Défense de l’hôpital public partout en France
La journée du mardi 16 juin devrait voir fleurir des centaines de rassemblements devant les hôpitaux et les Ehpad, avec notamment la mobilisation du SNPI CFE-CGC.
Sur la carte interactive, on voit des « H » partout, de Dunkerque jusqu’à la Corse en passant par le Grand Est, le Grand Ouest, le Centre, la région Parisienne, le Grand Lyon, la frontière espagnole, l’axe Méditerranée, les littoraux… Chacune de ces lettres (pour « Hôpital ») cerclée dans un point rouge signale une ville où des « manifestations populaires » sont prévues ce mardi 16 juin. Près de 1 000 rassemblements attendus pour défendre les établissements de santé publique contre les logiques de suppression budgétaire, contre ces « petits comptables qui pendant deux mois et demi avaient disparu et sont revenus depuis le 11 mai avec leurs tableaux de bord et leurs plans d’économie… », fustige Thierry Amouroux, le porte-parole du syndicat d’infirmiers SNPI CFE-CGC.
Nous attendons que tous ceux qui nous ont applaudi pendant deux mois manifestent près de chez eux pour défendre l’hôpital et les Ehpad."
Manifestations « populaires » parce qu’il ne s’agit pas uniquement de démonstrations du personnel soignant. Le but est que la population fasse pression sur les maires (qui président l’instance de l’hôpital) et sur les parlementaires (qui votent l’ONDAM qui fixe le budget des hôpitaux). « Nous attendons que tous ceux qui nous ont applaudi pendant deux mois manifestent près de chez eux pour défendre l’hôpital et les Ehpad », résume Thierry Amouroux. De tels scénarios ont été testés depuis la mi-mai dans de nombreux hôpitaux de province et d’Île-de-France. Ils ont montré que les « gens », les citoyens, étaient plus nombreux que les soignants à manifester sur le plan local.
Chiffres à l’appui, la situation de la santé publique en France a de quoi effrayer et la comparaison avec l’Allemagne est éloquente. Nous avons 6,5 lits d’hôpitaux pour 1 000 habitants, alors que l’Allemagne en compte 8,3, et 0,6 agent par résident en Ehpad contre le double chez nos voisins germaniques. « Lors de la crise Covid-19, la population a pu réaliser que nous n’avions que 5 000 lits de réanimation et qu’ils ont été totalement saturés. L’Allemagne en compte cinq fois plus et ce pays a dénombré quatre fois moins de morts que la France ! », résume Thierry Amouroux.
LES SYNDICATS INFIRMIERS NÉGLIGÉS PAR LE GOUVERNEMENT
Or ce constat de carence ne semble pas avoir déclenché de réflexe salvateur chez les responsables politiques et budgétaires. Bien au contraire, les fermetures de lits continuent. Avec un certain opportunisme, pour ne pas dire un cynisme certain : « Durant trois mois on a réduit l’activité programmée des hôpitaux pour pouvoir prendre en charge des patients Covid, explique Thierry Amouroux, en transformant notamment des chambres doubles en chambres simples, ce qui a fermé beaucoup de lits. Au lieu de rattraper toute cette activité programmée et alors que nous avons déjà un plan de charge rempli à ras bord jusqu’à cet été, et qu’il faudrait donc davantage de personnel et de lits pour répondre aux besoins de la population, des directions locales font l’inverse : elles laissent les chambres doubles en chambres simples afin de réaliser des économies. » Exemple au CHU de Tours, où 150 lits ont été fermés et devraient le rester. Même logique au CHU de Saint-Étienne ou dans le plus grand centre hospitalier psychiatrique de France - Le Vinatier - près de Lyon.
Nous sommes les premiers de corvée, taillables et corvéables à merci, mais pas fréquentables… »
À cela s’ajoute un phénomène habituel de double discours de la part des décideurs : sympathie chaleureuse envers les infirmiers d’un côté, « oubli » de les inviter au Ségur de la Santé, de l’autre. « Aucun des syndicats infirmiers n’y est convié », s’étonne Thierry Amouroux, qui y voit « une forme de mépris ». Le gouvernement communique sur les infirmiers mais, dans les faits, les ignore largement : « Nous sommes les premiers de corvée, taillables et corvéables à merci, mais pas fréquentables… »
UNE PLATEFORME COMMUNE DE REVENDICATIONS
« Sur les points centraux : réouverture de lits et créations de postes, il n’y a aucune réponse dans le Ségur de la santé, analyse Thierry Amouroux. Sur les revalorisations salariales, il y a du discours mais aucun chiffre. C’est pour cela qu’il y a une vraie inquiétude. »
Les revendications sont résumées dans une plateforme commune dont voici les principaux points :
- Revalorisation générale des salaires de tous les personnels ;
- Plan de titularisation massif des contractuels et de recrutement de personnels ;
- Plan de formation pluridisciplinaire ;
- Renforcement des moyens financiers pour les établissements ;
- Arrêt immédiat des fermetures d’établissements, de services et de lits. Réouverture de ceux qui ont été fermés, lorsque c'est nécessaire, pour répondre aux besoins sanitaires de la population ;
- Mesures qui garantissent l’accès, la proximité et l’égalité de la prise en charge pour la population sur tout le territoire ;
- Arrêt des soins et de l’accompagnement standardisés et retour à des prises en charge de qualité.
Autant de sujets résumés par une formule : « Hôpital : le 16 juin, agir pour ne plus subir ».
À Paris, le rassemblement devant le ministère de la Santé est prévu à partir de 13h, avec un départ à 14h pour l’Assemblée nationale.
Gilles Lockhart