Mesures sur le pouvoir d’achat : vers une fuite en avant ?
Parfois, il arrive qu’à vouloir traiter l’urgence, on en oublie l’essentiel. C’est ce qui caractérise les mesures sur le pouvoir d’achat, telles que présentées aux partenaires sociaux.
La pérennisation de la prime PEPA, la revalorisation des pensions de retraites et minima sociaux de 4 %, l’augmentation du chèque carburant et du forfait mobilité durable de 200 euros (comme demandé par la CFE-CGC) pourront sembler pour certains de bonnes nouvelles. Mais l’effet com’ passé, en y regardant de plus près, beaucoup de ces mesures, certaines sur le fond et d’autres sur la forme, occultent deux grands défis majeurs que nous devrons relever collectivement les prochaines années.
En pérennisant la prime PEPA, le gouvernement installe durablement une partie de salaire exonérée de cotisations sociales (jusqu’à 3 SMIC). Une première, qu’aucun autre gouvernement n’avait osé franchir ! Cette prime vient concurrencer directement les accords d’intéressement (au caractère aléatoire surveillé par l’URSSAF) qui bénéficient du même régime d’exonération (expliqué par sa participation au financement de notre économie) freinant le développement de l’épargne salariale pourtant voulu par la loi Pacte ! Mais pire, ce sont autant de contributions sociales qui manqueront demain pour financer les retraites et autres systèmes sociaux. Comment l’État financera-t-il demain les prochaines revalorisations de retraite qui ne manqueront pas d’arriver si les futures augmentations salariales sont distribuées sous forme de prime PEPA sans contribution au système ?
Le système d’exonérations fiscales et sociales des entreprises a ses limites, et ces exonérations sont largement financées par les contribuables, en témoigne l’évolution comparée de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés.
Pour la CFE-CGC, la réponse au maintien du pouvoir d’achat passe donc obligatoirement par une revalorisation de salaire socialisée et pérenne. Il en va du maintien de notre système social hérité de l’après-guerre.
L’augmentation du chèque carburant et du forfait mobilité durable de 200 euros sont des éléments de réponse appropriés à cette inflation marquée par la hausse des prix de l’énergie, mais le mode de déploiement envisagé n’est pas à la hauteur des enjeux. Alors que la CFE-CGC souhaite encourager le forfait mobilité durable associé à l’augmentation du chèque carburant, en l’imposant comme conditionnalité à l’octroi de toutes aides publiques aux entreprises, la proposition gouvernementale n'utilise pas cet outil, pourtant à sa main et gage d’efficacité des politiques publiques. Dommage, car s’il existe un consensus parlementaire, c’est bien ce sujet de la nécessité de conditionner les aides publiques (cf. le rapport sur ce thème) qui, étant de l’argent publique, est notre bien à tous !
Ne pas actionner ce levier, c’est oublier l’importance des trajets domicile/travail dans la transition énergétique (dont 70 % sont réalisés seul et en voiture selon l’ADEME) et oublier la portée pédagogique d’une telle mesure (vous pouvez doubler, voire tripler votre pouvoir d’achat carburant grâce au co-voiturage). Et de la pédagogie, il va en falloir au gouvernement pour gérer les futures restrictions d’énergie qui s’annoncent cet hiver. En effet, pour parer la pénurie de gaz, le projet de loi porte aussi des dispositions juridiques permettant la réouverture d’une centrale à charbon fermée en 2019, avec la faculté de réembaucher les salariés partis en congés de reclassement !
Démonstration que s’il faut gérer l’urgence, il convient aussi de prévoir le long terme. C’est de la responsabilité de tout gouvernement. Pour la CFE-CGC, le long terme, c’est créer les conditions de pérennisation de nos systèmes sociaux et c’est accompagner la transition énergétique, à l’origine de la question du pouvoir d’achat. Deux enjeux majeurs visiblement oubliés dans ces deux lois. Faute de les intégrer dans d’éventuels amendements, ces propositions s’apparentent à une fuite en avant, où il reviendra aux suivants, donc nous tous, le soin de payer une facture qui sera encore plus lourde.
Pierre Jan - Relations Presse et institutionnelles
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