Ingénieure, militante et élue CFE-CGC dans un environnement industriel complexe, mère de deux adolescents, cela fait beaucoup sur une seule tête, même si celle-ci est bien faite. Le yoga et la méditation ne sont dès lors pas de trop pour faire baisser la pression. Dans la vie d’Isabelle Montaudon, ces moments d’intériorisation se sont toutefois invités un peu par défaut : « Je faisais beaucoup de course à pied, je me suis blessée, raconte-t-elle, et c’est alors que je me suis orientée vers la méditation et le yoga. J’adore lire, mais pour cela il faut du temps… »
Le temps n’est pas ce dont elle dispose le plus. Dans le périmètre de son mandat de déléguée syndicale centrale CFE-GC pour l’unité économique et sociale (UES) Raffinage Pétrochimie de TotalEnergies, on trouve la bagatelle de 9 établissements (raffineries, sites et siège social) représentant environ 5 000 salariés. Elle manage « de façon transverse » les équipes de 9 sections syndicales, 13 délégués syndicaux, 8 représentants syndicaux, 56 élus. « Négociation d’accords, dialogue social et droit du travail, communication interne et externe, organisation de campagnes électorales pour les élections professionnelles », détaille-t-elle. Toute la panoplie d’une militante de haut niveau.
Dans son CV, ses mandats syndicaux tiennent une place équivalente à ceux de son parcours professionnel. Une belle carrière, au passage, commencée chez un géant chimiste, Bayer, et poursuivie chez un géant de l’énergie, TotalEnergies.
Si l’on ajoute qu’Isabelle Montaudon, de par les activités de son entreprise, est affiliée à deux fédérations de la CFE-CGC, Enermine et la Chimie, et qu’elle est membre des « Elles » de la Chimie, un réseau de militantes pour la parité femmes-hommes, on comprend qu’elle ait eu besoin, progressivement, de prendre de la disponibilité pour ses mandats. D’un mi-temps militant, de 2010 à 2015, quand elle était déléguée syndicale de Carling, site de Total qui dépend de la convention collective Chimie, elle est passée à 80 % en 2015 lorsqu’elle est devenue représentante syndicale centrale de l’UES Raffinage Pétrochimie.
« Je suis à plein temps syndical depuis 2017, complète-t-elle. Je pense que je travaille plus que si je n’avais pas de mandats syndicaux. Je suis assez exigeante avec moi-même et sur la manière de travailler. J’aime que les choses soient préparées, carrées, et donc je vois le militantisme comme un job à part entière, conforme à ma manière de faire les choses en général. » Celle de quelqu’un qui ne prend pas l’injustice pour acquise : « En fait, rigole-t-elle, j’ai été déléguée de classe durant toute ma scolarité. J’ai donc toujours pris la parole pour représenter et défendre les intérêts des autres. Quand j’ai démarré chez Bayer, il a été naturel pour moi de me présenter aux élections du comité d’entreprise (CE) pour représenter mes collègues et comprendre le fonctionnement de l’entreprise. »
Portrait d'une Cadre et militante de haut niveau
Carrière d’ingénieure, management, mandats syndicaux CFE-CGC, famille, défense de la parité femme-homme : Isabelle Montaudon mène tout cela de front au sein d’un géant du CAC 40, TotalEnergies.
EN 2005, UNE ADHÉSION A LA CFE-CGC QUI SONNE COMME UNE ÉVIDENCE
Après ce premier mandat sans étiquette, elle prend sa carte à la CFE-CGC en 2005 comme une évidence : « J’avais besoin de structures et de plus de connaissance du droit du travail. Un PSE venait d’être annoncé. Comme j’étais sans étiquette, on m’a remis le Livre blanc avec une signature de confidentialité. Mon titulaire était parti en arrêt-maladie. J’étais la seule élue cadre, tous les autres étaient syndiqués. Je ne me reconnaissais pas dans la posture et les valeurs des autres syndicats. Je suis allée toquer à la porte de la CFE-CGC pour adhérer et avoir un coup de main. »
Plus tard, quand elle deviendra déléguée syndicale, la première personne qu’elle appellera sera son grand-père, un militant CGT pendant plus de 60 ans. « Il était super fier. Il m’a dit que c’était bien de s’occuper des autres ! Par la suite, il m’a envoyé une photo découpée dans l’Humanité Dimanche sur laquelle j’apparaissais (de profil) devant un de nos sites industriels ! »
Petit à petit, elle monte les marches syndicales. « En fait, à chaque mandat, j’ai acquis des nouvelles cordes à mon arc et d’autres compétences qui m’ont aidé à gravir les échelons. » L’occasion de saluer Dominique Convert qui fut son délégué syndical central de 2010 à 2012, qui l’a « aidée à grandir » et avec qui elle travaille désormais étroitement puisqu’il a été élu coordinateur CFE-CGC de TotalEnergies en 2019.
Est-ce qu’elle voit sa carrière d’ingénieure entre parenthèses ? « Je ne pense pas que ma carrière soit terminée. Il est clair qu’avec mes mandats j’ai développé des compétences que je n’aurais pas acquises en restant dans mon métier de la maintenance. Si je devais retourner demain dans l’opérationnel, je me verrais moins évoluer dans un métier technique que dans un métier en lien avec les diverses compétences que j’ai développées au travers de mes mandats syndicaux, dans les RH ou la formation par exemple. Cela dit, il n’est pas rare que je me dise : et pourquoi pas finir ma carrière comme prof de maths ? »
DÉFENDRE LA PLACE DES FEMMES DANS LE SYNDICALISME
En attendant, celle qui a toujours fait les choses à l’envie et qui se félicite d’être capable d’oublier les mauvais moments et de ne garder que les bons, ne se laisse pas marcher sur les pieds. « Je me suis engagée dans les Elles de la Chimie car je trouve qu’il n’y a pas suffisamment de femmes dans le monde du syndicalisme d’une manière générale. J’ai des idées du pourquoi, du comment, et comment faire pour que ça change. » Durant sa carrière, elle a subi un manageur masculin toxique. « Cette expérience m’a endurci et aujourd’hui je ne me laisse plus faire. Depuis, je dis aux femmes : allez-y, osez, syndiquez-vous, prenez des mandats, levez la main, dites ce que vous avez à dire et faites-vous entendre ! »
L’actualité sociale de son entreprise est très chargée : nouvelle politique de rémunération, intéressement-participation, fin de carrière, gestion des emplois et des parcours professionnels… Mais le thème qui lui tient le plus à cœur reste la prévention des risques psychosociaux (RPS). « C’est un combat de tous les jours. Beaucoup de nos collègues font des burn-out. Je considère que notre entreprise ne gère pas correctement cette thématique des RPS et j’en ai fait part à notre PDG. »
Gilles Lockhart
- Quatrième major mondiale, le pétrolier TotalEnergies emploie plus de 100 000 collaborateurs dans le monde (près de 130 pays) et 14 000 salariés au périmètre de son socle social commun en France. En 2023, la société a amélioré son bénéfice net de 4 % par rapport à 2022, à 19,8 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires de 219 milliards d’euros.
- En France, elle a signé un accord sur les salaires 2024 avec la CFE-CGC, la CFDT et la CAT, prévoyant une augmentation de 5 % pour 2024 (dont 2 % déjà versés depuis juillet 2023) et une prime pour le partage de la valeur équivalente à 75 % d’un mois de salaire, avec un plancher de 2 000 euros et un plafond de 4 000 euros.
- TotalEnergies vient de signer un partenariat stratégique avec l’avionneur européen Airbus pour développer les carburants d'aviation durables et lui fournir à terme plus de la moitié de ses besoins en Europe.