorientations de carrière et une amélioration des conditions de travail.
Quelles sont les exigences spécifiques de la CGC Douanes ?
Nous veillons en toute circonstance à ce que les intérêts des cadres et des agents d’encadrement soient défendus. Il faut redoubler de vigilance car chaque réforme de l’actuel gouvernement concernant Bercy se fait au détriment des personnels d’encadrement. Ceux-ci font trop souvent office de variable d’ajustement en termes indemnitaires, de carrières et d’emplois.
Nous restons par ailleurs très vigilants quant à l’application de la loi 2019 sur la transformation de la fonction publique, qui a modifié les règles de gestion, de mobilité et de promotion des agents. Les premiers impacts sont désastreux, d’autant plus que les organisations syndicales n’ont plus de droit de regard.
Avez-vous des échanges directs avec l’exécutif ?
Les organisations syndicales ont été reçues le 10 mars par le cabinet d’Olivier Dussopt, ministre chargé des Comptes publics. Un nouveau cycle de négociations s’est ouvert avec une première réunion organisée le 16 mars. Les discussions doivent désormais se poursuivre jusqu’au 4 avril. Nous espérons des réponses à la hauteur !
Propos recueillis par Mathieu Bahuet