
En quoi consiste cette affaire d’espionnage interne chez Ikea France ?
Il s’agit d’une pratique totalement illégale de surveillance interne qui a été mise en place par la société avant 2012 et qui semble interrompue depuis cette date. Le but était de surveiller des salariés, des syndicalistes voire des clients, sans que les responsabilités soient encore établies puisque c’est l’objet du procès. En revanche, les pratiques elles-mêmes ont été avérées grâce à la découverte d’e-mails et de témoignages. Plusieurs centaines de personnes ont été victimes de ces agissements de grande ampleur.
Quelles étaient ces pratiques ?
Lors de l’ouverture des nouveaux magasins, les directeurs ou les RH envoyaient une liste des futurs embauchés (y compris les encadrants) aux responsables du département Risk du siège social. Ceux-ci la transmettaient à une société extérieure qui vérifiait, avec la possible complicité de fonctionnaires, les antécédents judiciaires de ces personnes en consultant sans leur accord le Système de traitement des infractions constatées (fichier STIC). Dans des magasins déjà existants comme Paris Nord (Val d’Oise) ou Saint-Priest (Rhône), des salariés, dont des syndicalistes, ont fait l’objet d’enquêtes sur leur vie privée.
Pouvez-vous être plus précise ?
Des salariés qui se garaient avec une grosse voiture sur le parking d’un magasin faisaient l’objet de soupçons sur leur train de vie. Des clients étrangers venus rendre une cuisine ont vu leur compte bancaire et leur vie privée épluchés. Les responsables de ces agissements opéraient en toute impunité, comme s’ils avaient un droit sur les gens.
Pour quelle raison la CFE-CGC s’est-elle portée partie civile ?
Au moins 90 parties civiles se sont constituées, dont la CFE-CGC, mais toutes les victimes ne l’ont pas fait. Certaines d’entre elles, notamment parmi nos élus, ont reculé devant la médiatisation et le risque pour leur carrière. En ce qui me concerne, je travaille à Lyon et je m’étais promis d’assister aux audiences du tribunal de Versailles (Yvelines). Je n’ai pas pu à cause du contexte sanitaire qui limite les déplacements, mais mon collègue Thierry Bochaton (DSC adjoint résidant en région parisienne) et notre avocate ont participé à toutes les audiences. Lors de la première semaine, 15 prévenus ont été entendus. Néanmoins, seul l’ancien directeur Sécurité a avoué les faits et s’est excusé auprès des salariés. L’ancien PDG, Jean-Louis Baillot, a continué de nier d’un bloc. Bien entendu, il n’est pas du tout crédible, tout comme les autres cadres et directeurs qui font de même.