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Publié le 25 - 09 - 2024

    Handicap : la CFE-CGC est réellement activateur de progrès !

    Secrétaire national confédéral à l’accessibilité et à l’égalité des chances, Christophe Roth revient sur son mandat à la présidence de l’Agefiph et passe en revue l’actualité du handicap et les actions conduites par la CFE-CGC.

    Vous venez de passer la main à la présidence de l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées). Quel bilan tirez-vous de la dernière mandature (2021-2024) ?

    J’ai été élu président de l’Agefiph en septembre 2021 dans un contexte inédit, en pleine crise sanitaire. Il a fallu mettre en place une forte dynamique pour s’adapter et soutenir les populations les plus en difficulté, au plus près du terrain, des bassins d’emploi, des employeurs. J’ai également impulsé une culture des résultats avec des bilans qualitatifs et quantitatifs. La mission a été remplie. L’Agefiph, qui construit et finance des solutions pour compenser les conséquences du handicap au travail, et qui accompagne les acteurs de l’emploi, de la formation, de la santé au travail et les entreprises pour prendre en compte les besoins des personnes en situation de handicap, a poursuivi ses actions.

    En 2023, l’instance a financé et réalisé plus de 207 000 interventions auprès de personnes en situation de handicap et d’entreprises. L’emploi des personnes handicapées progresse légèrement : le taux d’activité et le taux d’emploi atteignent respectivement 45 % et 39 %. Le taux de chômage est de 12 %, un niveau stable par rapport à 2022. Si on observe une baisse des recrutements (- 6 % en 2023, contre - 4 % pour l’ensemble des publics), ils sont compensés par une augmentation des maintiens dans l’emploi (+ 4 % en un an) et plus de 200 000 demandeurs d'emploi handicapés ont accédé à un emploi l’an dernier. Notons enfin qu’avec près de 3,1 millions de personnes ayant une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), la population des personnes en situation de handicap a progressé de 5 % en 2023, représentant désormais 7,5 % de l’ensemble de la population d’âge actif.

    Qu’en est-il de la passation avec votre successeur Christian Ploton (Medef) ?

    Les priorités de l’Agefiph sont revues régulièrement en fonction de l’évolution de la situation de l’emploi des personnes en situation de handicap. Dans un contexte de contraction des dépenses publiques et du budget disponible, la tentation est de transférer à l’Agefiph davantage de charges. Cela limite sa capacité à mener sa propre politique et à prioriser les actions qui lui semblent les plus pertinentes. Toutefois, l’Agefiph a d’autres moyens d’agir car elle n’est pas seule. Elle n’a pas seulement vocation à financer. C’est également un organisme qui s’appuie sur une expérience, une expertise mise à disposition des acteurs qui travaillent sur l’ensemble des publics. À date, le budget 2024 n’a pas été validé par la nouvelle ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet. Se pose aussi le sujet du financement des entreprises adaptées (EA) demandé par l’État. Une évaluation est en cours par les services de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et de la Cour des comptes.

    En interne, le conseil d’administration de l’Agefiph a été renouvelé de 45 %. À titre personnel, je reste administrateur et je siège dans deux commissions (partenariats nationaux et communication). J’ai confiance Christian Ploton (vice-président de l’organisme entre 2021 et 2024), un homme que je connais bien avec qui j’ai travaillé en loyauté et avec fluidité depuis 6 ans.

    Mobilisée durant les JOP Paris 2024, l’Agefiph a signé 34 partenariats avec des entreprises qui s’engagent à recruter des personnes en situation de handicap »

    L'Agefiph était présente cet été au Club France à Paris pendant la période olympique et paralympique. Quelles ont été les actions conduites ?

    Nos équipes étaient mobilisées à la Grande Halle de la Villette pour célébrer l'inclusion au quotidien, les différences et les champions sportifs en situation de handicap. En s’associant au Comité paralympique et sportif français (CPSF), l’Agefiph a contribué à faire du Club France un lieu d’excellence d’accessibilité : prêts de dispositifs anti-bruit, traduction en langue des signes française (LSF), vélotypie des prises de parole, salle de retour au calme, places de parking PMR (personnes à mobilité réduite) adaptées, etc. Plusieurs partenaires étaient présents sur le stand de l’Agefiph pour présenter leurs dispositifs en matière de handicap. Le but n'est pas d'agir seul, mais d'associer les organismes de notre écosystème car c’est ensemble que les choses bougent.

    Cette occasion unique et extraordinaire a permis à l’Agefiph de présenter son action quotidienne sur tous les territoires afin de poursuivre la construction d’un monde du travail plus juste, au sein duquel chacun doit pouvoir, quelle que soit sa situation de santé et de handicap, trouver un emploi, développer un parcours professionnel et contribuer à la vie économique et sociale du pays. Concrètement, nous avons signé 34 partenariats avec des entreprises (Coca Cola, GRDF…) qui s’engagent à recruter des personnes en situation de handicap.

