Pouvez-vous nous présenter la section CFE-CGC chez Amazon France ?
La section a été créée à mon initiative en 2014 quand je suis entré chez Amazon. Depuis, elle s’est bien développée et la CFE-CGC, porte-parole de l’encadrement, fait aujourd’hui partie des cinq organisations syndicales représentatives d’une entreprise qui compte en France huit sites logistiques employant 15 000 salariés dont une majorité d’employés, sachant que 3 000 nouveaux recrutements sont programmés cette année. À titre personnel, je travaille comme encadrant dans les équipes de nuit sur le site de Sevrey (Saône-et-Loire) et j’occupe plusieurs mandats dont celui d’élu au comité social et économique central (CSEC).
En 2019, Amazon a abandonné la convention collective du commerce et de la distribution au profit de celle du transport et de la logistique. Depuis cette date, la CFE-CGC Amazon, auparavant dans le giron de la Fédération nationale de l'encadrement du commerce et des services (FNECS), est rattachée au Syndicat national des activités du transport et du transit (SNATT) au sein de la Fédération CFE-CGC Transports.
Après une négociation houleuse, la CFE-CGC est la seule organisation syndicale à avoir signé, le 3 mai dernier, l’accord salarial prévoyant une augmentation générale de 3,5 %. Quel a été le cheminement des discussions ?
Il faut d’abord rappeler le contexte : à l’appel des cinq syndicats représentatifs (CFE-CGC, SUD, CGT, CFDT, CAT), l'ensemble des centres logistiques s’étaient mis simultanément en grève début avril face aux propositions de la direction, bloquées à 3 % alors que l’intersyndicale demandait, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO), une hausse générale de 5 %. La CFE-CGC a appuyé ces revendications légitimes compte-tenu du contexte d’inflation et de la très bonne santé économique d’une entreprise qui se targue d’avoir réalisé 33 milliards de dollars de bénéfices l’an passé.
Lors des négociations, la direction a tout de suite coupé court à une hausse de 5 %. Mais elle a accepté le principe d’un treizième mois pour les agents de maîtrise RME (maintenance) ainsi que le passage au statut d’agent de maîtrise pour tous les techniciens informatiques, deux demandes portées depuis plusieurs années par la CFE-CGC. Après le mouvement social, la DRH est revenue vers les organisations syndicales avec une proposition d’augmentation de 3,5 %, laissant entendre que sans signature, une hausse de 3 % serait appliquée unilatéralement par l’employeur et que la mesure du 13e mois pour les agents de maîtrise RME ne serait pas appliquée.
Après avoir discuté avec mes homologues des autres syndicats puis avec nos adhérents, j’ai indiqué que la CFE-CGC sera signataire de l’accord. Ce 13e mois est un véritable acquis pour des centaines de nos collègues, tout comme le passage au statut d’agent de maîtrise pour les techniciens. Par ailleurs, 3,5 % d’augmentation générale, ça reste mieux que 3 %. Au final, la signature de la seule CFE-CGC a permis plusieurs avancées pour les salariés et cela arrange bien les autres organisations syndicales. Chacun garde la face et l’unité syndicale est préservée ! C’est important car d’autre sujets importants sont à venir.
« La CFE-CGC a obtenu des avancées pour les salariés d’Amazon »
Délégué syndical central CFE-CGC, Laurent Cretin revient sur les négociations salariales houleuses chez le géant du e-commerce, et justifie la signature d’un accord comportant des acquis pour les agents de maîtrise et les techniciens.
Il n’est pas normal qu’une entreprise comme Amazon, qui brasse des milliards, ne redistribue pas mieux les richesses créées »
Quels sont les prochains dossiers prioritaires ?
L’inflation, le pouvoir d’achat et un meilleur partage de la valeur vont rester des fils rouges sur lesquels nous reviendrons dès la rentrée de septembre. Il n’est pas normal qu’une entreprise comme Amazon, qui brasse des milliards et qui pèse 3 000 milliards de capitalisation boursière, ne redistribue pas mieux les richesses créées. Outre la revalorisation des chefs d’équipes, nous remonterons notamment au créneau pour améliorer le dispositif de participation versée aux salariés. Un exemple parmi d’autres : la prime mensuelle de déplacement est fixée chez nous à 16 euros, soit 8 litres d’essence. Quand vous savez que de très nombreux salariés doivent prendre la voiture et faire près de 100 kilomètres quotidiens pour venir travailler, c’est risible !
Par ailleurs, nous terminons actuellement une négociation sur la pénibilité. Mais le gros dossier à venir concerne le projet de la direction pour adapter les engins de manutention utilisés sur les sites, en remplaçant des engins « à conducteur porté » par des engins « à conducteur accompagnant ». Le sujet fait un tollé et suscite de grandes inquiétudes. Nous avons sollicité auprès du cabinet Progexa une expertise dont le rapport de 400 pages est accablant concernant les implications en termes de conditions de travail, de santé et de sécurité pour des salariés intervenant sur les quais des processus de flux entrants et sortants. En tant qu’entité CSEC, nous avons attaqué Amazon France avec un avocat pour bloquer ce projet qui s’apparente à un plan d’économies déguisé.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet