Quelles sont les causes de la situation ?
Les clubs de jeux sont issus des cercles de jeux de Paris qui étaient généralement des associations 1901 dont certaines ont pu se laisser aller à quelques dérives… L’État a décidé de les fermer à Paris, ville où les casinos sont interdits, et de les remplacer par des clubs de jeux ayant un actionnariat plus transparent, à savoir des groupes de casinos (Barrière, Partouche, Tranchant, Raineau…) ou des indépendants montrant patte blanche. Ainsi structurés, les clubs ont reçu en 2018 une autorisation d’exercer expérimentale, renouvelable au bout de 3 ans par le Projet de loi de finances. Fin 2024, la censure du gouvernement Barnier et le non-vote du budget ont fait partir le bébé avec l’eau du bain. Faute de texte législatif, la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), qui couvre l’exploitation des jeux sur le territoire français, n’a pu renouveler l’autorisation. C’est pour cela qu’on se retrouve aujourd’hui dans un imbroglio économique et social incroyable.
Quels sont les dangers de la situation ?
De mon point de vue, ils sont doubles. Il y a bien sûr, en premier lieu, le sort de nos collègues parisiens (je suis moi-même membre de la direction du Casino d’Enghien-les-Bains, le premier de France) qui ne touchent que le chômage partiel au lieu de leur salaire plein, sans visibilité sur l’avenir. La fédération CFE-CGC Inova les soutient par des actions de communication et d’accompagnement sur le terrain grâce au travail de ses élus et de ses mandatés. L’autre écueil réside dans le passage d’une offre légale à une offre clandestine. Les clubs répondent à une demande de la part des joueurs, or cette demande n’a pas disparu. Les joueurs de poker sont très attachés au jeu, c’est toute une sociologie. Ne soyons pas naïfs : coupés de leur passion, ils continuent à jouer en ce moment, de manière informelle, ce qui crée en droit un trouble à l’ordre public.
Quand on n’est pas familier de ce secteur, on a du mal à imaginer que 7 clubs de jeux emploient à eux seuls 1500 salariés…
Vous dites cela parce que vous raisonnez en supposant qu’ils travaillent tous en même temps. Les clubs ouvrent tôt et ferment tard. Vous ne pouvez pas faire travailler tous les salariés sur cette amplitude. Les clubs de jeux parisiens proposent uniquement des jeux de cartes, toutes les variantes du poker et du blackjack, sans la roulette, les jeux électroniques et les machines à sous qui sont réservés aux casinos. Ils emploient en moyenne 200 salariés : croupiers et membres du back-office et de l’encadrement (directeurs, restauration, fonctions supports, ressources humaines, comptabilité, sécurité…).
Quelles sont les prochaines étapes à votre avis ?
Nous attendons la réponse du Premier ministre, sachant qu’il a déjà répondu à une autre organisation en lui disant qu’il avait transmis le dossier à la ministre du Travail… Nous n’attendons pas grand-chose, franchement, de la part de la maire de Paris qui ne semble pas très concernée par le sort des clubs de jeux dans la capitale. Et nous sommes donc dans l’attente de l’activité des parlementaires. Nous dépendons de leur bon vouloir et de celui du gouvernement. Si le budget de l’État est voté et qu’il n’y a pas de censure, cela suffira pour faire redémarrer l’activité. Avec le délai incompressible des navettes parlementaires, on table déjà sur un premier trimestre fermé pour les entreprises et pour nos collègues mis à l’arrêt pour raison politique.
Propos recueillis par Gilles Lockhart