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Publié le 17 - 07 - 2025

    Retraites : chercher la recette plutôt que les dépenses ?

    Après les impasses du récent « conclave retraites », la CFE-CGC représentée par François Hommeril et plusieurs syndicats se sont réunis à Paris le 11 juillet pour échanger sur le financement du système des retraites.

    Après quatre mois de « conclave », le débat sur le financement du système des retraites reste plus que jamais d'actualité. Si les concertations ont multiplié les pistes pour aboutir sur un financement plus efficace, abordant cotisations, âge de départ, retraite par capitalisation et pilotage du régime de base, aucun accord n’a été trouvé. Maigre consolation, la promesse du gouvernement que certaines propositions seront retenues pour le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

    Devant cet échec, l'Association des journalistes de l'information sociale (AJIS) et l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) ont souhaité replacer le sujet sous l'angle de l’augmentation des recettes plutôt que la réduction des dépenses. Pour ce faire, deux conférences rassemblant organisations syndicales, patronales, chercheurs et experts ont été organisées.

    Deux tables rondes pour nourrir le débat

    Animée par Frédéric Lerais (IRES), la première réunissait Antoine Math (économiste à l'IRES), Olivier Redoulès (directeur des études de Rexecode) et Michael Zemmour (professeur d'économie à l'Université Lyon 2).

    La seconde table ronde était animée par Marie-Aude Grimont et Sophie Massieu (AJIS) et rassemblait les représentants des organisations syndicales et patronales : François Hommeril (CFE-CGC), Yvan Ricordeau (CFDT), Denis Gravouil (CGT), Frédéric Souillot (FO), Cyril Chabanier (CFTC), Amir Reza-Tofighi (CPME) et Michel Picon (U2P). Invité, le MEDEF n’a finalement pas envoyé de représentants.

    Une réussite à l’avenir incertain

    « Le système des retraites est une réussite. C’est son avenir qui est incertain », a résumé Antoine Math, qui a rappelé que les dépenses augmentent peu. En effet, si elles représentent 13,2 % du PIB aujourd’hui, elles atteindront 14,1 % en 2045 et 14,2 % en 2070. Or, « si le taux de cotisation des salariés est resté stable, celui des employeurs a fortement baissé ». Ces exonérations des cotisations d’employeurs, Mickael Zemmour propose de les supprimer. Tout comme le report de l’âge de la retraite, qu’il voit comme une « fuite en avant », aux retours faibles (0,1 point de croissance par an pendant 10 ans).

    D’autant qu’en parallèle, « les cotisations non compensées ont augmenté de 10 milliards d'euros entre 2017 et 2023, dont 60 % concernent la branche vieillesse de la sécurité sociale. Il faut éviter ce type de dérive », rappelle Antoine Math.

    D’après Olivier Romules, le taux d’emploi des seniors après 60 ans est trop faible, avec un potentiel de 1,7 million d’emplois manqués, soit 3 points de PIB. Une autre solution, sous peine de faire face à une démobilisation, voire l’hostilité des actifs, serait de mieux équilibrer les décisions politiques. « L'arbitrage est largement en faveur des retraités actuels et au détriment des futurs retraités », dénonce-t-il.

    Convergences sur le financement, divergences sur la capitalisation

    Lors de la seconde conférence, les représentants syndicaux ont ensuite exposé leurs positions respectives sur les différentes options de modifications du système de retraite. Si un quasi-consensus a été trouvé sur la suppression des exonérations de cotisations patronales non-compensées, la capitalisation a divisé les organisations, certaines y voyant une réponse pragmatique aux défis démographiques, d’autres la dénonçant comme un rideau de fumée politique. Les syndicats ont également souligné l’enjeu d’une répartition de la valeur plus juste, pointant l'explosion des dividendes et les inégalités salariales, tout en questionnant l'efficacité des aides publiques aux entreprises et les mesures de désindexation des pensions.

    François Hommeril : « Cette problématique des retraites est entièrement politique »

    Particulièrement ferme, le président de la CFE-CGC a largement suscité l’attention avec des déclarations fortes qui ont fait réagir autant les autres représentants syndicaux que le public. « Quel intérêt de parler sans cesse des retraites et de créer un climat anxiogène pour les jeunes ? Ce débat sert deux buts : occuper l’espace médiatique et faire sortir l’État de son obligation de payer les retraites des fonctionnaires1 en le reportant sur les autres contributeurs, mais aussi d’installer un système de retraite par capitalisation ».

    Car, s’il reconnaît sans mal les excellents rendements de la capitalisation, il doute de leur application dans un système de retraite « Les dividendes sont de plus en plus élevés, c’est vrai. Mais c’est dans le cadre d’entreprises et avec comme objectif le profit d’actionnaires, dont l’objectif de croissance est illimité. Dans un contexte de retraites, on remarque que le rendement de celles par capitalisation, comme aux Pays-Bas, n’est pas meilleur que pour la retraite par répartition ! ».

    François Hommeril a également dénoncé l'idée de la réduction des allocations chômage, les désignant comme un simple épouvantail : « De nombreuses études montrent que le niveau d’indemnisation n’a pratiquement aucune relation avec l’ardeur à retrouver un emploi. C’est un raccourci politique basé sur rien d’autre que la volonté de s’attaquer aux chômeurs, que le pouvoir veut désigner comme responsables de la situation économique actuelle », a-t-il affirmé.  

    Plus largement, la politique du gouvernement n’a pas trouvé grâce à ses yeux, notamment vis-à-vis du maintien du partage de la valeur : « La politique de Macron a couté énormément aux finances publiques sans aucun résultat positif. Le CICE a redonné de l’oxygène aux entreprises mais ensuite la chaîne de valeur s’est comprimée et l’argent est remonté vers le haut via les dividendes ! »

    Enfin, la compétitivité du pays et le maintien des emplois est un autre point noir, conséquence, selon le président de la CFE-CGC, des politiques successives : « On se plaint qu’il n’y a pas assez d’emploi de qualité en France ? Mais nous avons financé la déqualification des emplois. Nous sommes à 2,2 % d’investissement dans la recherche, alors que l’Allemagne ou la Corée du sud sont à 3,5 et 5 %. Nous avons organisé la baisse de la compétitivité ! »

    Au-delà des questions techniques de financement, ces échanges montrent que le débat sur les retraites cristallise également des choix de société fondamentaux. Entre collectivisme et individualisme, comment répartir la richesse créée ? Quel rôle confier à l'État et au marché ? Quelle vision porter sur l'avenir économique du pays ? Autant de questions dont les réponses forgeront l'avenir du contrat social français.

    François Tassain