Construire une société et un modèle économique plus résilients et intégrant les équilibres environnementaux doit être la priorité du nouveau gouvernement. Des solutions existent pour ne pas opposer la préservation de vies humaines à la ‘primauté de l’économie’, il doit faire preuve d’audace pour les mettre en œuvre !
Dépasser les commentaires affligeants et les comportements routiniers
Après la phase de relatif consensus autour des mesures d’urgence prises depuis le mois de mars, les commentaires les plus insensés ressurgissent, ne contribuant pas à élever le débat au niveau où les circonstances l’exigent.
Entendu récemment dans la bouche d’un « chroniqueur » sur une chaine d’information en continu (ce sont souvent des piètres connaisseurs des dossiers dont ils parlent mais plutôt les porte-paroles zélés de l’idéologie qu’ils défendent) :« Allouer plus de 7 milliards d’euros pour revaloriser les salaires des soignants dans le cadre du ‘Ségur de la santé’ relève d’un choix politique générationnel en faveur des plus âgés et au détriment des jeunes car ce sont les plus de 65 ans qui ‘fréquentent’ le plus les hôpitaux » Simplement affligeant! Chercher à opposer les générations là où la cohésion est plus que jamais indispensable. Comme si l’hôpital et notre système de santé en général n’étaient pas un bien commun utile à toutes les générations et dont celles et ceux qui se dévouent pour le faire fonctionner ne méritaient pas une juste rémunération de leur engagement ! Sans parler de la « nationalisation des salaires » évoquée par quelques néo-libéraux pour stigmatiser le dispositif d’indemnisation de l’activité partielle et ses bénéficiaires en oubliant simplement que ça a été un amortisseur essentiel du début de la crise.
Du côté du pouvoir politique, prétexter que les effets de la crise actuelle vont induire un déficit des régimes sociaux (retraite, sécurité sociale, assurance chômage) pour mettre en avant la ‘pseudo-nécessité’ d’en réduire les prestations est oublier un peu vite que le déséquilibre induit provient très majoritairement de la baisse conjoncturelle des cotisations induite par la diminution de la masse salariale liée aux mesures Covid19 et non d’un problème structurel. Et que dire des propos du ministre de l’économie qui déclarait encore récemment que « le plus dur est devant nous » comme si cela contribuait à résoudre les problèmes et à redonner confiance à nos concitoyens et suffisait à déterminer une action gouvernementale adaptée et efficace !
Du côté des décideurs économiques, ce sont très souvent les mêmes propos d’un classicisme devenu stérile : Nous anticipons une conjoncture défavorable et devons donc mettre en place des plans d’économie ». Plutôt que de capitaliser sur les compétences humaines de leurs entreprises pour les développer sur les marchés de demain ils s’obstinent à agir en conformité avec le modèle néo-libéral dépassé dont ils sont incapables de s’extraire : suppression de postes, coupes sombres dans les investissements pourtant indispensables à la relance et à la recherche dans les secteurs d’avenir dont la transition écologique.
Les mesures d’urgence prises au printemps étaient indispensables pour passer au mieux le cœur de la crise sanitaire. Mais face à la peur d’un chômage de masse, à la grande difficulté des jeunes à s’insérer dans l’emploi, à un endettement accru des entreprises (même s’ils sont garantis par l’Etat, les 120 milliards d’Euros de prêts garantis par l’Etat ont vocation à être remboursés), à un déficit accru des régimes sociaux et à une dette de l’Etat prévue d’augmenter de 20% du PIB du fait du Covid (soit environ 450 Mds€), il y a un réel besoin de remettre en question les moyens de gérer la sortie de cette crise exceptionnelle pour retrouver collectivement, toutes générations confondues, confiance en l’avenir.
Trouver des solutions innovantes pour faire société ensemble et établir un véritable pacte de confiance
Les appels du ministre de l’économie à dépenser l’épargne accumulée ces 4 derniers mois du fait du confinement ne trouveront un écho favorable que si chacun voit s’éloigner la crainte de perdre son emploi, de devoir assurer durablement les revenus de ses enfants sans emploi, de voir ses revenus ou sa pension de retraite baisser ou ses impôts augmenter.
C’est le pouvoir politique qui possède les leviers pour construire ce pacte de confiance et construire une société plus résiliente. Il a la légitimité institutionnelle pour le faire et ne doit pas déléguer cette prérogative à des décideurs économiques majoritairement encalminés dans un schéma de pensée qui vise d’abord à privilégier leurs intérêts personnels (et seulement ensuite celui des entreprises qu’ils dirigent) et très loin d’y intégrer l’intérêt général qui est pourtant le ciment d’une société résiliente. Il ne faut pas tout attendre de l’Etat mais c’est aujourd’hui clairement à lui qu’incombe la responsabilité d’impulser le retour de la confiance.
Le moyen d’éviter de sombrer dans une crise longue et profonde existe. Il s’agit d’isoler toute la dette liée au Covid dans un emprunt auprès de la Banque Centrale Européenne, cette dette ayant vocation à ne jamais être remboursée. Cela libérerait du poids de la charge financière de futurs remboursements et serait le socle du pacte de confiance à destination des ménages et des entreprises. Cela permettrait aux acteurs publics et privés de pouvoir investir sereinement et utilement pour l’avenir, créant ainsi les emplois de demain en consolidant notre cohésion sociale.
Tous les pays de la zone Euro, touchés par la crise Covid, auraient un intérêt commun à y recourir. Aucun prêteur ou acteur économique ne serait impacté puisque le passif de la BCE n’est exigible par personne. De nombreux économistes et dirigeants de grandes banques (comme Philippe Brassac, Directeur Général du Crédit agricole) promeuvent cette solution de sortie de crise par le haut qui éviterait bien des désordres économiques, sociaux et environnementaux inévitables sans une telle mesure.
Bien sûr et comme il était prévisible les tenants de l’orthodoxie monétaire et financière y voient une entorse au dogme et préfèrent prétexter les termes du traité européen ad ’hoc (comme si les signataires du traité avaient été en mesure d’envisager une telle situation !) que de faire preuve de réalisme et d’esprit d’innovation en considérant la situation de crise exceptionnelle à laquelle nous devons faire face.
La CFE-CGC appelle donc le gouvernement à faire preuve d’audace pour défendre et adopter une telle mesure qui répond pleinement à l’urgence de la situation.