Lors du 38e congrès de la CFE-CGC à Tours, une table ronde a montré que la représentation du personnel pouvait se réinventer à distance comme sur le terrain.
« Nouvelles organisations et représentations du personnel », tel était le thème, après celle sur le télétravail, de la deuxième table ronde du 38e congrès de la CFE-CGC à Tours, le jeudi 23 mars 2023. Avec en filigrane cette question : comment renouer, intensifier, renouveler avec les salariés des liens distendus depuis des années sous l’effet d’événements délétères (ordonnances Macron, crise du Covid, etc.) ?
RÉINVESTIR LE MAILLON DE PROXIMITÉ DU DIALOGUE SOCIAL ET ADAPTER SA COMMUNICATION
C’est Maud Stephan, déléguée générale de Réalités du dialogue social, qui a cadré la problématique d’ensemble. « Pour recréer un terreau favorable, pose-t-elle, il faut a minima deux leviers : réinvestir le maillon de proximité du dialogue social, ce qui passe par les représentants de proximité mais aussi par les managers ; et adapter sa stratégie et ses moyens de communication ».
Sur le premier point, elle est revenue sur un certain « constat d’échec » partagé selon elle par les élus et les directions, concernant le déploiement des représentants de proximité (RP) dans les nouvelles organisations de travail, et faisant suite à la disparition des délégués du personnel. « Le rôle des RP n’a pas été pensé dans sa globalité comme élément clé de l’édifice du dialogue social », estime Maud Stéphan.
Mais de bonnes pratiques ont été identifiées par son association, comme la désignation par les organisations syndicales de panels mixtes d’élus et de salariés « permettant une diversification des compétences et des profils et l’allégement de la charge du mandatant CSE ». Ou comme la mise en place de comités de RP paritaires, incluant des managers et des membres des RH, « pour en faire des lieux de retour et de partage d’expérience ».
Deuxième grand levier : repenser les méthodes de communication en se souvenant qu’une bonne stratégie doit suivre 4 règles :
Deux militants CFE-CGC de la Caisse d’Epargne et d’Axa ont ensuite exposé leurs actions pratiques.
TRACTS SYNDICAUX NUMÉRIQUES, MESSAGERIE PROFESSIONNELLE ET NOTIFICATIONS PUSH
Frédéric Schmitt, directeur d’agence à la Caisse d’Epargne Centre Loire, délégué syndical CFE-CGC, est revenu sur l’accord de diffusion de tracts syndicaux signé dans son entreprise en 2018 et renouvelé fin 2022. L’accord prévoit la diffusion par chaque organisation syndicale représentative de 8 tracts par mois maximum aux 1 700 salariés. La CFE-CGC le fait désormais en numérique, sans regret : « Je ne reviendrai pas en arrière et je refuse de passer 3h devant un photocopieur pour 1 700 exemplaires… », se félicite Frédéric Schmitt.
L’accord donne aussi la possibilité d’utiliser la messagerie professionnelle, non pas pour faire de la diffusion syndicale, mais pour donner ou recevoir des nouvelles. « Par exemple, quand on visite une agence de 15 personnes, on les prévient individuellement qu’on va passer tel jour à telle heure et elles peuvent préparer le rendez-vous. »
Depuis le 1er mars 2023, la CFE-CGC de la Caisse d’Epargne Centre Loire utilise également une application qui permet d’envoyer un message « push » sur le téléphone portable des salariés. « Des messages courts auxquels tout le monde dans l’entreprise peut avoir accès en téléchargeant l’appli. Cela permet de donner à chaud les résultats d’un CSE ou d’une négociation. Et il y a un niveau d’informations réservé aux adhérents », explique Frédéric Schmitt.
Conseil pratique de sa part aux militants : « Si vous négociez avec votre direction un accord de diffusion de messages numériques, prévoyez qu’on vous indique le taux de lecture de vos tracts. Les salariés ont la possibilité de désactiver la réception de ces messages dans leurs boîtes mail. Donc si la direction refuse de vous communiquer ce taux de lecture, vous ne saurez pas combien de personnes vous touchez. »
CHEZ AXA FRANCE, LES CORRESPONDANTS DE PROXIMITÉ EN PREMIÈRE LIGNE
Gilles Delage, délégué syndical central d’Axa France, inspecteur commercial et manager de métier, a quant à lui parlé notamment des badges-QR code et des correspondants de proximité.
Les badges QR code
Chez Axa France, chaque élu, chaque RP, chaque correspondant de proximité de la CFE-CGC (première organisation syndicale de l’entreprise) a un QR code sur son badge. Après chaque réunion ou négociation importante, la CFE-CGC rédige un flash d’information téléchargé sur ce QR code. « Dès lors qu’on croise un collègue, on peut lui tendre notre badge en lui disant : "Flashes et tu auras l’info en direct !" », expose Gilles Delage.
Les correspondants de proximité
À l’initiative de Joël Mottier, ex-président de la fédération CFE-CGC Assurance, la CFE-CGC d’Axa France a créé il y a quelques années des correspondants de proximité pour mailler le réseau des salariés. L’idée a été reprise par son successeur, Francky Vincent, un homme de Generali, et elle s’étend depuis aux sections syndicales CFE-CGC d’autres géants de l’assurance comme Generali ou Allianz.
Ces correspondants de proximité créés chez Axa France ne sont pas élus mais ils jouent un rôle de collecteurs d’informations et de porteurs de bonne parole syndicale auprès du terrain. Les informations qu’ils remontent sont ensuite traitées par les élus CFE-CGC qui les dispatchent éventuellement vers les bons canaux : CSSCT, DRH, management... Pour ne pas les mettre en porte-à-faux avec leur manager et leur direction, ces correspondants doivent signer un formulaire d’engagement qui leur indique clairement leur implication.
« Ces personnes se sentent responsabilisées et porteuses d’une vraie mission, explique Gilles Delage. Elles l’accomplissent en fonction des heures qu’elles peuvent nous donner. Cela nous permet de toucher des jeunes et de préparer la relève. Nous en avons compté jusqu’à 250 mais nous avons resserré le nombre à 143 actuellement, avec un objectif de 200 à terme, impliqués et motivés. »
Gilles Lockhart