    Le taux de chômage des personnes en situation de handicap (12 %), en recul ces dernières années (17,3 % en 2015), reste supérieur à celui de la population générale. Quels sont les freins à lever ?

    Si 1,2 million de personnes en situation de handicap sont au travail - dont 850 000 dans le privé et 260 000 dans le public -, il en reste 474 0000 personnes au chômage. Beaucoup de secteurs manquent de main d’œuvre (hôtellerie, transports, numérique…). Je fais le pari depuis plusieurs années d’orienter les demandeurs d’emploi en situation de handicap vers ces secteurs. Près de 80 % des demandeurs d’emploi handicapés ont un niveau de formation inférieur au Bac. Pourtant, ce sont des personnes compétentes et ouvertes à l’emploi qui constituent un inestimable vivier de talents pour les employeurs. Il est donc nécessaire de démystifier leur embauche et faire comprendre aux recruteurs qu’il est possible et souhaitable de s’ouvrir à des talents différents. Le coût du logement et le niveau de rémunération sont aussi des sujets qui peuvent être des freins aux recrutements de personnes en situation de handicap.

    J’ajoute enfin qu’il faut limiter la technocratie et la lourdeur administrative : les observatoires, les statistiques, les évaluations de toutes parts, c’est bien, mais il faut surtout du concret et être au plus proche des bassins d’emplois et que toutes les parties prenantes travaillent de concert : les employeurs, les représentants des salariés, les services de santé au travail, la prévention, la formation, l’État, France travail, l’Apec, Cheops, CAP emploi… Les choses bougent mais pas assez vite !

    L'absence d'un ministère pleinement dédié aux personnes en situation de handicap est décevante et une déconvenue »

    Le nouveau ministre chargé de l'Autonomie, Paul Christophe, a tenté de rassurer les acteurs après les critiques sur l'absence d'un ministère pleinement dédié aux personnes en situation de handicap. Quelle est votre analyse ?

    Je me suis exprimé le soir même de l’annonce de la composition du gouvernement et j’ai même été contacté à ce sujet par des autorités du gouvernement... Ma réaction est la même, à savoir déception, contrariété, déboire, déconvenue, désappointement, désenchantement et désillusion. Le handicap touche 12 millions de personnes en France. Le handicap physique est le plus visible et pourtant, 80 % des handicaps sont « invisibles » (troubles sensoriels, mentaux, cognitifs…). Il faut aussi ajouter 8 millions d’aidants qui soutiennent quelqu’un de leur entourage. Et là, pas de ministre délégué, pas de secrétaire d'État chargé des personnes en situation de handicap. Si je connais la qualité de Paul Christophe, son portefeuille est très large : aura-t-il le temps pour agir et accélérer la fameuse révolution paralympique formulée par Tony Estanguet et le président de République après les JOP 2024 ? J’en doute ! C’est pour cette raison que je milite pour la création d’un ministère en charge des personnes en situation du handicap.

    Paul Christophe veut travailler à l'amélioration de l'information aux droits, à la simplification des démarches, à l'inclusion de tous via l'école pour tous et à l'accessibilité. Comment jugez-vous la feuille de route ?

    J’attends les actes concrets. Il y a déjà beaucoup de choses lancées depuis la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023.

    La CFE-CGC agit contre les stigmatisations et la discrimination, et forme ses militants à négocier une politique handicap en entreprise »

    Comment agit la CFE-CGC sous l’impulsion de votre secteur accessibilité et égalité des chances ?

    Alors que le handicap reste la première cause de discrimination en France selon le Défenseur des droits, la CFE-CGC, reconnue de longue date pour son engagement en faveur de l’emploi et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, reste plus que jamais mobilisée à tous les niveaux de la négociation collective. Nous agissons contre les stigmatisations et la discrimination, nous formons et apportons des éléments techniques et juridiques à nos militants et à nos adhérents pour informer, sensibiliser et négocier une politique handicap en entreprise dans tous les secteurs. C’est le sens que j’ai souhaité impulser en qualité de secrétaire national du secteur, avec deux délégués nationaux à mes côtés : Christophe Legois et Fatima Hamadi. J’ajoute que chaque fédération CFE-CGC a nommé un ou deux référent(s) handicap. Idem dans nos unions régionales. Il reste beaucoup à faire mais la CFE-CGC est réellement activateur de progrès !

    Avec l’appui de son union régionale PACA, la CFE-CGC est partenaire de la course Algernon le 13 octobre prochain à Marseille. Pourquoi cette démarche ?

    C’est important pour une organisation syndicale comme la CFE-CGC d’être partenaire du plus grand évènement national accueillant dans une même épreuve des sportifs valides ou en situation de handicap (mental, physique, sensoriel, psychique…) afin de sensibiliser le grand public à la prise en compte du handicap sous toutes ses formes, de favoriser l’inclusion et d’encourager la pratique sportive. Nos équipes et nos élus seront présents sur place avec un stand pour informer et mettre en avant tous nos supports : guides, jeu de cartes…

    Propos recueillis par Mathieu Bahuet