Fin d'une ère chez Casino. Nouveau propriétaire, disparition programmée des magasins, restructuration de la dette et des organigrammes : le groupe de distribution fondé en 1898 à Saint-Étienne par Geoffroy Guichard se prépare à de vastes chambardements qui ne manqueront pas d’impacter ses quelques 50 000 salariés en France.
PRISE DE CONTRÔLE PAR DANIEL KRETINSKY ET RENCONTRES AVEC LES SALARIÉS
Depuis le 27 mars dernier, le groupe Casino, dirigé pendant 20 ans par Jean-Charles Naouri, a officiellement changé de propriétaire en la personne du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, par ailleurs premier actionnaire de Metro et Fnac Darty et propriétaire d’Editis et de plusieurs titres de presse (Marianne, Elle...). Dans un communiqué, Casino a ainsi annoncé « la réalisation effective de sa restructuration financière » et indiqué que l'ensemble des opérations prévues par le plan de sauvegarde arrêté le 11 décembre 2023 par le tribunal de commerce de Paris « ont été mises en œuvre ».
Lourdement endetté, Casino affichait fin 2023 une dette de 7,4 milliards d’euros, laquelle doit être ramenée à 2,6 milliards d’euros d’ici fin mars 2028.
Chez Casino, la CFE-CGC et les syndicats dans l’expectative
Désormais propriété de Daniel Kretinsky, le distributeur multi-enseignes (Casino, Monoprix, Franprix…), lourdement endetté, fait face à de gros enjeux de réorganisation. Alors qu’un PSE se dessine, l’intersyndicale et les élus CFE-CGC restent mobilisés.
L’analyse de Philippe Guirao, délégué syndical CFE-CGC et élu titulaire au comité social et économique (CSE) de DCF (Distribution Casino France) amont, l’entité qui comprend notamment le siège stéphanois historique et le siège francilien à Vitry-sur-Seine.
« C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour cette entreprise centenaire emblématique. Enfin, les nouveaux propriétaires arrivent et on devrait en savoir plus. Le jour même de la reprise officielle (le 27 mars), un conseil d’administration s’est d’ailleurs tenu. La nouvelle équipe dirigeante a ensuite débuté une série de rencontres avec les salariés. Une première réunion de présentation a été organisée au siège à Saint-Étienne en présence du directeur général Philippe Palazzi (ex-Metro et Lactalis). Trois autres ont ensuite été programmées le 2 avril sur le site de Clichy (Hauts-de-Seine), siège de Monoprix ; le 3 avril à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), siège de Franprix ; et le 4 avril à Bordeaux avec les salariés de Cdiscount. »
RÉORGANISATIONS ET MENACES SUR LES EMPLOIS
Comme indiqué par l’Autorité de la concurrence, Intermarché, Auchan et Carrefour ont respectivement notifié, les 8 février, 27 février et 7 mars 2024, des projets d’acquisition ciblant au total 323 magasins de distribution au détail - essentiellement à dominante alimentaire - actuellement exploités par le groupe Casino. Précisément, 164 magasins Casino passeraient sous enseigne Intermarché, 98 chez Auchan et 31 chez Carrefour tandis que les autres points de vente cherchent des repreneurs. Au total, près de 13 000 salariés vont être concernés par ces transferts.
Le nouveau périmètre du groupe Casino (9,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023 dont la moitié réalisé par Monoprix) comprend un peu de plus de 8 600 points de vente sous les enseignes Monoprix, Franprix, Proxi, Naturalia, Vival, Spar…
L’analyse de Philippe Guirao, délégué syndical CFE-CGC
« L’ensemble des hyper et supermarchés Casino ont été vendus - ou sont en passe de l’être - à Intermarché, Auchan et Carrefour. S’il n’y a pas de casse attendue au niveau de l’emploi puisque les personnels devraient être repris, les conditions de travail et les avantages sociaux vont être différents selon le transfert sous telle ou telle enseigne. La CFE-CGC sera très vigilante en la matière, en particulier pour les magasins cédés à Intermarché. Chez Auchan et Carrefour, les retours de terrain et syndicaux sont plus rassurants. Stratégiquement dorénavant, les deux locomotives du groupe Casino vont être Monoprix et Franprix. Nous pressentons en revanche que la branche proximité (Le Petit Casino, Spar, Vival…) soit fragilisée voire prochainement cédée. »
« Les salariés et les organisations syndicales veulent donc rapidement, auprès de la direction comme des pouvoirs publics, en savoir davantage en termes de nouvelles organisations, de calendrier et d’emplois menacés. Nous savons seulement que la direction souhaite tout transversaliser au niveau des fonctions support, notamment la comptabilité. Sur les 5 000 emplois concernés, environ la moitié pourrait être impactés. Plus largement, on s’attend à un nombre conséquent de suppressions de postes : selon les estimations, les effectifs pourraient passer de 50 000 à environ 28 000 salariés après la cession des magasins et la réorganisation du siège stéphanois. »
PSE, PLANS DE DÉPARTS VOLONTAIRES : DE GROS DOSSIERS POUR L’INTERSYNDICALE
Mobilisées depuis de longs mois durant le processus de reprise et face à un risque de casse sociale, les cinq organisations syndicales représentatives du groupe Casino (CFE-CGC, CGT, CFDT, FO et UNSA) ont fonctionné en intersyndicale avec notamment l’organisation de plusieurs rassemblements. Le 4 mars dernier, le comité social et économique central (CSEC) de Casino France avait aussi annoncé faire appel du jugement du tribunal de commerce de Paris avalisant le plan de reprise. « Par cette démarche, les organisations syndicales, sans remettre en cause le plan présenté, avaient signifié que celui-ci ne comportait pas de volet social : nombre et typologie d’emplois concernés, montants alloués à la mise en œuvre du plan, etc. », précise Philippe Guirao.
L’analyse de Philippe Guirao, délégué syndical CFE-CGC
« En début d’année, les organisations syndicales et la direction ont débuté une négociation relative à l’accord de méthode pour déterminer un calendrier, des mesures et des moyens pour accompagner tous les salariés du groupe. Le projet d’accord n’a pas emporté d’accord majoritaire. Aujourd’hui, l’intersyndicale se poursuit même si FO en est récemment sortie. La direction s’est engagée à nous évoquer, aux alentours de la mi-avril, les modalités de la réorganisation. On se dirige a priori vers un PSE avec une partie de plans de départs volontaires (PDV) et des indemnités au-delà du supra-légal. Mais tout reste à préciser. »
Mathieu Bahuet