Parler de SEB invoque immédiatement des marques célèbres : les fers à repasser Calor (rachetés par SEB en 1972), les poêles Tefal (rachetées en 1968), les petits robots Moulinex (rachetés dans les années 2000). Sans oublier les aspirateurs Rowenta ni les fameuses cocottes-minutes de la maison-mère.
Loin d’être désuètes, ces marques prospèrent au sein d’un groupe qui réalise 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et qui emploie 33 000 collaborateurs dans le monde dont 5 500 en France. Un groupe qui s’est diversifié en Allemagne avec le rachat de WMF (n°1 des machines à café professionnelles) et surtout qui détient depuis 2007 le Groupe Supor, géant chinois du petit électroménager (12 000 salariés), lui assurant 27 % de ses ventes mondiales.
En France, SEB compte plus d’une dizaine de sites de production à Pont-Évêque, Vernon, Mayenne, Alençon, Saint-Lô, Is/Tille, Selongey, Rumilly, Lourdes, Faucogney... Il est toujours détenu majoritairement par la famille Lescure, descendante d’Antoine Lescure, créateur en 1857 d’un atelier de ferblanterie d’où tout est parti.
Jean-Baptiste Perret, délégué syndical central (DSC) de Calor et coordinateur CFE-CGC du Groupe SEB, détaille la stratégie mise en place pour préparer les élections organisées le 7 mars dernier.
Quel est le bilan des élections de mars 2023 pour la CFE-CGC du Groupe SEB ?
Il y a toujours une bonne participation chez SEB aux élections professionnelles. En 2023, elle a été de 74 %, soit 4 000 suffrages valablement exprimés sur 5 500 salariés, et 2 400 sur 3 500 aux collèges où nous nous présentons. Nous étions deuxièmes aux élections précédentes. Cette année, tous collèges confondus, nous sommes devenus premiers à 29,2 % devant FO (19,4 %), la CFDT (18,1 %) et la CGT (17,7 %). Nous l’avons emporté dans l’encadrement (47 % sur les collèges 2 et 3), mais aussi chez les employés, techniciens et agents de maîtrise (Etam).
Combien avez-vous obtenu de mandats ?
Présentant 13 listes à cette élection, nous avons obtenu 53 élus titulaires (27 cadres et 26 Etam) au comité social et économique (CSE) et autant de suppléants, 8 postes sur 20 au comité de groupe France, 4 postes sur 6 au comité européen (dans lequel 2 sièges sont réservés au collège 1).
Comment expliquez-vous cette victoire ?
Elle résulte d’une stratégie mise en place il y a 4 ans, dont l’objectif était de devenir le premier syndicat du Groupe. Nous avons fait un état des lieux des sites français, que nous y soyons présents ou pas. Nous avons priorisé le développement syndical sur ceux où nous avions le plus à gagner. En jouant sur le réseau de tous nos élus et sympathisants, nous avons multiplié les tractages, les appels à candidatures et le phoning. Nous avons également travaillé à maintenir nos positions sur les sites où nous étions déjà premiers.
Quel a été le calendrier de ces actions ?
En septembre 2021, lors de l’inter-centre de notre coordination à Mayenne, réunissant 10 délégués syndicaux et 4 DSC, nous avons décidé de prendre un intervenant extérieur pour nous aider à capter les attentes des salariés et à choisir nos thèmes de campagne. En novembre, lors de l’inter-centre suivant à Lyon, nous avons acté le choix de Vincent Desmeliers, fondateur du cabinet Temps Public, spécialisé en communication des représentants du personnel. Il est venu, il a fait parler les élus de chaque société, puis il a travaillé sur le sujet.
Quel a été le rôle de ce consultant ?
Il a su faire un consensus entre les attentes des petits sites de production et celles des salariés du siège social à Écully par exemple. La restitution de sa mission d’audit stratégique a eu lieu lors de l’inter-centre suivant en mai 2022 à Paris, au siège de la fédération CFE-CGC de la Métallurgie. C’est là que nous avons validé nos 4 thèmes de campagne : le bilan de ce que nous avions fait depuis 4 ans, la QVCT, le pouvoir d’achat et la rédaction d’une profession de foi. Nous avons ébauché cette profession de foi et rédigé un tract d’appel à candidatures. Puis nous sommes allés tracter sur les sites où nous n’étions pas présents comme Selongey, le siège d’Écully, le centre des pièces détachées à Faucogney dans les Vosges…
Cela ressemble quasiment à un projet professionnel ?
C’était ce que nous voulions ! En octobre 2022, nous avons organisé un inter-centre chez Tefal à Rumilly. Nous y avons rédigé et validé les tracts et la profession de foi avec l’aide d’Elisabeth Gai, responsable communication de la fédération Métallurgie, et commencé à préparer les maquettes. En décembre, retour à la fédération en petit groupe pour valider le tract et les propositions graphiques. Ensuite, choix de l’imprimeur, impressions des tracts et des affiches, validation des professions de foi avec la photo de chaque candidat et distribution de 14 000 tracts et 300 affiches en tout jusqu’à début mars.
Vous pratiquez toujours le tract à l’ancienne : pas de tentation du tout numérique ?
On fait du numérique en parallèle, mais les salariés ne le regardent pas et on trouve que cela ne marche pas. Il faut que les gens nous voient et qu’à l’occasion ils nous glissent un mot. Le fait de distribuer à la main est important, notamment au siège où les salariés n’ont pas l’habitude de voir des militants tracter et se présenter. Après appels à candidatures sur ce site, nous y avons présenté 4 candidats cadres qui ont tous été élus : pour une première, c’est réussi. Je suis persuadé que cela vient du fait que les salariés nous ont vus le matin tôt, dans le froid… Ils ont vu qu’on y croyait.
Quelles sont les autres personnes-clés de votre campagne ?
Il s’agit d’un travail de groupe pour lequel il convient de citer Hubert Leblanc, DSC de Moulinex et coordinateur adjoint, Christian Genton, DSC de Tefal, et Marc Malier, DS de Rowenta à Vernon. Quand on négocie les NAO, on se réunit en inter-centre, on se met tous d’accord sur nos revendications et aucun de nos DS ou DSC ne signe sur un site sans que les autres aient donné leur accord. Cela nous donne un pouvoir de négociation. Quand on annonce que, si une proposition ne nous convient pas, il n’y aura aucun accord signé par la CFE-CGC dans les sociétés françaises du Groupe SEB, cela donne à réfléchir aux directions.
Propos recueillis par Gilles Lockhart