Suite à l’impasse des négociations annuelles obligatoires (NAO) 2025, l’intersyndicale CFE-CGC, CGT et CFDT de l’UES Groupama Gan a appelé les salariés à se mobiliser contre l’absence de hausses salariales concernant l'ensemble des salariés. Et ce, malgré d’excellents résultats financiers (961 millions d’euros de bénéfices en 2024, 450 millions d'euros au premier semestre 2025) au sein de Groupama.
En effet, la direction de l’entreprise n’a proposé qu’une augmentation de 1 %, plafonnée à 330 euros, pour les salaires de moins de 33 000 euros bruts annuels. Une mesure qui concerne seulement 13 % des 7 500 salariés de l'UES Groupama Gan. En réponse, les syndicats revendiquent une augmentation générale indexée sur l'inflation (autour de 1,5-2 % en 2024-2025) pour tous, ainsi qu'une revalorisation de l'enveloppe d'augmentations individuelles à 1,5 %. Entretien avec Ludovic Mallet (photo ci-dessus), délégué syndical central CFE-CGC UES Groupama Gan (deuxième syndicat représentatif avec 39,4 % de représentativité).
Groupama a enregistré un bénéfice net de 961 millions d’euros en 2024, le plus élevé de son histoire. Quels arguments sont avancés par la direction qui refuse d’étendre les augmentations à l’ensemble des salariés, malgré ces excellents résultats ?
La direction avance d’abord que les 961 millions d'euros publiés correspondent aux normes IFRS et que le résultat « réel » serait bien en deçà. Pourtant, la CFE-CGC souligne que ce sont bien ces chiffres que l’entreprise a mis en avant dans ses communications internes et externes.
Ensuite, la direction nous rappelle que procéder à une augmentation générale des salaires nourrirait l’inflation. Je ne partage pas cette vision économique du sujet, car je vois bien ce que traversent les salariés au quotidien. Avec la même rémunération, notre pouvoir d’achat recule de plus en plus. Quand l’entreprise atteint des résultats historiques, il est légitime d’attendre une meilleure reconnaissance collective.
Enfin, il nous est indiqué que la plupart des salariés des entreprises Groupama Gan sont mieux rémunérés que ceux des caisses régionales où, dans certaines, 50 % des collaborateurs perçoivent moins de 33 000 euros bruts annuels. Bien que ce constat semble exact, il résulterait avant tout des politiques de gestions salariales propres aux caisses régionales. Pour la CFE-CGC, il est compliqué d’accepter cet argument de la direction qui justifierait, selon elle, une absence de progression générale des rémunérations pour les salariés de l’UES Groupama Gan.
Quels arguments avez-vous avancé de votre côté ?
D’abord, la reconnaissance collective. Les salariés portent les résultats du groupe. Ils méritent une revalorisation générale, au moins indexée sur l’inflation. Ils ont prouvé leur engagement à de multiples reprises.
Nous avons, globalement, trois revendications. Premièrement, une augmentation générale des rémunérations au minimum indexée sur l’inflation, pour toutes les populations, administratives et commerciales, sans limitation de revenu.
Ensuite, nous avons revendiqué une enveloppe d’augmentations individuelles correspondant à 1,7 % de la masse salariale. Cette dernière, contrairement à ce qu’affirme l’entreprise, ne peut compenser à elle seule l’absence d’augmentation générale.
En prenant l’exemple des salariés de Groupama Gan Vie, le constat est clair. Prenons les moyennes annuelles de progression des rémunérations sur les 5 dernières années, seuls 26,6 % des salariés en classe 3 ont vu leur rémunération progresser ; 36,2 % en classe 4 ; 39,4 % en classe 5 ; 41,2 % en classe 6, et 44,8 % en classe 7.
Enfin, une véritable reconnaissance collective passe par un partage équilibré de la valeur, notamment au travers du versement de la prime d’intéressement. Lorsque l’entreprise performe aussi bien, les salariés doivent en voir les effets. À ce titre, la CFE-CGC se félicite de la mise en place d’accords d’intéressement dans les différentes entités de l’UES depuis de nombreuses années, lesquels représentent, en 2025, un peu plus de 10 % de la masse salariale.
Pour nous, ces trois éléments sont indispensables et essentiels. Aucun ne peut être écarté. Imaginez que quelqu’un retire l’un des 3 pieds du tabouret sur lequel vous êtes assis, vous chuterez inévitablement. Nous avons aussi rappelé que si les entreprises de l’UES Groupama Gan veulent rester attractives, notamment pour les jeunes, elles doivent proposer des rémunérations cohérentes et une vraie perspective d'évolution salariale. En effet, comment une entreprise peut-elle espérer attirer de nouveaux talents si elle ne partage pas les fruits de sa réussite avec ses salariés ?
Si la direction maintient sa position, quelles seront les prochaines étapes de la CFE-CGC pour défendre les intérêts des salariés ?
Notre priorité est de donner la parole aux salariés. Notre rôle, en tant que représentants CFE-CGC, est d’être des relais fiables et transparents. Nous allons continuer d’aller à leur rencontre pour entendre leurs attentes et leur niveau de mobilisation. C’est essentiel, surtout dans un contexte où la population administrative est de plus en plus jeune et entretient un lien plus distendu avec l’entreprise. Ces salariés se reconnaissent moins dans des modes d'action traditionnels comme la grève. À nous de nous adapter.
Nous avons donc choisi, dans un premier temps, de privilégier des rassemblements pendant les pauses et une communication directe avec les équipes. Nous échangeons également avec la presse afin que la situation soit visible à l’extérieur et que la direction comprenne l’enjeu social. Il est important que notre message soit entendu par toutes les directions du groupe.
La deuxième étape est une action intersyndicale coordonnée. Nous pourrions demander une rencontre avec les membres du conseil d’administration…
Malgré l’incompréhension sur ce sujet, et parce que dans l’UES Groupama Gan, le dialogue social reste sain, nous continuerons d’échanger avec les directions. Nous échangeons loyalement et cela nous permet d’avancer intelligemment. C’est important de le souligner. De notre côté, nous allons continuer à rencontrer les salariés et porter leurs revendications. Ils sont trop nombreux à ne pas comprendre et se disent prêts à manifester leur mécontentement. Notre responsabilité, à la CFE-CGC, est de rester proches d’eux, de les soutenir et de porter leur voix avec constance et détermination.
Propos recueillis par François Tassain