Déjà soumis à une forte pression et à une surcharge de travail chronique accentuée par la crise sanitaire, les salariés de la Banque de France vont une fois encore en être pour leurs frais. À l’occasion d’un comité social et économique central (CSEC) organisé le 22 mars, le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a en effet présenté aux organisations syndicales un plan stratégique 2021-2024 prévoyant la suppression de 600 postes d’ici 2024 concernant l’ensemble des établissements d’une entreprise qui compte aujourd’hui près de 10 000 salariés.
Ce plan social s’ajoute aux 131 suppressions de postes déjà actées en janvier dernier au sein de la filière fiduciaire de la Banque de France. « Nous sommes sur une trajectoire de réduction massive des effectifs avec au moins 3 500 emplois qui pourraient donc être supprimés entre 2016 et 2024 », détaille François Servant, secrétaire général de la CFE-CGC Banque de France.
Pour motiver ces nouvelles coupes, la direction fait valoir en particulier que le ratio correspondant aux effectifs de la Banque de France par rapport au chiffre de la population française est supérieur à ceux d’autres pays, notamment l’Allemagne. « Or il faut savoir que nos salariés se voient attribués certaines missions - notamment la partie études et statistiques - que n’ont pas leurs homologues d’autres banques centrales, objecte François Servant. Il y a par ailleurs une forte pression exercée par l’État, actionnaire majoritaire, via le Conseil général de la Banque de France. »
Banque de France : la CFE-CGC dénonce un plan social dogmatique
Alors que l’institution financière prévoit 600 nouvelles suppressions d’emplois d’ici 2024, la CFE-CGC déplore une gestion par les coûts et une trajectoire RH inadaptée à la réalité de terrain vécue par les salariés.
La CFE-CGC veut placer la direction face à ses responsabilités, en particulier face à la montée très préoccupante des risques psychosociaux »
Dans un communiqué commun, l’intersyndicale (CFE-CGC, FO, CGT et le SNA) dénonce une gestion dogmatique et une gestion par les coûts, alors que la Banque de France a reversé à l’État 6,1 milliards d’euros en 2019 sous forme de dividendes et d’impôts sur les bénéfices. « Nous déplorons une logique de maximisation financière et un fort déni de la réalité RH sur le terrain, s’insurge François Servant. À tous les étages, les salariés sont préoccupés et fortement sous pression, en particulier les personnels de l’encadrement confrontés à des objectifs de productivité inatteignables en l’état. En ajoutant sans cesse de nouvelles exigences, la direction perd l’adhésion du personnel, d’autant plus dans le contexte actuel de crise. La CFE-CGC entend donc placer la direction face à ses responsabilités, en particulier face à la montée très préoccupante des risques psychosociaux (RPS). »
L’intersyndicale souligne également que ce plan intervient alors que la Banque de France est sollicitée « de façon inédite par la sévérité de la crise et la hausse du chômage ». L’institution doit ainsi faire face à une augmentation « sans précédent » de ses activités (dossiers de médiation du crédit multipliés par quatorze, cotation et accompagnement des entreprises, services aux particuliers tels le surendettement…), alors que les moyens humains de l’entreprise « ont été réduits de moitié en 20 ans », et que « l’implication des agents a été saluée par l’ensemble des acteurs économiques et politiques ».
Concrètement, les 600 suppressions d’emplois envisagées devraient prendre la forme de non-remplacements des départs à la retraite. Au niveau du calendrier, la consultation des instances représentatives du personnel doit débuter le 15 avril prochain. « La CFE-CGC va exhorter la direction à assouplir le dialogue sur le réglage des moyens RH, explique François Servant. Supprimer 600 postes en trois ans, c’est entériner une pression permanente au coût social prohibitif. C’est installer un conflit de valeur chez les salariés, écartelés entre la volonté d’agir et le risque d’échec latent. »
Mathieu Bahuet