La dépêche AFP n’était pas tendre : « Négociations salariales dans la logistique : les syndicats claquent la porte ». Elle date du 21 avril 2022 et mentionnait que la CFE-CGC, en intersyndicale avec 4 autres organisations syndicales représentatives, avait quitté la table des négociations annuelles obligatoires (NAO) du secteur.
La raison de cette rupture ? Le refus des organisations patronales d'envisager la hausse demandée des minima de branche. Pour en savoir plus, nous avons interrogé trois élus du Syndicat National des Activités du Transport et du Transit (SNATT CFE-CGC) qui regroupe les salariés des entreprises concernées.
Logistique : congestion sur l’axe des salaires
Si le secteur de la logistique fait face à une pénurie de salariés, c’est peut-être à cause de salaires insuffisants. Focus sur les négociations annuelles obligatoires qui se passent mal, comme l'expliquent trois élus du SNATT CFE-CGC.
QUEL EST LE PÉRIMÈTRE CONCERNÉ ?
« Il s’agit de l’ensemble des entreprises de logistique et/ou de transport et logistique, mais pas celles qui ne font que du transport », explique Fabienne Vervoux, coordinatrice des instances paritaires du SNATT. Autre manière de les recenser : ce sont les entreprises représentées par les trois organisations patronales suivantes : Union des entreprises de transport et de logistique de France (TLF), Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR), Organisation des Transporteurs Routiers Européens (OTRE).
Cela représente 600 sociétés et 49 000 salariés, soit 6,5 % de la branche Transport qui en compte 755 000. 68 % des salariés de la logistique travaillent dans des entreprises de plus de 50 salariés. L’encadrement représente 16 % des effectifs (5 % de cadres,11 % d’agents de maîtrise).
POURQUOI LES NAO BLOQUENT-ELLES ?
Après trois réunions de négociation, les 2 février, 9 mars et 19 avril 2022, les entreprises du secteur campent sur une proposition d’augmentation de 3 % en linéaire des salaires conventionnels. Montant que les organisations syndicales jugent inacceptable.
Christian Meyer, responsable adjoint de l'Union professionnelle logistique au SNATT et négociateur de branche, souligne que cette proposition s’applique sur des rémunérations de base assez modestes : « Le premier coefficient des agents de maîtrise correspond à un salaire mensuel brut de 1786 euros à l’embauche, et ce chiffre est de 2696 euros pour les cadres. »
À cela s’ajoute le fait que les NAO 2020, conclues sur un accord de + 2,6 % en linéaire, n’étaient applicables qu’à compter de novembre 2020. Quant aux NAO l’année dernière, l’accord du 21 mai 2021 ne prévoyait qu’une augmentation de 1 % en linéaire, et il n’est toujours pas étendu, un an plus tard. Un sacré retard à l’allumage !
QUELLE EST LA POSITION DU SNATT CFE-CGC ?
« La proposition de 3 % est nettement insuffisante du fait des niveaux des salaires conventionnels et de l'inflation galopante. Nous demandons aussi l’extension de la grille d’ancienneté à 20 et 25 ans (actuellement 15 ans maximum) », précise Christian Meyer. Autre revendication : une augmentation de 10 % dès cette année pour arriver progressivement sur plusieurs années à un plafond mensuel de la sécurité sociale (PMSS) de salaire minimum pour les cadres à l’embauche, soit 3428 euros à date.
OÙ EN EST LA SITUATION DÉBUT MAI ?
« À ce jour (6 mai, NDR), nous n’avons pas de nouvelles des organisations patronales, indique Jean Pierre Dos Santos, co-Responsable de l'Union professionnelle logistique au SNATT et négociateur de branche, lui aussi. La participation aux négociations en cours, comme celle qui porte sur les classifications, est suspendue par l’ensemble des organisations syndicales dans l’attente de la reprise des NAO. Une prochaine date de réunion est fixée le 18 mai 2021, mais le SNATT, comme les autres OS, ne s’y rendra que si les organisations patronales annoncent avoir de nouvelles propositions à mettre sur la table. »
QUE FAUT-IL SAVOIR DE PLUS ?
Une charte des métiers en tension a été signée le 7 février 2022 par l’ensemble des acteurs paritaires de la branche en présence de plusieurs ministres. Elle vise à développer l’orientation des jeunes vers les métiers du transport, à favoriser l’attractivité des métiers, les recrutements, la qualité des emplois, les compétences, les formations, etc.
« Son élaboration a demandé beaucoup de temps et d’investissement à l’ensemble des acteurs de la branche, remarque Fabienne Vervoux. Pour autant, les intentions affichées par le patronat ne se concrétisent absolument pas dans les négociations de branche, pour preuve les NAO dans la logistique. Nous craignons que cette charte ne serve qu’à "caler les meubles" et nous serons très vigilants sur le suivi. »
Gilles Lockhart