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Publié le 22 - 07 - 2025

    Collège cadres dans les CSSCT : la CFE-CGC obtient gain de cause

    Grâce à l’action de deux structures CFE-CGC, la Cour de cassation a confirmé l’obligation de la présence du collège cadres au sein des commissions santé, sécurité et conditions de travail des entreprises.

    Le 26 février 2025, plusieurs décisions de la Cour de cassation ont confirmé l’obligation de la présence du collège cadres au sein des commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) en entreprise. Une victoire obtenue grâce au combat mené par la fédération CFE Énergies et le syndicat CFE-CGC Pétrole & Énergies nouvelles (encadré ci-contre), qui ont alerté sur la nécessité d’une représentation équitable de tous les collèges dans les instances représentatives du personnel.

    C’est précisément début 2024 que la CFE Énergies et la CFE-CGC Pétrole & Énergies nouvelles ont été simultanément informées de deux situations distinctes mais analogues : des entreprises où les cadres se trouvaient exclus de toute représentation au sein des CSSCT, en contradiction avec les dispositions légales.

    « Nous avons été sollicités par nos représentants de deux établissements TotalEnergies, qui nous ont expliqué que les CSSCT ne comptaient aucun représentant du collège cadre, raconte Laurent Grizon, président du syndicat CFE-CGC Pétrole & Énergies nouvelles. Puis c’est via une réunion des juristes de la confédération que nous avons appris que la CFE Énergies était confrontée au même problème avec cinq CSE de la société Enedis. »

    VEILLER SUR LA SANTÉ DES SALARIÉS

    Obligatoires dans les entreprises de 300 salariés ou plus, les commissions santé, sécurité et conditions de travail ont pour mission, par délégation du CSE, de contribuer à améliorer la qualité de vie au travail, d’analyser et de prévenir les risques professionnels, de promouvoir la santé et la sécurité des salariés. « Le périmètre de cette instance est très large, et va des odeurs des toilettes au suicide des salariés, en passant par l’exposition à l’amiante ou le harcèlement moral », explique Laurent Grizon. 

    La composition des CSSCT obéit à des règles particulières dont la représentation des collèges. Le premier collège regroupe les ouvriers et les employés tandis que le second comprend les cadres, les ingénieurs et les agents de maîtrise. Mais, dans les entreprises comptant au moins 25 ingénieurs, chefs de services et cadres au sein de leur personnel, un troisième collège est créé : le collège cadres. L’objectif est de s’assurer que les cadres puissent ainsi être représentés ceux qui connaissent le mieux leurs spécificités et leurs problématiques, c’est-à-dire eux-mêmes en cas de création de ce troisième collège.

    LA NÉCESSAIRE REPRÉSENTATIVITÉ DES CADRES

    Dans ces 2 établissements de TotalEnergies, ce sont les CSE qui ont décidé de faire fi de l’article L2315-39, ne réservant aucun poste de cadre dans leurs CSSCT. Pour Laurent Grizon, il s’agit d’une atteinte à la démocratie sociale dans les instances : « Les trois collèges défendent la sécurité et la santé des salariés, c’est-à-dire leurs conditions de travail. Il s’agit de sujets universels et il est donc indispensable que les cadres puissent traiter, débattre et défendre ces sujets avec les autres collèges. Une telle instance ne peut pas être captée par une catégorie de salariés aux dépens d’une autre alors qu’elle est censée représenter l’ensemble de son personnel ! ». Car, sans la présence de cadres, des décisions peuvent y être prises sans eux ou oublier des problématiques qui leur sont propres.

    C’est donc pour défendre cette idée de démocratie sociale que les deux structures CFE-CGC ont porté l’affaire, en avril 2024, devant la Cour de cassation. Objectif : que celle-ci annule les décisions prises en 2022 par les tribunaux judiciaires d’Aix-en Provence et du Havre, et celles de 2024 prises par ceux de Bobigny, de Tours et d’Amiens, qui avaient validé les compositions de ces CSSCT et rejeté la présence des représentants des cadres.

    COMBAT JURIDIQUE ET ARGUMENTAIRE

    La fédération CFE Énergies et le syndicat CFE-CGC Pétrole & Énergies nouvelles ont donc sollicité la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français en arguant qu’au moins un représentant du personnel cadre devait siéger au sein de cette commission, selon l’article L.2315-39 du Code du Travail. Lequel stipule que l’instance doit comprendre « au minimum trois membres représentants du personnel dont au moins un représentant du second collège ou, le cas échéant, du troisième collège ».

    « C'est justement le "ou le cas échéant" qui faisait débat », précise Sandrine Mirande, directrice juridique de la fédération CFE Énergies, en charge du dossier. « Les CSSCT concernées prétendaient que cette formulation offrait une alternative, mais pas une obligation. Notre position était claire : quand un troisième collège existe, un siège doit lui revenir obligatoirement. »

    Représentées par l’avocate Isabelle Galy, les deux structures CFE-CGC ont mis en commun ressources et informations. « Pour construire notre argumentaire, nous nous sommes basés sur les dispositions du Code du travail, sur la doctrine juridique qui allait dans notre sens, et nous avons fait une véritable exégèse du texte, détaille Sandrine Mirande. Nous avons mis en avant le fait que les nouvelles dispositions des ordonnances Macron, qui ont abouti à la création des CSE, reposaient sur une logique de raisonnement par collège. » Particularité de l’affaire : la société Enedis partageait la position de la CFE-CGC sur tous les dossiers concernés, en opposition aux CSE. « Ils ont pris de leur côté un avocat à la Cour de cassation et déposé un argumentaire en notre faveur », précise Sandrine Mirande.

    Ces arguments ont fait mouche puisque presque un an après les recours, la Cour de cassation a donc rendu ses décisions, entérinant une vision obligatoire du texte. Elle considère ainsi que lorsqu’un troisième collège existe au sein d’un CSE, la CSSCT doit obligatoirement être composée d’au moins un membre issu de ce collège, et que ces dispositions sont d’ordre public.

    Plus précisément, la Cour de cassation relève que « dans les entreprises ou établissements où est institué un troisième collège électoral en application de l’article L. 2314-11 du Code du travail, un siège au moins à la commission santé, sécurité et conditions de travail doit être attribué à un élu au comité social et économique représentant le troisième collège ».

    Jugeant que les tribunaux judiciaires ont, par leur décision de valider ces CSSCT sans membre du troisième collège, « violé les textes susvisés », la Cour de cassation a annulé les jugements rendus par ces tribunaux, avant de statuer que les nouvelles désignations à intervenir des membres des CSSCT des sociétés concernées devront attribuer au moins un siège au troisième collège.

    UNE JURISPRUDENCE SUR LAQUELLE S’APPUYER

    « La portée de cette décision ne doit pas être sous-estimée, analyse Sandrine Mirande. C'est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur ce type de sujet, mettant fin à une divergence d'interprétation. C'est une belle victoire pour la défense des droits de l'encadrement. » Un avis que partage Laurent Grizon : « Maintenant, les cadres des autres entreprises peuvent s'appuyer sur cette jurisprudence pour faire valoir leurs droits. » ?

    Mais la bataille juridique n'est pas terminée : « Nous attendons encore trois arrêts de la Cour de cassation sur des affaires similaires concernant d'autres entreprises », précise Sandrine Mirande. Des affaires qui, faisant suite à la nouvelle jurisprudence, ont de très fortes chances de se conclure en faveur de l’encadrement.

    Néanmoins, Laurent Grizon recommande aux militants syndicaux d’éviter les contentieux tant que possible. Il rappelle à quel point une telle opération peut être longue, stressante et coûteuse. « La première chose à faire est de s'adresser au CSE qui refuserait un poste de cadre en CSSCT en lui rappelant que la jurisprudence existe désormais et que, s’il fait blocage, expliquer que vous pouvez porter l’affaire dans les tribunaux et que c’est un combat qu’il ne peut que perdre. Mais cela doit être un dernier recours. »

    François Tassain

    Repères
    - Fort de 500 adhérents, le syndicat CFE-CGC Pétrole & Énergies nouvelles fait partie de la fédération Enermine & Industries Transverses, qui regroupe 1 500 adhérents et 5 syndicats (FIBOPA, SNCH, Syndicat des mineurs, BRGM, Pétrole & Énergies nouvelles).

    - La Fédération CFE Énergies regroupe 13 000 adhérents au sein de la branche professionnelle des industries électriques et gazières (IEG). Lors des élections professionnelles de novembre 2023, la CFE Énergies a conforté sa place de 2e organisation syndicale représentative des IEG avec plus de 30 % des suffrages exprimés sur l’ensemble des entreprises.