Climat social tendu chez Akka. En proie à des difficultés structurelles amplifiées par la crise du Covid-19, le groupe international d’ingénierie et de conseil technologique, positionné sur divers secteurs (notamment l’aéronautique avec Airbus et l’automobile avec Renault), a annoncé vouloir mettre en œuvre ces prochains mois un conséquent plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Présenté fin 2020 aux organisations syndicales, ce projet, que la direction souhaite mener au pas de charge en faisant fi, jusqu’ici, des propositions syndicales, prévoyait initialement 900 suppressions de postes en France (un chiffre ramené à 650 après une annonce de la direction le 21 janvier) soit près de 10 % des effectifs d’une entreprise comptant plus de 7 000 salariés, en grande majorité des cadres, des agents de maîtrise et des techniciens. Cinq des six entités d’Akka seraient concernés, en particulier Toulouse, Le Havre et Lyon.
Dénoncé par l’intersyndicale (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO, CFTC, UNSA) pour qui ce plan « vise une rentabilité à très court terme en conservant les objectifs d’avant crise, et à rassurer les investisseurs et les actionnaires », le PSE traduit aussi de lourdes erreurs stratégiques selon David Fazi, délégué syndical central CFE-CGC. « La crise du Covid-19 a catalysé les difficultés économiques d’un groupe déjà affaibli qui n’a pas su, toutes ces dernières années, diversifier suffisamment ses activités technologiques dans d’autres secteurs plus porteurs (énergie, secteur pharmaceutique, big data…) malgré les inlassables remontées des organisations syndicales, des managers et des commerciaux. »
Preuve supplémentaire de ces errements, Akka, avant même ce projet de PSE, a enregistré un nombre significatif de départs l’an dernier (démissions, ruptures conventionnelles) tout en procédant à de nombreux licenciements dont certains sont aujourd’hui contestés en justice pour licenciement abusif. « Tous ces départs sont un mauvais signal envoyé à nos clients, sans parler du niveau élevé des risques psychosociaux chez les salariés », souligne David Fazi.
Chez Akka, la CFE-CGC mobilisée contre le projet de PSE
Alors que le groupe d’ingénierie veut supprimer 650 postes, l’intersyndicale demande une négociation loyale pour trouver des solutions et maintenir les compétences. Explications avec David Fazi, délégué syndical central CFE-CGC.
En l’absence d’un dialogue social loyal, le bras de fer s’est installé »
Face à une direction sourde dont le plan est déjà ficelé, l’intersyndicale demande la suspension du projet de restructuration et l’ouverture de négociations loyales pour étudier les solutions qui permettraient d’éviter un plan social, faisant valoir qu’il existe des moyens et des dispositifs - plan de départs volontaires (PDV), activité partielle de longue durée (APLD) - pour maintenir les compétences quand l’activité va redémarrer, et éviter les départs contraints. « Jusqu’ici, la direction rejette en bloc toutes nos propositions constructives d’études des divers dispositifs et de leurs impacts pour l’entreprise, regrette David Fazi. En l’absence d’un dialogue social loyal, le bras de fer s’est installé, d’autant que nous déplorons un certain nombre d’irrégularités, par exemple des obstructions ou des blocages dans les comités d’entreprise (CE). »
Autre difficulté : depuis 2012, les organisations syndicales tentent en vain de mettre en place une unité économique et sociale (UES) au sein du groupe, c’est-à-dire avec des sociétés juridiques distinctes mais une direction unique. « Nous nous heurtons sans cesse à des barrages orchestrés par la direction, sans parler des multiples restructurations entre les diverses entités par le biais de transferts uniques du patrimoine (TUP). »
PRIVILÉGIER L’APLD, LES MESURES DE FORMATION ET DE RECLASSEMENT
Pour accentuer la pression et sensibiliser les pouvoirs publics, l’intersyndicale a organisé, le 21 janvier, une journée de mobilisation en périphérie toulousaine devant Akka Blagnac Andromède, un site sous-traitant très dépendant d’Airbus. « Pour la CFE-CGC, les priorités sont de recourir à l’APLD et de prendre des mesures en lien avec la formation et le reclassement pour revoir la cartographie des compétences et favoriser le maintien des salariés dans l’entreprise tout en donnant la liberté de partir à ceux qui le souhaitent, résume David Fazi. Il faut aussi mettre fin aux disparités prégnantes entre les diverses entités du groupe. »
Mathieu Bahuet