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Publié le 30 - 01 - 2023

    Les comités d’entreprise européens montent en puissance

    La CFE-CGC Nokia et ses partenaires syndicaux et européens sont à l’origine d’une initiative parlementaire à Bruxelles visant à renforcer l’arsenal juridique des comités d’entreprise européens.

    C’est le plan social lancé début 2020 par Nokia France qui a tout déclenché. Prévu pour impacter 1200 salariés à l’origine, puis un millier en novembre 2020, il a fait l’objet d’un recours en justice de la CFE-CGC et des autres syndicats de Nokia pour défaut d’information. Mais comme ces suppressions d’emploi s’inscrivaient dans un programme de réduction d’effectif global présenté en 2018 par Nokia à son comité d’entreprise européen (CEE), la justice française s’est déclarée incompétente devant ce sujet transnational.

    Les syndicalistes français ont alors porté l’affaire, via le comité d’entreprise européen, devant la justice finlandaise, pays du siège social de Nokia. Là encore, sans réussite : en droit finlandais, le CEE n'est pas une personne morale et ne peut donc obtenir justice.

    LA CFE-CGC À LA RENCONTRE DES DÉPUTÉS EUROPÉENS

    Étape suivante, la CFE-CGC et ses collègues étrangers du comité d’entreprise européen de Nokia ont rencontré des députés européens en mars et en septembre 2022 pour les sensibiliser à cette lacune de la directive européenne n°2009/38/CE qui définit les CEE. Action payante puisqu’un député démocrate-chrétien allemand, Dennis Radtke, a rendu public en décembre 2022 un rapport d’une vingtaine de pages prônant une révision de cette directive. Sa proposition doit faire l’objet d’un vote du Parlement européen le 2 février. Sachant que des députés de droite ont déjà fait clairement savoir leur opposition.

    « Si la proposition est votée, explique Marc Malleville, représentant français de la CFE-CGC au comité européen de Nokia, ingénieur, chef de projet IT et détaché dans le syndicalisme à 20 %, elle obligerait les États européens à reconnaître les CEE comme des personnes morales et donc à leur permettre d’ester en justice dans chaque pays. Cela s’accompagnerait de sanctions dissuasives pour les groupes privés européens qui ne respecteraient pas les obligations légales vis-à-vis de leur CEE. »

    Linas Maknavicius, ingénieur de recherches et suppléant de Marc Malleville au CEE de Nokia, effectue une partie du lobbying en s’appuyant sur des parlementaires européens de son pays d’origine, la Lituanie. Il souligne que cette révision de la directive européenne redonnerait du lustre aux CEE, souvent snobés par les exécutifs des grands groupes : « Nous n’avons jamais réussi à conclure un accord d’entreprise européen avec le management de Nokia, regrette-t-il. Et tout ce qui concerne le CEE est traité par l’entreprise a minima : la directive impose des traducteurs, donc il y a des traducteurs ; la directive n’impose pas d’experts, donc il n’y a pas de budget pour les experts, etc. »

    UNE RÉELLE AVANCÉE SOCIALE EN CAS DE SUCCÈS

    En cas de succès, l’avancée sociale sera réelle. Avec comme points saillants l’accès à la justice pour le CEE qui deviendrait une personne morale, des budgets pour un support légal et des expertises, des sanctions significatives pour les infractions, une meilleure définition de ce qui est transnational et une deuxième réunion annuelle obligatoire des CEE.

    Lors d’une réunion de soutien à la révision de la directive, le 18 janvier 2023, où le CEE Nokia était représenté par Klaus Wermeyer, son membre allemand, en présence du député européen Dennis Radtke (au centre sur photo), les représentants des comités d’entreprise de Verizon, Deutsche Telekom et Airbus étaient présents. Preuve que l’affaire agite le landernau des multinationales et des quelque 1 000 CEE actifs dans l’Union européenne.

    Gilles Lockhart