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Publié le 04 - 03 - 2021

    Office Depot : un fleuron à protéger du pillage

    C’est l’histoire d’une marque connue et rentable, mais victime de la cupidité de son actionnaire. Et que des militants CFE-CGC passionnés se battent pour sauver.

    Le 5 février 2021 restera un jour noir dans l’histoire d’Office Depot France. Ou peut-être le marqueur d’un nouveau départ. C’est la date qu’a choisie le tribunal de commerce de Lille, saisi par le manager de transition de l’entreprise, Guillaume de Feydeau, pour placer celle-ci en redressement judiciaire. Pour comprendre les ressorts de cette décision, il faut remonter un peu en arrière.

    RACHETÉ POUR 1 EURO PAR UN FONDS VAUTOUR

    Au début des années 1990, l’américain Office Depot Inc, numéro 1 mondial de la distribution de mobilier de bureaux, d’informatique, de bureautique et de copie-imprimerie, décide de se lancer en Europe. Il attaque la France en 1996 et rachète la société Gilbert à PPR en 2003. Dix ans plus tard, plombée par une méga-fusion avortée avec le numéro 2 mondial Staples, et sous la menace d’Amazon naissant, la stratégie capote. En 2015, un plan social touchant 11 000 salariés frappe l’Europe. En 2017 le fonds allemand Aurelius, à l’affût, récupère tous les actifs européens d’Office Depot pour un euro symbolique. Aurelius est connu très défavorablement des partenaires sociaux. Il est considéré comme un fonds vautour et a été l’actionnaire principal de sociétés comme Quelle, Isochem et Prisme Imprimerie, depuis liquidées.

    PLAINTE AU PÉNAL POUR FAIRE CESSER LE SIPHONAGE

    En 2017, un nouveau PSE concerne Office Depot France. Particularité, le groupe compte alors deux entités juridiques dans l’hexagone, l’une consacrée aux professionnels et l’autre aux particuliers. Le PDG de l’époque fusionne les deux et Aurelius ponctionne au passage 70 millions d’euros sur le capital : première indication d’une stratégie de siphonage qui alerte la CFE-CGC et l’UNSA. En janvier 2019, le comité central d’entreprise (CCE) lance un droit d’alerte économique sur l’entreprise après avoir constaté que son siège européen lui facture chaque année 20 millions d’euros de frais de management pour des prestations pas claires. En mai 2019, les élus du comité social et économique (CSE) et leur avocat Céline Pares déposent plainte pour abus de bien sociaux auprès du procureur de la République de Lille, plainte toujours en cours d’instruction.

    BERCY ET LES BANQUES DÉTOURNENT LA TÊTE

    Des politiques de tout bord et une partie de la presse s’emparent du dossier, mais sans que la mayonnaise médiatique ne monte vraiment. Curieusement, les élus n’arrivent pas à « faire bouger » Bercy, ce que Philippe Fernandes, délégué syndical CFE-CGC d’Office Depot, 48 ans dont 24 de maison, déplore hautement : « Nous avons eu des rendez-vous avec le Comité interministériel des finances et de l’économie et avec le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) pendant deux ans sans que cela provoque aucune action du gouvernement, pourtant parfaitement informé. » En outre, les banques refusent l’octroi d’un prêt garanti par l’État (PGE) sur lequel Guillaume de Feydeau, le patron français, comptait pour financer un plan de transition globalement approuvé par les syndicats.

    COMBAT POUR SAUVER LES EMPLOIS

    On en est là, avec une entreprise de 1 700 salariés en France qui réalise 300 millions de chiffre d’affaires annuel et qui a été rentable au dernier quadrimestre 2020 depuis qu’elle est placée sous la protection du tribunal de commerce de Lille et n’est plus ponctionnée par Aurelius. Une procédure de cession a été lancée et un appel à repreneurs ouvert jusqu’à la mi-mars. Le 1er mars 2021, Philippe Fernandes et deux élus de l’UNSA ont rencontré l’adjointe de la maire de Paris chargée de l’emploi et des entreprises pour évoquer le sort des plus de 200 salariés dans la capitale et sa proche banlieue.

    Le 16 mars, une mobilisation aura lieu au tribunal de commerce de Lille, en marge d’une audience consacrée à l’entreprise. « J’espère que nous allons réussir à éveiller les consciences, soupire le délégué syndical. Cela fait deux ans qu’on dit qu’Office Depot risque de taper le mur. On se bat pour rester une boite unie et pas démantelée, et pour sauver le maximum d’emplois. Car ce qui nous arrive peut arriver à plein d’autres sociétés. »

    Gilles Lockhart