AFP, AEF, Le Figaro, Les Echos, ActuEL CSE, Centre Inffo : les médias généralistes et sociaux ont questionné le président de la CFE-CGC à l’issue de sa présentation, le 5 avril, de « Restaurer la confiance ». Florilège.
Une récente étude Syndex-IFOP montre que les salariés connaissent mal le fonctionnement des comités sociaux et économiques (CSE). Comment améliorer cela ?
François Hommeril : « Le plus simple serait de revenir en arrière et de rétablir les instances efficaces qui existaient. J’ai peu d’espoir qu’on y arrive, mais ce serait faire preuve d’esprit de responsabilité en reconnaissant s’être trompé. Car sur le fond, tous ceux qui se penchent sur le sujet CSE font le même constat que nous annoncions dès la réforme : une volonté idéologique a donné à la représentation du personnel un cadre non conforme à la réalité des entreprises. La concentration de tous les volets (social, sécurité, économie) en une seule instance traduit une approche minimaliste et même un peu méprisante du rôle des élus du personnel. La mise en place des CSE leur assigne des missions trop complexes tout en leur enlevant des moyens de les accomplir. »
« Pour y remédier, la CFE-CGC effectue un gros travail de formation de ses militants et notamment des représentants de proximité. Mais je note quand même un paradoxe : alors que la loi Rebsamen de 2015 proposait de fusionner les instances représentatives du personnel via la négociation, les ordonnances Macron de 2017 l’ont imposé de force et sans possibilité d’y déroger. »
Dans « Restaurer la confiance », la CFE-CGC fait part de son « énorme doute » sur le Compte personnel de formation (CPF). Pourquoi ?
F. H. : « Le CPF est un échec car ce dispositif ne résout rien. Nous ne croyons pas à l’efficacité économique et sociale de l’individualisation des droits. Ce n’est pas en suivant 20 ou 40 heures d’une formation quelle qu’elle soit, déconnectée de l’entreprise, que quelqu’un va trouver ou retrouver du travail. »
« La compétence sur le marché du travail s’acquiert en deux étapes : la formation initiale, la formation professionnelle et sa mise en œuvre. C’est le schéma qui fonctionnait pendant les Trente Glorieuses - via la création d’innombrables centres de formation professionnelle et l’accent mis sur la motivation et la montée en compétence des individus - et que l’on a déconstruit depuis. Aujourd’hui, on se sert de la formation professionnelle pour compenser une forme d’injustice sociale de la formation initiale : cette compensation est nécessaire mais elle doit se faire à l’intérieur de l’entreprise. C’est sur le lieu de travail que la formation professionnelle a le meilleur impact économique et social, et les pouvoirs publics devraient faire la promotion de cela. »
La CFE-CGC soutient qu’il n’y a pas de problème de financement des retraites. Sur quoi se base-t-elle ?
F.H. : « J’essaye d’objectiver les choses, je lis des rapports, j’y vois marqué noir sur blanc qu’il n’y a pas de problème. Certes, il faut prendre les prospectives économiques de long terme avec précaution. Mais le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), institution de référence s’il en est, est parfaitement clair : le financement des retraites est assuré. Il n’y a pas de problème d’équilibre financier ! »
« Je rappelle au passage que le taux de remplacement (rapport entre la pension de retraite et le dernier revenu d'activité perçu) n’a fait que baisser depuis 30 ans au fil de cinq grandes réformes des retraites que la CFE-CGC a acceptées, voire pour certaines accompagnées. Destinées à affronter la vague démographique (baby-boom, papy-boom), elles ont porté leurs effets. J’en veux pour preuve que les réserves de l’Agirc-Arrco ont affiché un résultat excédentaire de 2,6 milliards d’euros pour l’exercice 2021, passant de 6 à 8 mois de prestations à servir. »
« J’ajoute que la position de la CFE-CGC est très ferme : le sujet retraites appartient aux partenaires sociaux, il doit être mis à l’abri de toutes tendances idéologiques. Personne ne peut se présenter devant nous, d’autorité, et prétendre nous enseigner la réalité économique. Nous sommes administrateurs des organismes de retraite, nous connaissons les chiffres et nous ne laisserons pas passer des balivernes ! »
La CFE-CGC craint-elle une remise en cause de son « avantage catégoriel » en tant que syndicat des cadres et de l’encadrement ?
F.H. : « Il existe en permanence un risque d’évolution de la représentativité. Mais nous sommes l’organisation syndicale qui progresse le plus depuis 12 ans. Récemment, nous progressons encore très fortement dans des structures aussi diverses que Solvay, l’AFPA, le corps des officiers de marine… »
« Si la reconnaissance de la spécificité de la CFE-CGC, par la loi de 2008 (qui l’autorise à voir sa représentativité établie à l’égard des personnels relevant des seuls collèges dans lesquels elle a vocation à présenter des candidats, NDLR) est supprimée, ce serait forcément pour nous nuire. D’une part, je ne suis pas sûr que cela nous nuirait vraiment. D’autre part, ce serait sans doute un peu suspect, et un manque de respect de la représentativité, de tenter de nuire à l’organisation syndicale qui a le vent en poupe. »
La CFE-CGC préconise de réserver les bénéfices des accords signés aux seuls adhérents des syndicats signataires. Cette évolution vous semble-t-elle mûre et possible sans réforme constitutionnelle ?
F.H. : « La question constitutionnelle n’est pas de mon ressort. En revanche, j’en ai un peu assez que les politiques disent que les syndicats ne sont pas représentatifs parce qu’ils n’ont pas beaucoup d'adhérents. Alors que dans le même temps, de très nombreux employeurs prennent immédiatement en grippe un salarié lorsqu’il se syndique. N’y a-t-il pas là un problème ? Dans ce contexte, la CFE-CGC a du mérite à voir son nombre d’adhérents progresser en moyenne de 2 % par an. »
« Par ailleurs, il ne faut pas tout mélanger : le nombre d’adhésions n’est pas un critère de représentativité. Je pense que l’idée de réserver le bénéfice des accords d’entreprise aux seuls adhérents des organisations syndicales représentatives améliorerait la visibilité du travail des syndicats, et leur légitimité, tout en reconnaissant que ce n’est pas ancré dans la négociation collective en France. »
Propos recueillis par Gilles Lockhart