Chez Accenture, où la CFE-CGC a obtenu 28 % de représentativité aux élections professionnelles organisées au printemps 2023, quels sont vos mandats respectifs ?
Alexandre Bugeaud (à droite sur la photo) : Je suis délégué syndical central adjoint et délégué syndical de l’entité Accenture Technology Solutions (ATS) soit environ 2 000 des 11 000 salariés du groupe.
Éric Dalmasso (à gauche sur la photo) : Je suis élu et secrétaire du comité social et économique (CSE), membre du comité de groupe et du comité européen, et en charge de l’équipe CFE-CGC pour la société Accenture SAS (environ 6 000 salariés dont 97 % de cadres), la société principale.
Accenture France en grève sur les salaires
Pour la première fois de son histoire, la filiale française du cabinet de conseil Accenture (11 000 salariés) fait face à une grève. En cause : des salaires au point mort. Explications avec Alexandre Bugeaud et Éric Dalmasso, militants CFE-CGC.
Sous l’impulsion de la CFE-CGC et de la CGT, un mouvement de grève inédit a été initié le 5 octobre, avant un prochain débrayage prévu ce vendredi 13 octobre. Pour quelle raison ?
Alexandre Bugeaud : Il y a un fort mécontentement après les négociations annuelles obligatoires (NAO) à l’issue desquelles la direction a acté unilatéralement un 0 % d’augmentation pour tous les salariés non promus, soit 92 % des effectifs, quels que soient leurs grades. À ceci s’ajoutent une nette baisse des promotions dont aucune pour les fonctions supports, et zéro budget complémentaire pour compenser avec des primes. Dans un contexte de forte inflation à 5 %, cette politique salariale est inacceptable. D’où la mobilisation du 5 octobre qui a pris la forme d’un débrayage physique sur le centre de Nantes et d’interruptions de travail pendant une heure, avec déclaration, dans les centres de Paris, Toulouse et Brest. L’appel à la grève a été très bien perçu et soutenu par les salariés, quand bien même ce n’est pas dans la culture de l’entreprise et que les actions ont quelque peu détonné dans l’univers du conseil.
Éric Dalmasso : Pour le mouvement du 13 octobre, les consultants se joignent aux informaticiens pour élargir la mobilisation. Malgré quelques minimes satisfactions obtenues (prime vacances en faveur des bas salaires, quelques promotions supplémentaires par rapport aux premières propositions durant la négociation), les NAO ne répondent absolument pas aux attentes des salariés et des organisations syndicales, qui plus est après une campagne NAO 2022 déjà décevante. Il faut en outre rappeler qu’Accenture affiche de très bons résultats d’activité (ndlr : 64,1 milliards de dollars de chiffre d’affaires au niveau mondial l’an dernier, en hausse de 4 %) avec 9 milliards de dollars de cash générés dont plus de 7 milliards reversés aux actionnaires et plus de 4 milliards de rachats d’actions.
L’appel à la grève a été très bien perçu et soutenu par les salariés, quand bien même ce n’est pas dans la culture de l’entreprise »
Comment la direction justifie-t-elle sa position ?
Éric Dalmasso : Accenture entend adopter une attitude salariale prudentielle avec la crainte d’une contraction de la croissance et de potentiels problèmes sur les marges, sans toutefois nous indiquer le moindre chiffre en la matière.
Alexandre Bugeaud : L’argument de l’hypothétique contraction économique et des incertitudes conjoncturelles n’est pas entendable et nous craignons que le groupe réfléchisse à de prochaines modifications structurelles. Dans tous les cas, ce n’est pas un bon signal envoyé aux salariés pour qui le contrat moral est rompu.
Nous craignons le départ de plusieurs centaines de salariés »
Quelles sont vos craintes désormais ?
Éric Dalmasso : Sur les 6 000 salariés de l’entité SAS, nous ne serions pas étonnés que 800 à 1 000 collaborateurs quittent l’entreprise ces prochains mois, ce qui n’est pas sans risque concernant la bonne réalisation des projets. Ces craintes sont d’ailleurs confirmées par plusieurs cadres dirigeants avec qui nous échangeons et qui sont tombés des nues après cette absence totale d’augmentation au mérite. Le sondage que nous avons mené auprès des salariés, avec plusieurs centaines de réponses, a clairement mis en lumière ce mécontentement latent sur le volet salarial.
Alexandre Bugeaud : Outre la partie salariale, nous sortons très déçus des NAO sur d’autres aspects tels que la non prise en compte de nos propositions, par exemple concernant la mobilité durable, pour laquelle aucun budget n’est débloqué, ou sur les congés d’ancienneté. Cet épisode aura forcément un impact sur la motivation et l’implication des salariés ; et sur les prochaines échéances de dialogue social. Ce d’autant qu’en parallèle, une rupture conventionnelle collective (RCC) est en cours de négociation concernant les fonctions supports. Cela rajoute à un climat social plutôt difficile.
Quelle suite pourrait être donnée à la mobilisation de vendredi ?
Éric Dalmasso : L’intersyndicale fera le point après la mobilisation qui prévoit une heure de débrayage de 11h à 12h, et un rassemblement symbolique devant les bureaux d’Accenture France à Paris dans le 13e arrondissement. D’autres actions, à définir, pourraient être envisagées.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet