Que vous inspire le fait de devenir le dixième président de l’histoire de la Confédération Française de l’Encadrement-CGC ? Quelle vision du militantisme souhaitez-vous incarner ?
C’est un sentiment de fierté et un grand honneur d’être élu à la présidence de la CFE-CGC, une organisation syndicale historique et un partenaire social incontournable du paysage institutionnel. Je tiens à saluer le travail accompli par la précédente direction confédérale lors de la dernière mandature. En présentant une liste unique, en amont du Congrès de Lyon, la CFE-CGC a prouvé être une organisation sachant trouver les moyens du rassemblement.
La responsabilité est au cœur de la notion d’engagement. Un responsable syndical est un citoyen militant engagé dans la société : devenu adhérent CFE-CGC en 1990, je souhaite porter le témoignage d’un militant qui, toute sa vie, s’est engagé au niveau professionnel et syndical, l’engagement syndical prenant progressivement le pas.
Aux côtés d’Alain Giffard (Secrétaire général) et de Franck Zid (Trésorier national), je mesure la responsabilité qui m’incombe aujourd’hui au service de toutes les forces vives de notre organisation et des salariés que nous défendons : techniciens, agents de maîtrise, cadres et agents des fonctions publiques. Je serai particulièrement attentif à créer toutes les conditions permettant de valoriser les parcours et la formation de nos militants.
"Un responsable syndical est un citoyen militant engagé"
Élu à la présidence de la CFE-CGC lors du 36e Congrès confédéral à Lyon, François Hommeril dévoile les grandes lignes du programme de la mandature et ses ambitions au service de toutes les forces vives de l’organisation.
Une organisation visible, représentative et créative, incarnant une culture d’excellence"
Quelles sont les grandes lignes de votre programme pour les trois ans à venir ?
Visibilité, représentativité et créativité seront les grands axes qui guideront l’action de la direction confédérale pour faire briller nos couleurs et incarner cette culture d’excellence qui est une des marques de fabrique de la CFE-CGC, une organisation respectée, écoutée et qui ne peut être assignée dans aucune case.
Il s’agit en premier lieu d’être une organisation visible afin de défendre et promouvoir nos valeurs et nos spécificités. Les corps sociaux intermédiaires ont en effet été beaucoup trop malmenés ces dernières années par les décideurs politiques. Or, la CFE-CGC a toute sa place pour peser dans les débats et pour réaffirmer sa vision d’un monde économique équilibré dans lequel le progrès de tous est le progrès pour tous.
La représentativité - dans l’entreprise, au niveau interprofessionnel, dans les branches et au sein des structures de notre organisation – et le développement sont également au cœur du dispositif. La CFE-CGC est en progression constante depuis vingt ans mais pas forcément au même rythme dans tous les secteurs. C’est pour cela que, dans le nouvel organigramme confédéral, trois secrétaires nationaux sont désormais préposés au développement (territoires, branches et fonctions publiques).
Autres défis : féminiser nos structures et attirer les jeunes. Cela passe par des plans d’actions précis pour faciliter les parcours, les plans de carrières professionnelles et les évolutions de carrières syndicales.
Enfin, je veux faire de la CFE-CGC une organisation inventive et créative qui se donne les moyens de répondre aux changements parfois radicaux qui secouent la société. Nous devons être capables de proposer des lectures et des solutions concrètes. Je souhaite notamment mettre en place des groupes de réflexion référents sur divers sujets dont le coût des charges sociales et la question du temps de travail - en particulier pour les salariés qui approchent de la retraite - assorti de dispositifs fiscaux et d’embauches.
Je veux défendre un syndicalisme de partenariat qui génère des résultats visibles et utiles"
En matière de dialogue social et de paritarisme, vous plébiscitez ce que vous appelez un syndicalisme de partenariat…
Je veux défendre des valeurs lisibles, claires, avec un syndicalisme de partenariat qui génère des résultats visibles et utiles.La grande richesse du paritarisme, c’est la reconnaissance mutuelle des partenaires. Le partenariat, c’est la nécessaire confrontation, en bonne intelligence, des intérêts et des points de vue entre parties pour aboutir, ou non, à la signature d’un accord.
La norme sociale - aux niveaux des branches comme des entreprises - s’est constituée sous le partenariat des organisations de salariés et d’employeurs. C’est une confrontation positive ou chacun doit rester à sa place et assumer ses responsabilités : il est normal que le paritarisme s’exerce sous le contrôle de l’État mais contrôle ne veut pas dire tutelle !
Le dialogue social, ce ne sont pas que les grandes négociations comme l’assurance chômage, c’est aussi et surtout quelques 80 000 accords d’entreprises signés chaque année. Quand on signe un accord, c’est que l’on souhaite qu’il soit appliqué car il crée des conditions de normes sociales qui méritent de le signer. Le processus doit toujours être transparent : dans le cadre d’un accord interprofessionnel national, il faut que nos structures donnent le mandat correspondant. Il en va du nécessaire travail de liaison et de pédagogie envers les militants de terrain dans leurs sections.
Quel regard portez-vous sur le très controversé projet de loi El Khomri qui touche notamment à la hiérarchie des normes, le texte prévoyant qu’un accord d’entreprise puisse être « moins disant » qu’un accord de branche ?
Cette inversion de la hiérarchie des normes n’arrangerait personne car elle crée des conditions de concurrences déloyales et affaiblit le pouvoir de la branche. Or, les branches sont le cœur le plus vibrant du partenariat social ! Elles racontent l’histoire d’un secteur économique qui s’est constitué au fil du temps avec ses propres codes et sont un indispensable outil de classifications (évolution de carrière, rémunération, formation…) et de dispositions spécifiques définies avec les partenaires sociaux.
Ce sont bien les branches professionnelles qui permettent d’adapter les règles sociales aux spécificités des activités en empêchant un dumping social entre entreprises d’un même secteur. En l’état, la loi Travail n’aurait aucune influence positive sur l’emploi et renvoie les employeurs à une dimension très dégradée de leur fonction sociale.
Une CFE-CGC forte, unie et conquérante"
En vertu de l’accord signé en octobre 2015 entre partenaires sociaux pour pérenniser l’avenir des retraites complémentaires, la CFE-CGC a obtenu, comme elle le réclame depuis des années, l’ouverture d’une négociation pour un accord national interprofessionnel (ANI) sur l’encadrement. Qu’en attendez-vous ?
Jusqu’à présent, les acteurs et observateurs s’étaient tacitement entendus sur divers critères historiques et sociologiques pour évoquer, au sens large, les cadres et le personnel d’encadrement.
Il s’agit désormais, avec humilité, conviction et responsabilité, de formaliser ce que doit être aujourd’hui le statut de l’encadrement en tenant compte de ses évolutions et de la nécessaire mise à jour de l’ensemble des critères qui le définissent dont le diplôme, la responsabilité, l’expertise, l’autonomie, le temps de travail ou encore l’individualisation des missions. La CFE-CGC, syndicat catégoriel, prendra évidemment toute sa part dans le débat, au service de nos populations : techniciens, agents de maîtrise, cadres et agents des fonctions publiques.
Comment imaginez-vous la CFE-CGC en 2019 ?
Gageons que la CFE-CGC sera plus que jamais une organisation forte, unie et conquérante. L’unité est la moindre des choses que l’on doit à nos militants eu égard à la qualité de leurs actions quotidiennes sur le terrain. Nos équipes enregistrent d’excellents résultats dans quasiment toutes les branches et toutes les fédérations. Il faut créer les conditions pour dupliquer ces bonnes pratiques qui fonctionnent et qui ont fait leurs preuves dans de nombreuses entreprises.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet