La mobilisation annoncée a été à la hauteur des attentes. Le 18 septembre, un million de personnes ont défilé à travers l'Hexagone lors de 250 rassemblements, dans un élan qui rappelle les grandes mobilisations de 2023 contre la réforme des retraites. L’intersyndicale (CFE-CGC, CFDT, CGT, FO, CFTC, UNSA, Solidaires, FSU) dénonce un catalogue de mesures inacceptables : recul de l’âge de départ à la retraite, réductions budgétaires touchant les services publics, poursuite d’une politique économique inefficace, nouvelle réforme de l'assurance chômage, blocage des aides sociales… autant de projets annoncés durant l'été qui demeurent une menace persistante. Et ce, malgré l’absence d’un gouvernement encore constitué.
Présent en première ligne du cortège parisien après sa récente rencontre avec Sébastien Lecornu, François Hommeril (à droite sur la photo), président de la CFE-CGC, a abordé de nombreux sujets, pressé par les questions des journalistes.
Sur l’intérêt de la mobilisation
« Ce mouvement a été décidé quand François Bayrou a voulu culpabiliser les Français et les Françaises en les désignant responsables de la dette, qui a été causée par la même politique économique qu’il défend. Face aux résultats, sa conclusion était : « Je ne change pas de politique, je double la dose et vous allez passer à la caisse ! » C’est absolument insupportable. Aujourd’hui, Bayrou n’est plus là, mais on peut transformer ce mouvement en mettant en garde le nouveau Premier ministre. »
« La réalité, c’est qu’Emmanuel Macron n’a plus aucun pouvoir, si ce n’est celui de dissoudre l’Assemblée nationale. Pour le reste, sa politique est disqualifiée, et l’histoire est dite. Aujourd’hui, notre premier interlocuteur, c’est le Premier ministre. Sébastien Lecornu fait face à une Assemblée hostile. Il doit écouter le mouvement social et s’appuyer sur nos revendications. C’est son seul point d’appui pour pouvoir mener une vraie politique, et je pense qu’il le sait. C’est pour ça que cette manifestation est importante, d’autant plus que ce contre quoi nous luttons reste d’actualité. »
Sur le partage de la valeur
« Je pense que le patronat devrait être notre partenaire naturel, car il essuie les conséquences de la contreperformance économique de la France. Il suffit de voir les tribunaux de commerce en France : le nombre de faillites d’entreprises va atteindre un record en 2025, alors que les dividendes n’ont jamais été aussi élevés et que les actionnaires s’en mettent plein les poches. Ce n’est pas parce que les gens n’ont pas envie de travailler ! C’est causé par un mauvais partage des richesses, qui a entraîné une perte de la confiance envers les milieux économiques. »
« Le patronat aujourd’hui représente à la fois les requins et les sardines. Il est constitué de grosses entreprises qui pompent toute la marge de toute une chaîne de petites boites qui tirent la langue. Le problème c’est que la chaîne économique ne partage pas bien la valeur. Les employeurs doivent se mettre d’accord là-dessus au lieu de livrer un discours unique sur la flexibilité. »
Sur l’endettement
« L’endettement est devenu un croquemitaine, agité de manière anxiogène comme épouvantail par François Bayrou. Mais l’endettement n’est pas une mauvaise chose s’il permet d’investir et de créer des actifs. Le problème, c’est que la politique menée par Macron a transféré de l’argent public vers le privé, sans qu’il y ait d’investissement derrière ! En réalité, le débat, c’est qu’il faut réorienter la politique économique de la France, en créant des emplois de qualité, en investissant dans la recherche. Ce n’est pas en appauvrissant les Français qu’on va enrichir la France, bien au contraire ! »
Sur la politique économique
« Il faut mettre fin à cette politique économique qui consiste à transférer des masses colossales d’argent public vers des entreprises sans discernement, ni contrôle, ni contrepartie. Pendant ce temps, on pointe du doigt les Français, qui eux n’y sont pour rien ! Ils travaillent, ou du moins ils essaient, ils s’investissent, mais leurs conditions de travail et leurs salaires se dégradent. Nous représentons les techniciens, les agents de maîtrise et les cadres, des gens qui sont investis dans leur métier et leur travail. Quant aux agents de la fonction publique, ils ont perdu 30 % de pouvoir d’achat en 30 ans ! C’est insupportable, comment peut-on développer le pays en démotivant à ce point les gens qui travaillent ? »
Sur la dépense
« Aujourd’hui tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut augmenter les dépenses militaires. Mais on dit aussi qu’il faut diminuer les dépenses de santé. Mais les dépenses de santé sont une bonne chose, elles permettent aux Français d’être mieux soignés. Elles représentent 12,6 % du PIB, soit le même niveau que l’Allemagne, et bien en-deçà du niveau des Etats-Unis. La question, ce n’est pas le niveau des dépenses. Le problème c’est que les ressources produites par les Français et les Françaises sont captées par le capital. »
Sur les réformes sociales
« Notre objectif, c’est que le gouvernement, en réalité le Premier ministre, intègre les revendications exprimées par les organisations syndicales. Nous voulons qu’il abandonne cette politique de l’offre qui ne produit aucun résultat économique et vide les caisses. En outre, nous souhaitons l’abrogation de la réforme des retraites. Par ailleurs, il n’est plus acceptable que l’encadrement solvabilise les systèmes sociaux et qu’il en soit de plus en plus expulsé ».
Propos recueillis par François Tassin