Comment s’est passée la manifestation du vendredi 19 mars à Rodez à l’occasion de la venue de la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher ?
Cette manifestation a été un succès avec près de 1 200 participants venus protester contre les suppressions d’emplois massives à l’usine Bosch de Rodez et contre le lâchage de la filière diesel par les pouvoirs publics. Nous avons pu rencontrer madame Agnès Pannier-Runacher en Préfecture puis à l’Hôtel de ville de Rodez en présence du PDG France de Bosch, Heiko Carrie. J’ai lu devant eux un courrier d’interpellation et d’appel au gouvernement rédigé par l’intersyndicale.
Avez-vous obtenu des garanties ?
La ministre a acté un certain nombre de défaillances de la part de la direction de l’usine, notamment le fait que celle-ci n’ait jamais répondu, depuis trois ans, à nos demandes de diversification. Pour le reste, il n’y a pas eu la moindre annonce rassurante, aucun projet industriel sérieux ni investissement nous permettant de nous projeter vers l’avenir. La seule annonce concrète reste malheureusement l’arrêt de notre dernière ligne d’injecteurs CRI en 2023, laquelle emploie à ce jour encore 300 salariés.
En quoi consiste ce refus de diversification de l’usine ?
L’usine Bosch de Rodez est à l’origine un site de production 100 % diesel qui fabrique des injecteurs et des bougies de préchauffage compatibles avec à peu près tous les modèles utilisant ce carburant, notamment ceux de Renault et Peugeot. Nous demandons depuis 2013 sa diversification sans avoir été écouté à aucun moment car le diesel marchait bien. Les choses ont à peine changé après le Dieselgate de 2018 (1) et au fur et à mesure que le diesel bashing a pris de l’ampleur.
Je rappelle que ce discours anti-diesel non fondé sur le plan environnemental a été propagé par le ministre de l’Économie lui-même, Bruno Le Maire, qui a affirmé que le diesel « tuait » 50 000 personnes par an en France… Sans parler de la hausse de la fiscalité sur le diesel comme forte mesure dissuasive. Or, dans ce contexte, l’usine de Rodez n’a fait évoluer qu’une trentaine de ses postes vers la fabrication de barres de torsion adaptables sur tous types de véhicules.
Bosch : forte mobilisation contre un scénario catastrophe
La direction de l’usine Bosch de Rodez prévoit de supprimer plus de la moitié des effectifs. Réponse et contre-attaque du délégué syndical CFE-CGC du site, Pascal Raffanel.
Bosch est le premier employeur privé de l’Aveyron »
Quels sont les scénarios sociaux envisagés dans ce contexte ?
En 25 ans, le site de Rodez a perdu les 4/5e de ses effectifs. Il n’en compte plus que 1 200 alors que quand j’y suis rentré en 2000, l’effectif était de 2 400 dont 300 intérimaires. Depuis deux ans, plus d’une centaine de salariés sont partis par le biais de mesures individuelles. Aujourd’hui, la direction a annoncé sa volonté de supprimer 750 postes en quatre ans et il semble que nous nous orientions pour la première fois vers un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) par mesures d’âge visant à ramener les effectifs à hauteur de 500 salariés. Comme c’est accompagné de très peu de contreparties, nous avons décidé, en intersyndicale, de ne pas entrer en négociation tant que nous n’aurions pas la certitude qu’il n’y aurait pas de départs contraints.
Savez-vous si beaucoup de salariés seront volontaires ?
Il est possible qu’un plan de départ intéresse bon nombre de gens, mais l’annonce faite par la direction nous laisse craindre aussi des licenciements contraints. Il faut tout de même remettre les choses à l’échelle en rappelant que Bosch a fait un bénéfice de 2 milliards d’euros avant impôt en 2020, et provisionné 1,4 milliard d’euros pour littéralement détruire l’emploi en Europe occidentale.
En France, comme le montre la mobilisation de la CFE-CGC dans notre filiale ELM Leblanc, sous la houlette de la déléguée syndicale centrale, Muriel Burri, ce sont tous les sites de production qui sont menacés. Et je rappelle que Bosch est le premier employeur privé de l’Aveyron. Rodez est une ville de 28 000 habitants. Si l’on considère que Bosch et ses sous-traitants emploient environ 10 000 personnes et que dans l’industrie, l’effet de levier sur le tissu économique est de 1 à 7, ce sont 70 000 emplois qui en dépendent sur le bassin aveyronnais. L’équivalent d’Airbus pour Toulouse…
Propos recueillis par Gilles Lockhart
(1) Le scandale de la minoration des émissions polluantes de ses moteurs diesel par Volkswagen.