Crise à Mayotte : les syndicats alertent sur la situation explosive
CFE-CGC | CFDT | CGT | UNSA | Solidaires | FSU
Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Mayotte, 101ème département français, a été dévastée le 14 décembre dernier par le cyclone Chido. Les dégâts sont considérables, tant du fait de la force du vent, que de la fragilité voire de l’absence d’infrastructures. L’heure est à la reconstruction mais depuis 6 mois nos équipes constatent que passés les travaux d’urgence, les chantiers n’avancent plus. Les dessertes de la barge, indispensables pour relier l’île de Petite-Terre à celle de Grande-Terre, sont toujours très limitées.
Ceci, cumulé à l’absence totale de transports en commun organisés, engorge totalement le trafic et la population du territoire passe des heures en voiture chaque jour pour aller travailler. Le Centre Hospitalier de Mayotte n’a toujours pas été mis hors d’eau. Une part importante de sa surface est toujours inutilisable et le reste est protégé par des bâches donc inondé à la première pluie. La prise en charge sanitaire des habitant.e.s, et notamment des accouchements, est indigne. Par manque d’enseignant.e.s et de places dans les établissements, les élèves ne sont pris en charge qu’à mi-temps dans les écoles (et seulement trois heures par jour pour l’école élémentaire). Avant même la saison sèche, l’eau est déjà coupée plusieurs jours par semaine et le prix des bouteilles d’eau explose.
Les travailleurs et les travailleuses n’en peuvent plus, une majorité n’ont toujours pas réussi à reconstruire leur maison, par manque de matériaux mais aussi de moyens, l’essentiel des habitations n’étant pas assurées. Nous demandons une aide d’urgence pour les ménages dont le toit ou l’habitat est abîmé par le cyclone. Alors qu’il s’agit d’une réserve de biodiversité au plan mondial, la situation environnementale, notamment en termes de traitement des déchets, est extrêmement inquiétante.
Le contexte est d’autant plus catastrophique que Mayotte est le territoire le plus pauvre de France. 77 % des habitant.e.s vivent sous le seuil de pauvreté. L’économie informelle domine. Seuls 35 % des plus de 65 ans ont une pension de 270 € en moyenne, le RSA et les allocations familiales sont à 50 % de la métropole et les aides au logement n’existent pas. Chaque salarié fait donc vivre sa famille élargie, parfois 10 à 20 personnes, alors que le Smic mahorais est toujours inférieur de 25 % au Smic du reste de la France, abattement répercuté sur la quasi-totalité des salaires. Pourtant, les prix sont en moyenne supérieurs de 30 % à ceux de la métropole, mais beaucoup plus en réalité. Pourquoi ? Parce qu’à Mayotte, comme dans les autres DROM COM, subsiste une économie de comptoir avec des monopoles privés.
Le projet de loi de reconstruction de Mayotte doit faire avancer concrètement la situation pour l’ensemble de la population. Il est donc très attendu. Les mahoraises et les mahorais veulent une mise en place rapide de la convergence des droits sociaux prévue à ce stade seulement d’ici 2031. Pourtant, dans le même temps, le projet de loi prévoit que les entreprises bénéficieraient d’une exonération totale des cotisations sociales et des impôts dès 2026 pour 5 ans via la mise en place d’une zone franche sur le territoire mahorais et ce sans aucune contrepartie. Il ne faut pas créer un sentiment d’inégalité de traitement entre les aides aux entreprises et l’égalité réelle des droits à mettre en place pour la population.
Mme et M. les Ministres, nous vous alertons solennellement car la situation à Mayotte est explosive. Les habitant-es de l'île n’en peuvent plus d’être traité.e.s comme des citoyen.ne.s de seconde zone. Il faut prendre la mesure des besoins immenses de l’archipel notamment en matière de services publics, si on veut le sortir de la crise que le cyclone Chido n’a fait qu’amplifier.
Nous nous associons aux conclusions du rapport que vient de publier le CESE et nous exigeons que les lois de la République s’appliquent pleinement à Mayotte en commençant par celles concernant l’immigration. La revendication de nos syndicats à Mayotte n’est pas la remise en cause du droit du sol mais la fin du visa territorialisé, ce visa dérogatoire qui enferme ses détenteurs à Mayotte et les empêche de rejoindre la métropole. Nous le réaffirmons, la convergence sociale doit être mise en place au plus vite, en commençant par mettre fin à l’abattement du Smic mahorais dès 2026. Pour cela, nous demandons l’ouverture de concertations au plus vite, à Paris, avec des modalités permettant l’association directe de nos organisations locales pour enfin mettre en place l’égalité des droits.
Marylise Léon, Secrétaire générale de la CFDT.
Sophie Binet, Secrétaire générale de la CGT.
François Hommeril, Président de la CFE-CGC.
Laurent Escure, Secrétaire général de l’UNSA.
Murielle Guilbert et Julie Ferrua, co-déléguées de Solidaires.
Caroline Chevée, Secrétaire générale de la FSU.