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Publié le 12 - 11 - 2020

    « À la Matmut, un accord télétravail équilibré »

    L’accord signé chez l’assureur mutualiste se veut innovant concernant le réseau d’agences. Frédéric Poichet, délégué syndical central CFE-CGC, décrypte sa mise en place à l’heure du confinement.

    Quels sont les principaux points de l’accord télétravail signé le 1er octobre à la Matmut ?

    Il s’agit d’un accord signé à l’unanimité des organisations syndicales (CFE-CGC, CFDT, CFTC, CGT et FO). Entré en vigueur le 19 octobre 2020 pour trois ans, il instaure la possibilité pour la quasi-totalité des salariés de la Matmut de télétravailler deux jours par semaine maximum. Cette mise en place repose sur la notion de « double consentement » de la part du salarié et de son manager, sachant que c’est à ce dernier que revient l’arbitrage final de la décision, selon sa perception des besoins de son équipe, mais que tout refus temporaire ou définitif doit être justifié.

    Pourquoi seulement la « quasi-totalité » des salariés ?

    Les négociations visaient à inclure le plus grand nombre, mais il y a des métiers qui ne sont pas télétravaillables comme le ménage, la cuisine, les jardiniers… Ce qui fait notre particularité dans la branche est que nous avons lancé un test sur le réseau d’agences. Pour le coup, très peu de compagnies d’assurances proposent vraiment du télétravail à leur réseau. Pour les agences de 5 à 6 personnes (celles qui emploient moins de 5 personnes ne sont pas concernées, sauf à la marge), notre accord instaure deux jours de télétravail par mois maximum. Pour celles de 7 personnes ou plus, on peut aller jusqu’à quatre jours.
     

    « Tous nos collaborateurs ne sont pas encore dotés de PC portables leur permettant un télétravail à 100 % »

    Ces amplitudes de télétravail ne semblent pas énormes…

    Non, mais le rôle fondamental de l’agence est d’accueillir nos assurés et de répondre au téléphone. À la CFE-CGC, nous tenons à notre modèle d’agences et nous ne voulons pas que, par le biais du télétravail, on aille un jour vers des fermetures dans le réseau en prétextant que les clients seraient devenus accros au tout-à-distance ou au self-care. Nous sommes partis du postulat qu’il faut toujours un minimum de collaborateurs dans une agence pour accueillir nos sociétaires au téléphone et en vis-à-vis. Quatre jours de télétravail par mois pour une agence de 7 personnes, cela fait quand même un jour par semaine, ce qui n’est pas si facile à instaurer. Et par rapport aux collaborateurs du back-office pour qui l’accord permet deux jours de télétravail par semaine, cela constitue un bon équilibre.

    L’accord comporte-t-il des clauses de revoyure sur cette partie test en agences ?

    Un suivi était prévu avec des points d’étape à quatre, huit et douze mois, mais tout a été chamboulé par le Covid. Nous sommes passés au mode de télétravail « exceptionnel » prévu par l’accord et nous faisons avec les moyens du bord pour répondre aux exigences gouvernementales. Nous avons une dotation de matériel d’entreprise mais tous nos collaborateurs ne sont pas encore dotés de PC portables leur permettant un télétravail à 100 %. La Matmut déploie actuellement 300 portables par semaine qu’il faut paramétrer au niveau central et ensuite installer aux postes de travail, dans les agences, les plateformes, les services de gestion de sinistres, etc., ce qui prend une heure et demie par salarié. Début novembre, environ 2 000 de ces appareils étaient déployés mais le Covid ne simplifie pas les choses et il en reste 4 000 à disposer dans les deux ou trois mois qui viennent. En attendant, nous avons mis en place des outils pour permettre le travail à distance sur le matériel personnel des salariés.

    « Il y a peu de salariés des agences qui souhaitent être en télétravail total »

    De fait, le nombre de jours télétravaillés actuellement dans les agences est-il supérieur à celui négocié dans l’accord d’octobre ?

    Oui mais cela dit, il n’y a pas vraiment de normes puisque c’est au manager de chaque agence de s’organiser et de dimensionner ses équipes pour continuer à accueillir des clients étant donné que nous sommes une activité dite « essentielle ». Cela dépend aussi de la volonté des collaborateurs. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’entre eux souhaitaient aller sur site. Ils ne sont pas tous fervents du télétravail, soit parce que les conditions ne sont pas idéales chez eux sur le plan de l’installation ou du panel de leurs outils, soit parce qu’ils veulent garder le lien social ou pour diverses raisons. Il y a peu de salariés des agences qui voudraient être en télétravail total. Alors que dans les back-offices en revanche, le respect des consignes gouvernementales a imposé le télétravail total chaque fois que cela est possible.

    Le confinement actuel et le télétravail « exceptionnel » qui en découle rendent-ils caduc votre récent accord ?

    Je ne pense pas car je le trouve assez équilibré pour être pertinent sur la durée. Le nombre de jours et les modalités de mise en place permettent de maintenir le lien social et aux managers de répartir le télétravail. La mise en place se fait en bonne intelligence puisqu’elle repose sur un double consentement. Les collaborateurs qui télétravaillent sont indemnisés à hauteur de 3 euros par jour, dans la limite du plafond Urssaf de 50 euros par mois, et leurs tickets restaurants sont pris en charge. Un gros effort de pédagogie est fait en direction des managers pour bien présenter cet accord et leur expliquer que beaucoup de choses leur incombent dans sa nature et son rythme de son déploiement. Tout cela fait que l’accord devrait tenir la route quand nous aurons repris une vie « normale ».

    Propos recueillis par Gilles Lockhart