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Publié le 18 - 01 - 2021

    Michelin : les dessous du plan de départs

    Le groupe Michelin a présenté un « plan de compétitivité et de simplification » qui prévoit de supprimer jusqu'à 2 300 postes en France sur trois ans, sans départs contraints. Éclairages avec José Tarantini,  DSC de la CFE-CGC.

    QUELLE EST LA NATURE DU PLAN DE DÉPARTS ?

    Le pneumaticien français a annoncé le 6 janvier dernier une coupe qui touchera tous ses sites en France et plus de 10 % de ses 21 000 employés dans le pays. Son président, Florent Menegaux, a indiqué qu’il n’y aurait pas de fermeture d'usine ni de départs contraints. Il anticipe 60 % de pré-retraites et 40 % de départs volontaires, dans le cadre du dispositif de ruptures conventionnelles collectives (RCC).

    À QUOI VONT SERVIR CES MESURES ?

    À faire des économies et à se diversifier, indique la direction de l’entreprise. En contrepartie des suppressions de postes, Michelin affirme vouloir poursuivre « sa stratégie de localisation en France de nouvelles activités à forte valeur ajoutée » comme la pile à hydrogène, l'impression 3D, les colles ou le recyclage des déchets plastiques. Le but étant qu’à l’horizon 2030, 30 % de son chiffre d'affaires soit réalisé hors pneus.

    OÙ EN SONT LES NÉGOCIATIONS ?

    Elles ont démarré le 13 janvier avec des représentants de l’entreprise et du personnel échangeant sur des solutions touchant aux domaines industriels et tertiaires. « Nous ferons tout pour challenger le chiffre de 2 300, mais ce n’est pas notre rôle de remettre en question la stratégie de la boîte, explique José Tarantini (photo ci-dessus), le délégué syndical central (DSC) de la CFE-CGC Michelin. Nous croyons à ce triptyque de l’actionnaire, de l’entreprise et des salariés. Nous entrons dans un dialogue social qui laisse une large place à l’expression des salariés. »

    Plusieurs réunions paritaires doivent se tenir jusqu’à la fin du mois de janvier afin de définir un accord de méthode. S’ouvrira ensuite une autre négociation sur un accord cadre qui fixera le cap pour les trois prochaines années.

    QUI SONT LES NÉGOCIATEURS DE LA CFE-CGC ?

    José Tarantini (qui a remplacé récemment Jean-Christophe Laourde comme DSC, ce dernier étant devenu administrateur salarié de Michelin) a rassemblé autour de lui quatre délégués syndicaux choisis parmi la vingtaine que compte le syndicat chez Michelin : Laure Trincal, élue au comité social et économique (CSE) de Clermont-Ferrand, pour sa connaissance des rouages de la communication ; Dominique Bourgois, de la direction financière, pour son expérience et sa capacité d’analyse des projections chiffrées ; Tony Bluteau, délégué syndical (DS) à l’usine de Gravanches, pour ses réseaux et sa connaissance du Michelin industriel ; et Jean-Francois Landemaine, DS à Bourges, ancien militaire, pour son sens des opérations, de l’organisation et du management.

    QUELS SONT LES POINTS DURS ET LES ENJEUX ?

    La CFE-CGC Michelin s’est déclarée « choquée par l’ampleur des réductions d’effectif projetées dans une entreprise qui annonce aux marchés financiers des projections de résultats 2020 très positifs ». Elle va tout faire pour faire baisser le chiffre des suppressions de postes et améliorer les conditions de départ. Mais elle intègre aussi le fait que bon nombre de salariés seront candidats à des départs volontaires. Sur son site (www.cfecgcmichelin.org), elle recommande d’ailleurs à ces personnes « d’attendre d’en savoir plus sur les mesures d’accompagnement » avant de lever le doigt. « Si les volontaires déclarés sont nombreux dès maintenant, les incitations au départ pourraient être plus difficiles à négocier », souligne la CFE-CGC Michelin.

    La préoccupation majeure porte sur les salariés qui vont rester et sur leurs conditions de travail. Des réorganisations intervenues il y a deux ans chez Michelin s’étaient traduites par beaucoup de souffrance au travail : managers et salariés « sous l’eau », successeurs arrivés dans les services alors que le prédécesseur y était encore (« pas assez de chaises pour tout le monde », se souvient José Tarantini). Objectif : protéger ceux qui vont rester.

    QUEL EST LE DISPOSITIF DE LA CFE-CGC ?

    En plus de son équipe de négociateurs, la structure a mis en place des pôles de compétences confiés à des coordinateurs, en plus de ses délégués syndicaux et de ses militants pour pouvoir répondre aux questions des salariés dans tous les domaines : conditions de départ, qualité de vie au travail (QVT), environnement, communication, digitalisation, empreinte industrielle, stratégie financière, stratégie tout court…

    la CFE-CGC Michelin a ouvert une adresse email (mag@cfecgcmichelin.org) qui s’engage à répondre sous deux jours en toute confidentialité aux demandes des salariés, ce qui suppose une personne d’astreinte en permanence. José Tarantini relève par ailleurs que les sections « font pas mal d’adhésions en ce moment, étant donné que les personnes sont en période d’inquiétude et viennent vers nous ». À cela s’ajoutent un fil d’actualité quotidien sur le site, la mise à jour du calendrier de la négociation et la création d’une foire aux questions fréquentes (FAQ).

    SUR QUOI PORTE LE CSEC EXTRAORDINAIRE DU 19 JANVIER ?

    Cette réunion se déroule sur trois jours et demi, du 19 au 22 janvier. Au programme : la présentation des tenants et aboutissants du projet et restituer, à l’aide de 350 slides, la conclusion des groupes de travail qui planchent depuis plusieurs mois sur tous les axes industriels et tertiaires (baptisés « Streams » en interne) de Michelin pour identifier les pistes et les leviers. « On a déjà reçu la présentation et on est en train de la "saucissonner" et de l’examiner en détail », expliquait José Tarantini quelques jours avant la tenue de ce comité social et économique central (CSEC) extraordinaire.

    Gilles Lockhart