Après des années de dégradations des moyens humains et matériels de l’AFPA, les personnels de l’agence ont manifesté leur colère le 26 juin dernier. David Bulgheroni, président du SNPEA CFE-CGC de l’AFPA, nous en dit plus.
Confrontée à des difficultés financières persistantes depuis 2009, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) est devenue un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) en 2017 (voir encadré). Une transformation qui n’a pas résolu ses problèmes, puisque l’agence se retrouve dans le viseur du gouvernement. En effet, le nom de l’AFPA figure sur une liste signée par le Secrétariat général du gouvernement, la DITP et la direction du budget. Objectif de cette dernière, identifier les opérateurs et agences publiques qui devront procéder à des « évolutions » d’ici 2027 afin de générer des économies de l’ordre de deux à trois milliards d’euros.
Une nouvelle qui n’a pas bien été accueillie par le personnel de l’AFPA déjà en souffrance, et qui a manifesté le jeudi 26 juin dernier suite à l’appel d’une intersyndicale CFE-CGC, CGT, CFDT et SUD. Au total, 60 % du personnel a participé à la grève. Un succès amer pour David Bulgheroni, président du SNPEA CFE-CGC d’AFPA, qui est la première section syndicale au sein de l’entreprise : « cette bonne mobilisation vient surtout du fait que nous ressentons un ras-le-bol général depuis des années, causé par la dégradation constante de nos moyens humains comme matériels ».
La rentabilité, critère inévitable
Car le « problème » de l’AFPA est hélas simple : l’agence est tout simplement trop chère. Pour David Bulgheroni, cette question n’est pas pertinente : « Est-ce qu’il faut être rentable pour donner un avenir professionnel à un chômeur et répondre aux besoins des entreprises du pays ? L’argent dégagé par ces personnes formées dans des secteurs parfois cruciaux n’est jamais calculé, alors que nous avons formé 1 actif sur 8 ces 70 dernières années. Cette question, qui est la même que l’on pose aux hôpitaux alors qu’ils doivent soigner et sauver des vies, est hors de propos ».
Les problèmes, pour autant, sont incontestables. « On nous dit qu’il faut être rentable, très bien, mais aucun mouvement n’a été amorcé et la direction est muette malgré les mauvaises années. Peu à peu, nos crédits et objectifs sont rabotés, les horizons des salariés de rétrécissent et beaucoup ont le sentiment d’avoir été laissés à l’abandon et à l’agonie », explique-t-il, avant de rappeler que les salaires n’ont pas bougé depuis 10 ans. Résultat, et face aux propositions de privatisation de l’AFPA, ou la suppression des agences, impossible pour les salariés de rester silencieux. « Avec ce mouvement, nous voulons montrer que l’on existe et surtout, que l’Etat dise directement ce qu’il veut faire de nous plutôt que continuer à faire traîner les choses ! », explique David Bulgheroni.
Une action qui a pour l’instant porté ses fruits, puisque les syndicats ont pu rencontrer le cabinet du ministère du Travail. S’il leur a été assuré qu’il n’y avait aucun plan visant à supprimer ou fusionner l’AFPA, l’inquiétude reste de mise. « Ces mots rassurent un peu, mais ils ne restent que des mots », juge David Bulgheroni.
L’action plutôt que rien
Car le président du SNPEA CFE-CGC de l’AFPA refuse la moindre posture attentiste : « Nous ne nous opposons pas au principe de regroupement avec d’autres organismes, tant que les salariés s’y retrouvent. Mais il est hors de question qu’il soit décidé sur un coup de tête, en secret, sans visibilité, ni concertation ». D’autant que les actions précédentes de l’Etat n’ont rien arrangé. « France Travail reçoit 1 milliard d’euros de subventions pour sous-traiter l’accompagnement des demandeurs d’emplois en demande de formation auprès des organismes du privé… ces mêmes organismes contre lesquels l’AFPA est en concurrence ! ». Une situation qui créé un paradoxe, où l’Etat reproche au public de ne pas être rentable, tout en subventionnant indirectement ses adversaires du privé.
Aujourd’hui, l’AFPA a jusqu’à 2029 pour être rentable, ce qui se traduira par une réduction des effectifs de moitié, l’absence d’augmentations et la fermeture de nombreux centres de formation. Un destin que David Bulgheroni voit comme une mort lente : « On préfèrerait qu’on nous dise " c’est fini il n’y a pas d’argent donc voilà notre décision tout de suite " plutôt que nous laisser dépérir 4 années de plus. Mais nous allons garder espoir et faire appel au bon sens politique ».
Une réinvention permanente
Créée le 11 janvier 1949 en tant qu’Association nationale interprofessionnelle pour la formation rationnelle de la main-d’œuvre (A
NIFRMO), l’AFPA (qui prend ce nom en 1966) avait alors comme rôle de former les adultes dans le bâtiment et la métallurgie, alors très demandeurs dans le cadre de la reconstruction post-guerre.
Face à de nombreuses difficultés à partir de 2009 (passage de la commande de formation aux régions, changement des modalités d’achat, mise en concurrence de ses marchés avec des entreprises privées…), l’AFPA devient un organisme public en 2017, suite aux recommandations de la Cour des comptes, et lancera un projet de restructuration entraînant la fermeture de 34 sites et la suppression de 1 423 emplois.